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27/12/2023 | FRANCE | N°23NC00612

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 27 décembre 2023, 23NC00612


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.



Par un jugement n° 2203286 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

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Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 24 février 2023, M. A... B...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

Par un jugement n° 2203286 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 février 2023, M. A... B..., représenté par Me Meurou, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 21 octobre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à défaut, dans le même délai et sous la même astreinte, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de la réponse au moyen tiré du défaut d'examen particulier par le préfet de sa situation ;

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- la compétence du signataire n'est pas établie ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il est entré régulièrement en France sans passer par l'Espagne ;

- elle méconnaît l'article 6-2° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il n'est pas entré en France par l'Espagne et que la communauté de vie n'est pas une condition de délivrance du certificat de résidence ;

- elle méconnaît l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la compétence du signataire n'est pas établie ;

- elle n'est pas motivée et révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle comporte une erreur de fait sur ses conditions d'entrée en France ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 6-2° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle méconnaît l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la compétence du signataire n'est pas établie ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 31 mars 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 signée le 19 juin 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien, est entré en France le 15 juillet 2021 muni d'un visa de court séjour de type C à entrées multiples délivré par les autorités espagnoles et valable jusqu'au 21 décembre 2021. Par un courrier du 20 janvier 2022, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence d'Algérien sur le fondement des stipulations

de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 21 octobre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit. M. B... fait appel du jugement du 2 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". L'accord franco-algérien régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité. Parmi ces règles, l'article 9 de cet accord impose que les ressortissants algériens venant en France pour un séjour inférieur à trois mois présentent un passeport en cours de validité muni d'un visa délivré par les autorités françaises.

3. D'autre part, aux termes de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen : " Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans les conditions fixées par chaque partie contractante, aux autorités compétentes de la partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la partie contractante sur lequel ils pénètrent. (...) ". Aux termes de l'article L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger en provenance directe du territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 peut se voir appliquer les dispositions de l'article L. 621-2 lorsqu'il est entré ou a séjourné sur le territoire français sans se conformer aux stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 19, du paragraphe 1 de l'article 20, et des paragraphes 1 et 2 de l'article 21, de cette convention, relatifs aux conditions de circulation des étrangers sur les territoires des parties contractantes, ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité ". Aux termes de l'article R. 621-2 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article R. 621-4, l'étranger souscrit la déclaration d'entrée sur le territoire français mentionnée à l'article L. 621-3 auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. A cette occasion, il lui est remis un récépissé qui peut être délivré par apposition d'une mention sur le document de voyage. / Les modalités d'application du présent article, et notamment les mentions de la déclaration et son lieu de souscription, sont fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'immigration ".

4. Pour refuser de délivrer à M. B... un certificat de résidence, le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui ne conteste pas que les conditions de l'article 6 de l'accord

franco-algérien sont remplies à l'exception de l'entrée régulière sur le territoire, a estimé que l'intéressé provenait directement d'Espagne et que la régularité de son entrée en France se trouvait ainsi soumise à la déclaration prévue par les dispositions précitées. Toutefois, M. B... justifie de la délivrance par les autorités du consulat d'Espagne en Algérie d'un visa Schengen de type C valable du 22 décembre 2019 au 21 décembre 2021. Il justifie également, par la production de son passeport et d'un ticket d'embarquement, qu'il est entré en France le 15 juillet 2021, après avoir embarqué, le même jour, à l'aéroport de Gökçen en Turquie. Si le préfet de Meurthe-et-Moselle fait valoir que l'intéressé avait sollicité un visa Schengen pour se rendre à Madrid, il n'est pas établi que le requérant aurait seulement transité par l'aéroport d'Orly. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, notamment du passeport de M. B..., que ce dernier aurait, contrairement à ce qu'il affirme, quitté le territoire français depuis le 15 juillet 2021 pour se rendre en Espagne avant de revenir en France. Ainsi, le requérant est fondé à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle a entaché sa décision d'une erreur de fait en estimant qu'il était entré en France en provenance d'Espagne et non d'un pays tiers à l'accord de Schengen. Il s'ensuit que la décision refusant de lui délivrer un certificat de résidence sur le fondement des stipulations précitées du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en raison de l'irrégularité de son entrée en France doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. D'une part, eu égard au motif d'annulation retenu et alors que le préfet ne conteste pas que l'intéressé remplissait les autres conditions prévues au 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement de circonstances de fait ou de droit, la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " à M. B.... Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder à cette délivrance dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

7. D'autre part, l'arrêté en litige ne comporte aucune prescription de signalement de M. B... au fichier Schengen. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de procéder à l'effacement de son signalement dans ce fichier ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros qui sera versée à M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nancy du 2 février 2023 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 21 octobre 2022 du préfet de Meurthe-et-Moselle portant refus de délivrance d'un certificat de résidence à M. B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de délivrer à M. B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. BARTEAUX

Le président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 23NC00612 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00612
Date de la décision : 27/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : MEUROU

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-27;23nc00612 ?
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