Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés du 16 août 2023 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a ordonné leur transfert aux autorités italiennes et leur assignation à résidence.
Par un jugement n° 2307683, 2307684 du 23 août 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a annulé ces arrêtés et a enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de leur délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent jugement.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2023 sous le numéro 2302266, le préfet des Bouches-du-Rhône demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2307684 du tribunal administratif de Marseille du 23 août 2023 ;
2°) de rejeter la demande de M. B... tendant à l'annulation des décisions de transfert et d'assignation en litige, ainsi que les demandes d'injonction et celle fondée sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les documents relatifs à l'accueil des demandeurs d'asile en Italie sur lesquels le jugement est fondé ne présument en rien de la capacité de cet Etat à traiter les demandes d'asile formulées sur son territoire et il n'était pas contraint de connaître à l'avance les conditions d'accueil de la famille de l'intimé ;
- le signataire des arrêtés attaqués bénéficiait d'une délégation à cette fin ;
- le droit à l'information prévu par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 a été respecté ;
- un entretien individuel a eu lieu conformément à l'article 5 dudit règlement ;
- les arrêtés litigieux sont suffisamment motivés et il a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé ;
- les conditions fixées par l'article 17 de ce règlement pour l'examen par la France de la demande d'asile de l'intéressé par dérogation aux règles gouvernant la désignation de l'Etat membre responsable de cette demande ne sont pas réunies ;
- les arrêtés en litige ne méconnaissent pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, faute de justification d'un risque de traitement inhumain en cas de transfert en Italie ;
- en sa qualité d'état membre de l'Union européenne et de signataire de la Convention du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, l'Italie est présumée être en capacité d'examiner la demande de M. B... dans les conditions respectant les droits des demandeurs d'asile et ce dernier n'apporte aucune précision quant à l'existence d'un risque sérieux que sa demande ne soit pas traitée par les autorités italiennes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2023, M. C... B..., représenté par Me Gilbert, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet des Bouches-du-Rhône ne sont pas fondés.
M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
II. Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2023 sous le numéro 2302267, le préfet des Bouches-du-Rhône demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2307683 du tribunal administratif de Marseille du 23 août 2023 ;
2°) de rejeter la demande de Mme B... tendant à l'annulation des décisions de transfert et d'assignation en litige, ainsi que les demandes d'injonction et celle fondée sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les documents relatifs à l'accueil des demandeurs d'asile en Italie sur lesquels le jugement est fondé ne présument en rien de la capacité de cet Etat à traiter les demandes d'asile formulées sur son territoire et il n'était pas contraint de connaître à l'avance les conditions d'accueil de la famille de l'intimée ;
- le signataire des arrêtés attaqués bénéficiait d'une délégation à cette fin ;
- le droit à l'information prévu par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 a été respecté ;
- un entretien individuel a eu lieu conformément à l'article 5 dudit règlement ;
- les arrêtés litigieux sont suffisamment motivés et il a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée ;
- les conditions fixées par l'article 17 de ce règlement pour l'examen par la France de la demande d'asile de l'intéressée par dérogation aux règles gouvernant la désignation de l'Etat membre responsable de cette demande ne sont pas réunies ;
- les arrêtés en litige ne méconnaissent pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, faute de justification d'un risque de traitement inhumain en cas de transfert en Italie ;
- en sa qualité d'Etat membre de l'Union européenne et de signataire de la Convention du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, l'Italie est présumée être en capacité d'examiner la demande de Mme B... dans les conditions respectant les droits des demandeurs d'asile et ce dernier n'apporte aucune précision quant à l'existence d'un risque sérieux que sa demande ne soit pas traitée par les autorités italiennes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2023, Mme A... B..., représentée par Me Gilbert, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le préfet des Bouches-du-Rhône ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Claudé-Mougel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet des Bouches-du-Rhône demande l'annulation du jugement n° 2307683, 2307684 du 23 août 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille annulant les arrêtés du 16 août 2023 par lesquels il a ordonné le transfert de Mme A... B... et de M. C... B... aux autorités italiennes en vue de l'examen de leur demande d'asile et décidé de leur assignation à résidence.
Sur la jonction :
2. Les affaires enregistrées sous les n° 23MA02266 et 23MA02267 sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger de questions communes. Il y a lieu d'y statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Le point 13 du préambule de ce règlement précise : " Conformément à la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant de 1989 et à la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'intérêt supérieur de l'enfant devrait être une considération primordiale des États membres lorsqu'ils appliquent le présent règlement. Lorsqu'ils apprécient l'intérêt supérieur de l'enfant, les États membres devraient en particulier tenir dûment compte du bien-être et du développement social du mineur (...) ". Selon l'article 21 de la directive du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, les personnes vulnérables sont notamment représentées par les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, par exemple les victimes de mutilation génitale féminine.
4. Le jugement attaqué a été rendu au motif que Mme B... a donné naissance, en France, à une fillette le 1er juillet 2023, ce qui nécessite un traitement médical adapté, alors que M. et Mme B... ont fait état de ce qu'ils n'avaient pas bénéficié d'un accueil adapté au cours des trois mois qu'ils avaient passé en Italie, et qu'en dépit de l'accord explicite des autorités italiennes à leur reprise en charge, il ne ressortait pas des pièces du dossier que l'administration ait obtenu des précisions sur les conditions de prise en charge spécifiques d'une famille comprenant un nourrisson et une jeune femme récemment accouchée et nécessitant une prise en charge médicale, qui présentait ainsi une particulière vulnérabilité, alors que M. et Mme B... avaient expressément fait état, dans leurs observations préalables aux arrêtés attaqués de ce que celle-ci était enceinte de huit mois. Le préfet des Bouches-du-Rhône ne conteste pas ces circonstances dans ses requêtes, lesquelles justifiaient, contrairement à ce qu'il soutient, que soient mises en œuvre les dispositions dérogatoires de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 susvisé, à supposer même qu'il n'existait aucune défaillance systémique dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile au sens de l'article 3 du même règlement à la date de ses arrêtés, lesquels mentionnent en outre que M. et Mme B... n'ont pas d'enfant, et sont ainsi fondés sur une circonstance matériellement inexacte.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Bouches-du-Rhône n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur les frais de l'instance :
6. M. et Mme B... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, leur conseil peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Gilbert renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros.
D É C I D E
Article 1er : les requêtes n° 23MA02266 et 23MA02267 du préfet des Bouches-du-Rhône sont rejetées.
Article 2 : L'Etat versera à Me Gilbert une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme A... B... et M. C... B... ainsi qu'à Me Gilbert.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président-assesseur,
- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 décembre 2023.
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N° 23MA02266, 23MA02267
nb