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26/12/2023 | FRANCE | N°22VE00553

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 26 décembre 2023, 22VE00553


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) The Factory Fitness a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2018 par lequel le maire de la commune de Saint-Denis-en-Val a ordonné la fermeture au public de l'établissement The Factory, pour la partie bâtiment de loisirs, ainsi que les courriers du maire des 30 octobre 2018 et 5 décembre 2018.



Par un jugement n° 1900006 du 14 janvier 2022, le tribunal administratif d'Orléan

s a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et deux m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) The Factory Fitness a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2018 par lequel le maire de la commune de Saint-Denis-en-Val a ordonné la fermeture au public de l'établissement The Factory, pour la partie bâtiment de loisirs, ainsi que les courriers du maire des 30 octobre 2018 et 5 décembre 2018.

Par un jugement n° 1900006 du 14 janvier 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 11 mars 2022, 17 octobre 2022 et 21 novembre 2023, la SAS The Factory Fitness, représentée par la société Verdier et associés, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté du 3 octobre 2018 et les lettres du maire de Saint-Denis-en-Val des 30 octobre et 5 décembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis-en-Val la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 3 octobre 2018 et la décision du 30 octobre 2018 ont été notifiés au mauvais destinataire, à savoir M. B... A... en son nom propre, et non à la société requérante ou à son représentant légal, ce qui a induit une incertitude quant à la personne devant faire les recours ;

- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions des articles L. 122-1 et L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration, faute de l'avoir mise à même de présenter des observations préalablement à son édiction, alors que l'urgence alléguée n'est pas établie ;

- l'arrêté attaqué n'a pas été transmis au représentant de l'Etat en méconnaissance des dispositions des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales ;

- l'arrêté attaqué est illégal, dès lors que l'avis de la commission de sécurité de l'arrondissement d'Orléans du 26 septembre 2018 qui le fonde est irrégulier en la forme, faute de préciser que les conditions de forme édictées par le décret du 8 mars 1995 relatif à la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité et l'arrêté préfectoral du préfet du Loiret du 12 juin 2018 avaient été respectées ;

- à supposer que cet avis était fondé à constater que l'établissement dont il s'agit devait être reclassé en établissement de 1ère catégorie au sens des dispositions de l'article R. 123-19 du code de la construction et de l'habitation, la commission qui a délivré cet avis aurait dû se déclarer incompétente et transférer l'examen à une commission départementale ;

- la commission d'arrondissement était incompétente pour remettre en cause une dérogation accordée par la sous-commission départementale ;

- la SAS The Factory Fitness a été privée de la faculté de soumettre ses observations à la commission départementale, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 123-36 du code de la construction et de l'habitation ;

- la décision du 5 décembre 2018 a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, faute d'avoir fait l'objet d'une procédure contradictoire préalable ;

- elle est illégale, dès lors que l'avis de la sous-commission départementale de sécurité qui la fonde a été rendu sans qu'il ait été procédé à une visite sur place et donc sans que les exploitants ou leur représentant ait été présent lors de cette visite, en méconnaissance des dispositions combinées des articles R. 123-45, R. 123-48 et R. 123-49 du code de la construction et de l'habitation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'alinéa 4 de l'article R. 123-36 du code de la construction et de l'habitation, dès lors que son motif aurait justifié la consultation de la commission centrale de sécurité et que cela n'a pas été fait ;

- elle n'a pas été notifiée au propriétaire des bâtiments, alors qu'elle comporte des remarques relatives à leur construction et aux caractéristiques des matériaux de gros œuvre utilisés ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 123-46 du code de la construction et de l'habitation, faute d'avoir pris la forme d'un arrêté ;

- elle n'a pas été transmise au représentant de l'Etat en méconnaissance des dispositions des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- l'arrêté contesté et le courrier du 30 octobre 2018 sont entachés d'erreurs de fait, dès lors qu'ils se fondent exclusivement sur la prescription de remplacement des mousses de protection, qui ne pouvait être mise en œuvre, alors qu'elle avait obtenu une dérogation dont elle a respecté les termes ;

- l'arrêté contesté et la décision du 30 octobre 2018 sont entachés d'une erreur de fait, dès lors que la commission de sécurité s'est trompée sur la catégorie de l'établissement recevant du public ;

