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29/12/2023 | FRANCE | N°21NC01377

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 29 décembre 2023, 21NC01377


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de Strasbourg d'annuler la décision de la ministre des armées du 11 avril 2019 rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité.



En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, le tribunal des pensions militaires de Strasbourg a transmis, pour attribution, au tribunal administratif de Strasbourg la demande de M. A....



Par un jugement n° 2000786 du 30 mars 2021,

le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 11 avril 2019 de la ministre des armées. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de Strasbourg d'annuler la décision de la ministre des armées du 11 avril 2019 rejetant sa demande de pension militaire d'invalidité.

En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, le tribunal des pensions militaires de Strasbourg a transmis, pour attribution, au tribunal administratif de Strasbourg la demande de M. A....

Par un jugement n° 2000786 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 11 avril 2019 de la ministre des armées.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 11 mai 2021 et le 9 mars 2022, la ministre des armées demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 30 mars 2021;

2°) de rejeter la demande de M. A....

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont appliqué les dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (devenu l'article L. 154-1 à compter du 1er janvier 2017) alors que seules les dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-2 du même code s'appliquaient, M. A... n'étant pas titulaire d'une pension militaire d'invalidité ;

- l'infirmité " nouvelle baisse auditive-perte auditive moyenne oreille gauche = 61,25 décibels " est postérieure au service et donc non imputable au service.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 août 2021, M. A..., représenté par Me Tassigny, conclut :

1°) au rejet de la requête de la ministre des armées ;

2°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a jamais demandé en première instance le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité mais a seulement contesté le taux d'invalidité de 6 % qui lui avait été reconnu le 27 février 2019 par la commission consultative de réforme des pensions militaires d'invalidité alors que le 11 janvier 2017 un taux de 7 % lui avait été accordé ;

- le tribunal administratif a donc statué sur sa demande qui visait uniquement à ce que son taux d'invalidité soit fixé à 8 % sans que cela ne lui donne droit à pension.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né en 1964, est entré en service le 1er août 1982. Il a subi un " traumatisme sonore bilatéral " le 19 octobre 1983 et un " traumatisme sonore aigüe de l'oreille gauche " le 11 août 1987. Il a sollicité une première pension militaire d'invalidité le 30 décembre 1996 qui a fait l'objet d'un refus du ministre de la défense le 2 mars 1998. Par une nouvelle demande du 2 juin 2014, il a sollicité de nouveau une pension militaire d'invalidité, laquelle fera également l'objet d'un refus le 3 avril 2017. Une troisième demande de pension militaire d'invalidité a été réceptionnée le 22 mai 2017 et par une décision du 11 avril 2019 la ministre des armées a opposé un refus au motif que la première infirmité " acouphènes intermittents " a été évaluée à un taux d'invalidité inférieur au seuil de 10 % et que la seconde infirmité " nouvelle baisse auditive gauche - perte moyenne oreille gauche 61,25 décibels " n'est pas imputable au service car postérieure au service, M. A... ayant été rayé des contrôles le 13 février 1998. M. A... a alors saisi le tribunal des pensions militaires de Strasbourg, qui a transféré le litige au tribunal administratif de Strasbourg. Ce dernier a regardé la demande de M. A... comme tendant à l'annulation de la décision du 11 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un jugement du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de la ministre des armées du 11 avril 2019 et a fixé le taux d'invalidité de l'infirmité " nouvelle baisse auditive gauche " à 10 %. La ministre des armées relève appel de ce jugement du 30 mars 2021 qui a annulé sa décision.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaire d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension :1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ;3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ;4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Lorsque la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes mentionnées à l'article L. 121-1 ne peut être apportée, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition :1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée :a) Soit avant la date du renvoi du militaire dans ses foyers ; b) Soit, s'il a participé à une des opérations extérieures mentionnées à l'article L. 4123-4 du code de la défense, avant la date de son retour sur son lieu d'affectation habituelle ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle ait été constatée après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant l'une des dates mentionnées au 1°.En cas d'interruption de service d'une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, la présomption ne joue qu'après le quatre-vingt-dixième jour suivant la reprise du service actif. La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. La présomption définie au présent article s'applique exclusivement, soit aux services accomplis en temps de guerre, au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre ou en opération extérieure, soit au service accompli par les militaires pendant la durée légale du service national, les constatations étant faites dans les délais prévus aux précédents alinéas. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " La pension est concédée : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % (...) ". Aux termes de l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ".

4. Il résulte de l'instruction que la ministre des armées a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité de M. A... le 11 avril 2019 au motif que l'infirmité litigieuse " nouvelle baisse auditive gauche / perte auditive moyenne oreille gauche 61,25 décibels ", " n'est pas imputable au service car elle est postérieure au service, étrangère à celui-ci quel qu'en soit son taux (décisions CE n° 261848 du 23 février 2005 et n° 281585 du 13 mars 2007). Tel n'est pas le cas de l'intéressé rayé des contrôles de l'armée active depuis le 13 février 1998 (infirmité 2) ".

5. Pour prononcer l'annulation de la décision du 11 avril 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité de M. A..., les premiers juges se sont fondés sur les dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, au demeurant plus en vigueur à la date de la demande de M. A..., reprises à l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre précitées, lesquelles sont uniquement applicables aux demandes de révision des pensions militaire d'invalidité. Or, M. A... ne bénéficiant d'aucune pension militaire d'invalidité ainsi qu'il a été précisé ci-dessus, seules les dispositions des articles L. 121-1 et 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre précités et relatifs à une première demande de pension militaire d'invalidité lui étaient applicables. Dans ces conditions, la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé sa décision sur le fondement des dispositions applicables à la révision de pension.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg à l'encontre de la décision du 11 avril 2019.

7. M. A... soutient que l'aggravation de son acuité auditive de l'oreille gauche, imputable au service, doit être fixée à 8 % et fait valoir que cette infirmité se rattache aux accidents survenus les 19 octobre 1983 et 11 août 1997 au cours desquels il a subi un traumatisme sonore. Toutefois, et alors que l'imputabilité au service de l'infirmité n'est au demeurant pas établie par les pièces du dossier, M. A... se borne à soutenir que son taux d'invalidité doit être porté à 8 %, taux qui ne peut, en toute hypothèse, ouvrir droit à une pension militaire d'invalidité, au titre des dispositions de l'article L. 121-5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre précité, comme l'admet d'ailleurs le requérant. Dans ces conditions, le moyen invoqué par M. A... à l'appui de sa demande d'annulation de la décision de refus de pension militaire d'invalidité est inopérant.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 11 avril 2019 portant refus de pension militaire d'invalidité à M. A.... Le jugement est par suite annulée et la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 2000786 du 30 mars 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg et ses conclusions en appel présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

N°21NC01377


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01377
Date de la décision : 29/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : TASSIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-29;21nc01377 ?
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