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27/12/2023 | FRANCE | N°23NC00568

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 27 décembre 2023, 23NC00568


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 4 août 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.



Par un jugement n° 2101923 du 2 mars 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 février 2023 et le 1er mars...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 4 août 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 2101923 du 2 mars 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 février 2023 et le 1er mars 2023, Mme A... B..., représentée par Me Bocher-Allanet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 2 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 4 août 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à défaut, dans ce même délai, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences de ce refus sur sa situation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.

Par un mémoire, enregistré le 18 avril 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante russe, est entrée en France le 1er septembre 2014 sous couvert d'un visa D en qualité d'étudiante. Elle a bénéficié d'une carte de séjour en cette qualité du 16 octobre 2015 au 30 septembre 2016. A la suite de son mariage avec un ressortissant français, elle a obtenu une carte de séjour en qualité de conjoint de français qui a été renouvelée jusqu'au 30 septembre 2020. En raison du divorce prononcé le 10 juillet 2020, Mme B... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 4 août 2021, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite. La requérante fait appel du jugement du 2 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de carte de séjour temporaire :

2. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. / Par dérogation aux dispositions de l'article L. 433-1, elle est prolongée d'un an si l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi. Lors du renouvellement suivant, s'il est toujours privé d'emploi, il est statué sur son droit au séjour pour une durée équivalente à celle des droits qu'il a acquis à l'allocation d'assurance mentionnée à l'article L. 5422-1 du code du travail ".

3. Pour refuser à Mme B... la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", le préfet du Doubs s'est fondé sur la circonstance que son employeur l'avait informé du licenciement de l'intéressée par courrier du 17 juillet 2021. Si à la date de la décision en litige, la requérante devait encore effectuer un préavis expirant le 21 août 2021, il n'en demeure pas moins qu'elle ne pouvait plus être regardée comme étant titulaire d'un contrat à durée indéterminée. Si Mme B... se prévaut de la durée excessive d'instruction de sa demande de changement de statut, cette circonstance est, par elle-même, sans incidence sur le bien-fondé du refus. La contestation du bien-fondé de la rupture de son contrat de travail n'est pas davantage de nature à remettre en cause la légalité de la décision en litige. Enfin, l'intéressée n'ayant pas bénéficié d'une première carte de séjour temporaire en qualité de salarié, elle ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 421-1 qui ont pour objet de prolonger d'un an la durée de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " lorsqu'à la date de son renouvellement, l'étranger a été involontairement privé d'emploi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.

4. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Mme B... se prévaut de sa présence en France depuis 2014 et de son insertion sociale et professionnelle. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle est séparée depuis septembre 2019 de son époux français et que leur divorce a été prononcé le 10 juillet 2020. Sa relation avec un autre ressortissant français, avec lequel la communauté de vie antérieurement à la décision en litige n'est au demeurant pas établie, est très récente. Si elle se prévaut des liens d'amitié qu'elle a tissés sur le territoire au cours des sept années précédant la décision en litige, elle ne conteste pas avoir des attaches privées ou familiales en Russie où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-et-un ans. Si elle a régulièrement travaillé, cette circonstance ne suffit pas à justifier d'une intégration professionnelle particulière. Dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. La requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que cet arrêté méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En dernier lieu, en se bornant à se prévaloir de la durée de son séjour en France et de son intégration sociale, familiale et professionnelle, la requérante n'établit pas que le préfet du Doubs aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation en refusant de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " au titre de son pouvoir de régularisation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

8. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 5, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite, la requête de l'intéressée doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wurtz, président,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. BARTEAUX

Le président,

Signé : Ch. WURTZLe greffier,

Signé : F. LORRAIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 23NC00568 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00568
Date de la décision : 27/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : BOCHER-ALLANET

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-27;23nc00568 ?
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