- l'arrêté contesté et la décision du 30 octobre 2018 sont entachés d'une erreur de fait, dès lors qu'elle a réalisé les travaux relatifs aux " conditions d'évacuation non rapides et non sûres de fait de la présence de la clôture et l'absence d'éclairage de sécurité et de balisage " avant leur édiction ;

- ce dernier motif ne pouvait à lui seul justifier la décision de fermeture contestée ;

- la décision du 5 décembre 2018 est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'elle considère que se trouve, dans le bâtiment loisirs, de la mousse classée M4 en grande quantité ;

- la décision du 5 décembre 2018 est entachée d'une erreur de fait dans l'estimation du temps nécessaire à l'évacuation du parc de trampolines, notamment dans l'évaluation des conséquences du fait que les personnes se trouvent en chaussettes ;

- la décision du 3 octobre 2018 est entachée d'une contradiction de motifs, dès lors que l'arrêté définit des prescriptions de sécurité assorties d'un échéancier d'exécution, tout en édictant une mesure de fermeture immédiate au public ;

- la décision du 5 décembre 2018 est entachée d'une contradiction de motifs, dès lors qu'elle se fonde sur l'avis de la sous-commission départementale de sécurité du 30 novembre 2018, qui a émis un avis favorable au projet, du fait de la réalisation des préconisations de l'arrêté du 3 octobre 2018, sauf en ce qui concerne le remplacement des mousses de protection ;

- la décision de fermeture est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle est disproportionnée aux risques constatés ;

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 juillet et 26 octobre 2022, la commune de Saint-Denis-en-Val, représentée par son maire en exercice, par Me Tissier-Lotz, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS The Factory Fitness la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les conclusions de la requête dirigées contre les lettres des 30 octobre et 5 décembre 2018, qui ont le caractère de décisions confirmatives ne faisant pas grief, sont irrecevables et que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tar,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,

- les observations de Me Verdier, pour la SAS The Factory Fitness, et de Me Hallé, pour la commune de Saint-Denis-en-Val.

Considérant ce qui suit :

1. Le complexe de loisirs The Factory, situé sur le territoire de la commune de Saint-Denis-en-Val, est composé de deux bâtiments mitoyens, l'un comprenant notamment un espace dédié au bowling, et l'autre, dit bâtiment de loisirs, comprenant notamment une zone dédiée à la pratique du trampoline. Le 23 novembre 2016, la commission de sécurité de l'arrondissement d'Orléans a émis un avis favorable à l'ouverture au public de la partie bowling, mais a donné un avis défavorable à l'ouverture au public de la partie bâtiment de loisirs, en relevant la mauvaise réaction au feu des protections en mousse situées autour des trampolines. Par arrêté du 19 novembre 2016, le maire de Saint-Denis-en-Val a autorisé, à compter de cette date, l'ouverture au public de la seule partie bowling. Le 30 décembre 2016, la sous-commission départementale de sécurité a émis un avis favorable à la demande de dérogation aux articles AM 15 et AM 17 du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public, concernant la réaction au feu des mousses mises en œuvre dans les protections entourant les trampolines. Cet avis, pris au vu des mesures compensatoires proposées par l'exploitant, lesquelles portaient sur le désenfumage excédentaire du local et sur le nombre excédentaire de sorties donnant directement sur l'extérieur, était assorti de prescriptions complémentaires portant notamment sur la formation du personnel à la mise en œuvre rapide du désenfumage ainsi qu'au déclenchement de l'alarme incendie et à l'utilisation efficace des extincteurs. Par un arrêté du 31 décembre 2016, le maire de Saint-Denis-en-Val a autorisé l'ouverture au public de la partie bâtiment de loisirs à compter de cette date, en assortissant cette autorisation de prescriptions. A la suite d'une visite inopinée de contrôle réalisée le 12 septembre 2018, la commission de sécurité de l'arrondissement d'Orléans a, le 26 septembre 2018, émis un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation de la partie bâtiment de loisirs. Par arrêté du 3 octobre 2018, le maire de Saint-Denis-en-Val a ordonné la fermeture au public de la partie bâtiment de loisirs de l'établissement, ce à compter de la notification de cet arrêté à l'exploitant, et a prescrit la réalisation d'aménagements et de travaux en fixant des délais d'exécution à l'exploitant. Le pli contenant cet arrêté, adressé à M. A... et présenté le 10 octobre 2018, est revenu le 27 octobre 2018 à la mairie de Saint-Denis-en-Val avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Le 30 octobre 2018, un adjoint au maire s'est rendu dans l'établissement pour y remettre l'arrêté du 3 octobre 2018, accompagné d'un courrier de notification rappelant les dispositions de l'article R. 152-6 du code de la construction et de l'habitation. Le 30 novembre 2018, la sous-commission départementale de sécurité, appelée à se prononcer sur une autorisation de travaux de régularisation et sur une nouvelle demande de dérogation, a émis un avis favorable au projet et un avis défavorable à la demande de dérogation. Cet avis a été communiqué à la SAS The Factory Bowling par un courrier du 5 décembre 2018 du maire de Saint-Denis-en-Val. La SAS The Factory Fitness relève appel du jugement du 14 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande aux fins d'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2018 et des décisions des 30 octobre et 5 décembre 2018.

Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :

2. La commune de Saint-Denis-en-Val fait valoir que les conclusions de la requête aux fins d'annulation des décisions des 30 octobre et 5 décembre 2018 seraient irrecevables, dès lors que les décisions que ces deux courriers comportent auraient un caractère confirmatif de l'arrêté du 3 octobre 2018 et ne feraient donc pas grief à la société requérante.

3. Une décision dont l'objet est le même que celui d'une décision antérieure revêt un caractère confirmatif dès lors que ne s'est produit entretemps aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait de nature à emporter des conséquences sur l'appréciation des droits ou prétentions en litige

4. En premier lieu, le courrier du 30 octobre 2018 contesté, dont le seul objet est de porter à la connaissance des personnes morales exploitant l'établissement dont le maire a ordonné la fermeture partielle par l'arrêté contesté du 3 octobre 2018, l'arrêté dont il s'agit, ne comporte aucune décision susceptible de faire grief à la SAS The Factory Fitness. Les conclusions de cette société aux fins d'annulation de ce courrier sont par suite irrecevables.

5. En second lieu, entre le 3 octobre 2018 et le courrier du 5 décembre 2018, qui a pour objet de notifier à la SAS The Factory Bowling, en sa qualité d'exploitante de l'établissement, l'avis du 30 novembre 2018 par lequel la sous-commission départementale de sécurité a émis un avis favorable au projet de travaux de régularisation et un avis défavorable à une nouvelle demande de dérogation formulée par les exploitants de l'établissement, sont intervenus des travaux dans les bâtiments. Ce second courrier, qui comporte la décision de la commune refusant d'accorder la nouvelle dérogation demandée par la SAS The Factory Fitness, n'a pas le même objet que l'arrêté contesté du 3 octobre 2018, alors qu'était intervenu entre le 3 octobre et le 5 décembre 2018 le nouvel avis du 30 novembre 2018, qui est de nature à emporter des conséquences sur l'appréciation de la légalité du maintien de la décision de fermeture et donc des droits et prétentions de la société requérante en litige. La fin de non-recevoir opposée en défense doit, s'agissant de la décision de refus portée par ce second courrier, qui fait grief à la SAS The Factory Fitness, être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté du 3 octobre 2018 :

En ce qui concerne la légalité externe :

6. La société requérante soutient que l'arrêté attaqué serait illégal, dès lors qu'il aurait été initialement notifié à M. B... A... en son nom propre et non pas en sa qualité de représentant légal des deux sociétés exploitant l'établissement dont il s'agit. Toutefois, les conditions de notification d'une décision administrative sont sans incidence sur sa légalité. Le moyen doit être écarté.

7. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 121-2 de ce code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence (...) ".

8. A la suite d'une visite inopinée effectuée le 12 septembre 2018, la commission de sécurité de l'arrondissement d'Orléans a émis un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation de cet établissement pour le bâtiment de loisirs, après avoir constaté que les mesures compensatoires et les prescriptions complémentaires précédemment imposées n'étaient plus suffisantes ou n'avaient pas été respectées. Le procès-verbal de visite fait ainsi mention d'un risque de " développement rapide de l'incendie ", de " production rapide de fumées chaudes, opaques, mobiles, inflammables et toxiques qui viendront piéger les occupants " et de " sinistre (...) susceptible de se développer rapidement et d'entraîner des victimes parmi les occupants d'autant plus que les cheminements (...) sont longs ". Il n'est pas contesté que, pour tenir compte de cet avis, le maire de Saint-Denis-en-Val a pris un arrêté de fermeture du bâtiment dit de loisirs le jour où il a reçu cet avis. L'existence de ces manquements aux règles régissant la sécurité du public suffit à caractériser une situation d'urgence, au sens des dispositions précitées de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration, rendant inapplicables les dispositions précitées de l'article L. 121-1 de ce code. Le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure contradictoire préalable instituée par les dispositions précitées de l'article L. 121-1 de ce code doit être écarté.

