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28/12/2023 | FRANCE | N°23MA02053

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 28 décembre 2023, 23MA02053


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2301832 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :
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Par une requête enregistrée le 4 août 2023, M. A..., représenté par Me Teysseyré, demande à la Cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2301832 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2023, M. A..., représenté par Me Teysseyré, demande à la Cour :

1°) d' annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- le préfet a entaché cette décision d'un défaut d'examen réel et sérieux de la situation personnelle du requérant ;

- cette décision repose sur une base légale erronée ;

- cette décision méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice du pouvoir de régularisation dont dispose le préfet ;

- tant cette décision que la décision portant obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.

La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- et les observations de Me Teysseyré, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il relève appel du jugement du 23 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application et rappelle les éléments de nature administrative, personnelle et familiale caractérisant la situation du requérant, en rapport avec sa demande de titre de séjour. L'erreur de plume consistant à avoir mentionné que la demande d'admission au séjour présentée par l'intéressé reposait sur le 6° de l'article 6 de l'accord franco-algérien au lieu du 5° de cet article est sans incidence sur la légalité de l'arrêté dès lors que le 5° est effectivement mentionné dans les motifs de la décision, qui constatent que les conditions fixées par ce texte ne sont pas réunies. Par suite, M. A... n'est fondé à soutenir ni que l'arrêté est insuffisamment motivé, ni qu'il repose sur une base légale erronée.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a présenté une demande de titre de séjour par un courrier manuscrit daté du 24 février 2022 en sollicitant l'attribution d'un titre portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou la mention " salarié " sur le fondement des articles L. 435-3 et L. 435-1 du même code ou portant la mention " travailleur temporaire " ou " étudiant " afin de poursuivre sa scolarité. Sa demande a été enregistrée le 9 mars 2022, sur le formulaire utilisé par l'administration, au titre d'une admission exceptionnelle au séjour émanant d'un mineur placé à l'ASE après l'âge de 16 ans. Par un courriel du 4 avril 2022, l'avocate du requérant a précisé au moyen d'une note que cette demande devait être regardée comme fondée sur les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que sur le pouvoir de régularisation dont dispose le préfet à l'aune des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux jeunes majeurs pris en charge par l'ASE durant leur minorité, non applicables aux ressortissants algériens. Dans un courriel du 6 avril 2022 l'avocate du requérant a adressé à l'administration un certificat de scolarité et a indiqué que la demande de titre en litige devait également être examinée sur le fondement des stipulations du titre III du protocole additionnel de l'accord franco-algérien, aux termes duquel " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourses ou autres ressources) reçoivent, sur présentation, soit d'une attestation de pré-inscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention " étudiant " ou " stagiaire ".

4. Aux termes de l'article 9 de l'accord franco-algérien : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) (a à d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises (...) ". Il résulte de ces stipulations que la délivrance d'un certificat de résidence algérien portant la mention " étudiant " est soumise à la présentation d'un visa de long séjour par l'étranger. Il est constant que M. A... n'a pas justifié d'un visa de long séjour en cours de validité à la date de sa demande. Ainsi, ce n'est que dans le cadre de son pouvoir de régularisation que le préfet pouvait lui délivrer un titre portant la mention " étudiant ". Il suit de là qu'en relevant, dans l'arrêté attaqué, que, l'intéressé ne justifiant pas du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, il n'y avait pas lieu de faire application du pouvoir de régularisation dont le préfet dispose, ce dernier a nécessairement statué sur tous les fondements invoqués par M. A..., y compris sur le titre III du protocole additionnel de l'accord franco-algérien. Le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de la situation personnelle du requérant doit donc être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5° Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., né le 18 mai 2003, est entré en France dans des conditions indéterminées le 8 mars 2021 selon ses déclarations. Il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance des Bouches-du-Rhône par ordonnance du 2 avril 2021. Par décision du 29 juin suivant, le département des Bouches-du-Rhône a cependant refusé de conclure avec lui un contrat jeune majeur au motif que l'intervalle de temps entre l'ordonnance du 2 avril 2021 et sa majorité avait été insuffisant pour permettre son évaluation. Affecté en classe de 3ème dans un lycée marseillais, il a effectué un stage dans un commerce de restauration du 13 au 24 septembre 2021 mais, n'étant plus pris en charge par le service de l'ASE, a été absent pendant toute l'année scolaire 2021-2022. Le 29 octobre 2022, le département a conclu avec lui un contrat d'aide à un jeune majeur valable jusqu'au 31 mai 2023. La circonstance postérieure à l'arrêté attaqué qu'il a été à nouveau scolarisé en première année de CAP " menuisier " à partir de la rentrée 2023 est sans incidence sur la légalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. S'il justifie que son frère séjourne régulièrement en France sous couvert d'un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an, ses parents et ses deux sœurs résident en Algérie. Eu égard à la durée et aux conditions de son séjour, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet des Bouches-du-Rhône ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a méconnu, en conséquence, ni les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En quatrième lieu, à la date à laquelle M. A... a présenté une demande de titre au séjour et à celle à laquelle le préfet y a statué, l'intéressé n'avait pas été scolarisé ou suivi une formation professionnelle et n'avait effectué qu'une brève période de stage en entreprise. Compte tenu en outre des circonstances énoncées au point précédent, le préfet n'a entaché sa décision d'aucune erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour portant notamment les mentions " étudiant ", " salarié " ou " travailleur temporaire " sur le fondement de son pouvoir de régularisation évoqué au point 4.

8. En cinquième lieu, M. A... soutient que tant la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour que la décision portant obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle en ce qu'elles compromettent la poursuite de sa prise en charge résultant du contrat jeune majeur souscrit, le privent de la possibilité de poursuivre son intégration socio-professionnelle sur le territoire, entraînent la rupture de l'ensemble des relations personnelles et familiales nouées en France pendant deux ans et le contraignent à quitter le territoire pour retourner dans son pays d'origine qu'il aurait quitté durant sa minorité en raison de sa situation de précarité et d'isolement. Ce moyen doit être écarté pour les motifs énoncés aux points 6 et 7.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Teysseyré et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2023.

N° 23MA02053 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02053
Date de la décision : 28/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : TEYSSEYRÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-28;23ma02053 ?
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