9. La transmission d'une décision au représentant de l'Etat, sur le fondement des dispositions des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, n'a pas d'incidence sur sa légalité et n'a d'effet que sur son caractère exécutoire. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 3 octobre 2018 a été transmis au préfet du Loiret le 9 octobre 2018. Le moyen tiré du défaut de cette transmission doit être écarté.

10. La SAS The Factory Fitness ne conteste pas sérieusement qu'elle a réalisé sans autorisation des aménagements augmentant substantiellement l'effectif théorique des personnes que l'établissement dont il s'agit était susceptible d'accueillir, ce que la commission de sécurité de l'arrondissement d'Orléans a découvert lors de sa visite inopinée du 12 septembre 2018 et ce qui l'a conduit à estimer que l'établissement devait être reclassé de la deuxième catégorie à la première catégorie des établissements recevant du public. La SAS The Factory Fitness n'est pas fondée à soutenir, dans ces circonstances, que cette commission aurait dû renoncer à constater les manquements aux obligations de sécurité qu'elle a relevés lors de cette visite pour laisser à une commission compétente pour les établissements de première catégorie le soin de le faire.

11. Si, en application des dispositions de l'article R. 123-36 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version en vigueur du 3 juin 1983 au 1er septembre 2019, en cas d'avis défavorable donné par la commission d'arrondissement, les exploitants pouvaient demander que la question soit soumise à la commission départementale, ces dispositions ne faisaient pas obligation à l'autorité administrative d'informer l'exploitant de cette possibilité. Le moyen tiré de ce que la SAS The Factory Fitness aurait été privée de la faculté de saisir la commission départementale doit être écarté.

12. La SAS The Factory Fitness soutient, qu'en raison du principe de parallélisme des formes, la commission de sécurité de l'arrondissement d'Orléans n'était pas compétente pour remettre en cause, par son avis du 26 septembre 2018 la dérogation qui lui avait été accordée par la sous-commission départementale de sécurité, dans son avis du 31 décembre 2016. Toutefois, aucune disposition législative ou règlementaire, ni aucun principe de droit, ne fait obstacle à ce que la commission de sécurité de l'arrondissement, à la suite d'une visite inopinée, constate des modifications des conditions d'exploitation d'un établissement recevant du public et décide qu'en conséquence une dérogation préalablement accordée ne trouve plus à s'appliquer.

13. La SAS The Factory Fitness soutient que l'avis de la commission de sécurité de l'arrondissement d'Orléans serait irrégulier en la forme, faute de la mettre en mesure de vérifier que les conditions de composition et de forme édictées par le décret du 8 mars 1995 relatif à de telles commissions et par l'arrêté du préfet du Loiret du 12 juin 2018 étaient respectées. Toutefois, aucune disposition législative ou règlementaire ni aucun principe de droit n'impose à un tel avis de préciser la composition de la commission qui a pris cet avis. Le moyen doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

14. La SAS The Factory Fitness soutient que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur de fait, dès lors qu'il se fonde sur la prescription de remplacement des mousses de protection, qui ne pouvait être mise en œuvre, alors que l'exploitant avait obtenu une dérogation à l'obligation de remplacer ces mousses dont elle a respecté les termes. Toutefois, la commission de sécurité de l'arrondissement d'Orléans, par son avis du 26 septembre 2018, rendu après la visite inopinée du 12 septembre 2018, qui avait pour objet de contrôler le respect des prescriptions et des mesures compensatoires à la dérogation dont il s'agit, a constaté que les changements effectués sans autorisation dans l'établissement modifiaient l'appréciation de la pertinence des prescriptions et mesures compensatoires qui avaient été exigées et a notamment estimé, en conséquence que " la mesure compensatoire liée aux dégagements excédentaires n'est plus acceptable puisque non sûre pour certains et en nombre moins excédentaire que prévu. " Dans ces conditions, à supposer que l'exploitant avait mis en œuvre l'intégralité des prescriptions et mesures compensatoires exigées par la dérogation accordée le 30 décembre 2016, l'arrêté contesté n'est pas, à cet égard, entaché d'erreur de fait. Le moyen doit être écarté.

15. La SAS The Factory Fitness soutient que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur de fait, dès lors que la commission de sécurité d'arrondissement d'Orléans, dans son avis du 26 septembre 2018, a considéré à tort que l'établissement dont il s'agit relevait de la première catégorie des établissements recevant du public. Il ressort de cet avis que la commission avait initialement évalué l'effectif total théorique à 1 146 personnes, ce qui plaçait l'établissement en deuxième catégorie et que l'effectif total théorique constaté lors de la visite inopinée du 12 septembre 2018 par la commission d'arrondissement était de 1 627 personnes, ce qui plaçait l'établissement en première catégorie. Si cet avis mentionne que " par ailleurs, cette augmentation d'effectif entraîne un reclassement en 1ère catégorie. Or l'établissement a été conçu en 2ème catégorie ce qui remet en cause le niveau global de sécurité. ", il ressort de cet avis que le motif de fait principal de celui-ci trouve son fondement dans l'importante augmentation de l'effectif théorique du bâtiment dit de loisirs, passant de 396 personnes au titre du public à 877. Or la SAS The Factory Fitness ne conteste pas que les aménagements qu'elle a apportés sans déclaration, consistant en une transformation de la zone billard en zone de restauration et de l'espace d'activité sportive en salle de jeux électroniques, a entraîné une augmentation importante de l'effectif total du bâtiment dit de loisirs. Dans ces conditions, le maire de Saint-Denis-en-Val aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ces dernières constatations de fait. Le moyen doit être écarté.

16. La SAS The Factory Fitness soutient que l'arrêté contesté serait entaché d'une erreur de fait, dès lors qu'il se fonde sur la présence de " conditions d'évacuation non rapides et non sûres du fait de la présence de la clôture et de l'absence d'éclairage de sécurité et de balisage dans l'aire de jeux extérieure ", alors qu'elle aurait réalisé les travaux correspondants, comme l'établit l'attestation de fin de travaux dressée par l'entreprise APIC, assistante à la maîtrise d'œuvre. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les travaux prescrits pour la sécurisation de l'aire de jeux extérieure ont été achevés le 28 octobre 2018, soit postérieurement à l'édiction de la décision attaquée. Or la légalité d'un acte administratif s'apprécie à la date de son édiction. La SAS The Factory Fitness ne saurait donc utilement soutenir que les travaux ayant été réalisés avant la notification de l'arrêté litigieux, celui-ci serait entaché d'une erreur de fait.

17. Si la SAS The Factory Fitness soutient que le motif tenant aux " conditions d'évacuation non rapides et non sûres du fait de la présence de la clôture et de l'absence d'éclairage de sécurité et de balisage dans l'aire de jeux extérieure " ne peut fonder la décision de fermeture, elle n'assortit pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

18. La SAS The Factory Fitness soutient que l'arrêté contesté serait entaché d'une contradiction de motifs, dès lors qu'il prescrit une mesure de fermeture immédiate au public tout en prescrivant des travaux à réaliser avec des délais d'exécution. Toutefois, si l'arrêté contesté prescrit, à titre superfétatoire, des délais de réalisation d'aménagements et travaux indispensables à la constatation d'une mise en conformité de l'établissement dont il s'agit, cette circonstance n'induit aucun doute sur son objet, qui est la fermeture de cet établissement jusqu'au constat de sa mise en conformité et une autorisation délivrée par arrêté municipal. Le moyen doit être écarté.

Sur la légalité de la décision contenue dans la lettre du 5 décembre 2018 :

En ce qui concerne la légalité externe :

19. La SAS The Factory Fitness soutient que cette décision méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, aux termes desquelles : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Toutefois, il est constant que cette décision a été prise à la suite d'une demande de dérogation formulée par la société requérante et relève donc de l'exception édictée par ces dispositions. Le moyen doit être écarté.

20. Aux termes de l'article R. 123-45 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2016 au 1er septembre 2019 : " Au cours de la construction ou des travaux d'aménagement, des visites peuvent être faites sur place par la commission de sécurité compétente. Avant toute ouverture des établissements au public ainsi qu'avant la réouverture des établissements fermés pendant plus de dix mois, il est procédé à une visite de réception par la commission. Celle-ci propose les modifications de détail qu'elle tient pour nécessaires. Lorsque le projet a fait l'objet d'une étude de sécurité publique en application de l'article R. 114-1 du code de l'urbanisme, un représentant au moins de la sous-commission départementale pour la sécurité publique de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité participe à la visite de réception. / L'exploitant demande au maire l'autorisation d'ouverture, sauf dans le cas des établissements visés au premier alinéa de l'article R. 123-14 qui ne comportent pas de locaux d'hébergement pour le public. ". Ces dispositions, combinées à celles des articles R. 123-48 et R. 123-49 du même code, ouvrent la possibilité de visites sur place en présence des exploitants ou d'un représentant qualifié. Elles ne rendent obligatoires de telles visites qu'avant l'ouverture des établissements au public ainsi qu'avant la réouverture des établissements fermés depuis plus de dix mois. Il est constant que l'établissement dont il s'agit avait été fermé depuis moins de dix mois à la date de la décision du 5 décembre 2018 contestée et que cette décision ne prononce pas sa réouverture. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que cette décision aurait été prise en méconnaissance des dispositions combinées des articles R. 123-45, R. 123-48 et R. 123-49 du code de la construction et de l'habitation, faute d'avoir été précédée d'une visite sur place en présence de l'exploitant ou de son représentant, doit être écarté.

21. Aux termes des dispositions du quatrième alinéa de l'article R. 123-36 du code de la construction et de l'habitation dans sa version en vigueur du 3 juin 1983 au 1er septembre 2019 : " La commission départementale propose au représentant de l'Etat dans le département le renvoi au ministre de l'intérieur des dossiers pour lesquels il apparaît opportun de demander l'avis de la commission centrale de sécurité ". Il résulte de ces dispositions que l'opportunité de procéder à la transmission du dossier en vue d'une demande d'avis de la commission centrale de sécurité est appréciée par la commission départementale. Dans ces conditions, la circonstance que cette commission n'ait pas jugé opportun d'y procéder en l'espèce ne résulte d'aucun vice de légalité externe.

22. Si la SAS The Factory Fitness soutient que la lettre contestée aurait dû être notifiée à la SARL SAG, propriétaire des bâtiments abritant l'établissement dont il s'agit, les circonstances de la notification d'une décision administrative sont sans incidence sur sa légalité. Le moyen doit être écarté comme inopérant.

23. La SAS The Factory Fitness soutient que la décision contestée du 5 décembre 2018 a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article R. 123-46 du code de la construction et de l'habitation, faute d'avoir revêtue la forme d'un arrêté. Toutefois, ces dispositions prévoient uniquement que le maire autorise l'ouverture d'un établissement recevant du public par arrêté. Or la décision du 5 décembre 2018 contestée ne prévoit pas l'autorisation d'ouverture de l'établissement, mais au contraire le maintien de sa fermeture. Le moyen doit être écarté comme inopérant.

24. La transmission d'une décision au représentant de l'Etat, sur le fondement des dispositions des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales n'a pas d'incidence sur sa légalité et n'a d'effet que sur son caractère exécutoire. Le moyen tiré du défaut de transmission au préfet du Loiret de la décision portée par la lettre du 5 décembre 2018 doit être écarté.

25. La SAS The Factory Fitness soutient que la lettre contestée serait insuffisamment motivée. Si cette lettre ne rappelle pas les principes de droit qui fondent la décision initiale de fermeture qu'elle maintient, il n'y avait, à ce stade de la procédure, aucun doute possible sur la teneur de ces principes. Par ailleurs, elle cite les articles du règlement de sécurité dont elle fait application et décrit de manière détaillée les circonstances de fait qui conduisent à la décision de rejet de la demande de dérogation et de maintien de la décision de fermeture litigieuse. Cette motivation a permis à la SAS The Factory Fitness de contester utilement la légalité de cette lettre. La décision du 5 décembre 2018 de la mairie de Saint-Denis-en-Val est suffisamment motivée.

En ce qui concerne la légalité interne :

26. La SAS The Factory Fitness soutient que la décision contestée serait entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'elle se fonde sur le constat erroné d'une présence en grande quantité de mousse relevant de la catégorie M4 de résistance au feu. Toutefois, cette qualification, faite au vu du contexte général du risque incendie dans le bâtiment de loisirs, relève de la qualification juridique des faits et non de l'erreur de fait, alors que la quantification de ces mousses n'est pas contestée. Le moyen, tel qu'il est formulé, doit être écarté.

27. La SAS The Factory Fitness soutient que la décision contestée serait entachée d'une erreur de fait, en mentionnant que " sur les trampolines, les personnes circulent plus lentement que sur le sol ". Toutefois, cet élément de fait a un caractère secondaire dans l'appréciation portée par la commission et par le maire sur le risque d'incendie et de panique qui justifie le refus de la dérogation demandée. Dans ces conditions, à supposer que cet élément de fait soit erroné, le maire aurait pris la même décision s'il n'avait pas constaté cet élément de fait. Le moyen doit être écarté.

28. La SAS The Factory Fitness soutient que la lettre contestée serait entachée d'une contradiction de motifs, dès lors qu'elle se fonde sur un avis de la commission départementale de sécurité qui donne un avis favorable au projet de travaux et constate la réalisation des préconisations, tout en refusant la réouverture au seul motif de la présence de mousses dont la résistance au feu serait insuffisante. Toutefois, la lecture de cette lettre et de l'avis de la sous-commission départementale de sécurité du 30 novembre 2018 montre qu'il s'agit, d'une part, d'émettre un avis sur les réaménagements découverts lors de la visite inopinée du 12 septembre 2018 et sur les travaux réalisés depuis et, d'autre part, de statuer sur la demande de dérogation réitérée par l'exploitant dans les nouvelles conditions d'exploitation. Dans ces conditions, de la circonstance que la commission ait émis un avis favorable au projet de réaménagement et aux travaux, tandis que la même commission a émis un avis défavorable à la demande de dérogation, qui a été refusée par le maire sur le fondement de cet avis négatif, ne résulte aucune contradiction de motifs.

Sur la légalité de la décision de fermeture résultant de l'arrêté du 3 octobre 2018 et maintenue par la lettre du 5 décembre 2018 :

29. La SAS The Factory Fitness soutient que la décision de fermeture du bâtiment de loisirs serait entachée d'une erreur d'appréciation et serait disproportionnée au vu de la situation du risque incendie de son établissement au 12 septembre 2018, lors de la visite inopinée et au 30 novembre 2018, lorsque la sous-commission départementale a rendu son avis. Aux termes de l'article AM 15 de l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) : " Le gros mobilier, l'agencement principal, les stands et les aménagements de planchers légers en superstructures, situés dans les locaux et les dégagements, doivent être en matériaux de catégorie M3 (...) ". Il est constant que les matelas de protection antichocs situés aux côtés des trampolines dont il s'agit étaient composés d'un intérieur de mousse classée en catégorie M4 et d'une enveloppe classée en catégorie M2. L'exploitant, qui ne conteste pas l'applicabilité des dispositions précitées de l'article AM 15, ne conteste pas davantage que les matelas dont il s'agit contenaient des matériaux de résistance au feu insuffisante et que leur utilisation exigeait une dérogation à l'application de ces dispositions. Dans ces conditions, en se bornant à affirmer que les prescriptions initiales qui lui avaient été imposées en contrepartie de cette dérogation étaient remplies, sans justifier que les modifications des conditions d'exploitation qui ont été relevées par la commission de sécurité de l'arrondissement d'Orléans lors de sa visite inopinée du 12 septembre 2018 et validées par la sous-commission départementale dans son avis du 30 novembre 2018 ne remettaient pas en cause cette dérogation, telle qu'elle avait été initialement accordée, la SAS The Factory Fitness n'établit pas que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur d'appréciation ou serait disproportionnée au regard de ses conséquences sur son exploitation.

30. Il résulte de tout ce qui précède, que la SAS The Factory Fitness n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Saint-Denis-en-Val du 3 octobre 2018 portant fermeture du bâtiment loisirs au public, de la lettre de notification de cet arrêté du 30 octobre 2018 et de la lettre du 5 décembre 2018 du maire maintenant cette décision.

Sur les frais liés à l'instance :

31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Denis-en-Val, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont la SAS The Factory Fitness demande le paiement au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SAS The Factory Fitness le versement à la commune de Saint-Denis-en-Val de la somme de 750 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS The Factory Fitness est rejetée.

Article 2 : La SAS The Factory Fitness versera à la commune de Saint-Denis-en-Val la somme de 750 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS The Factory Fitness et à la commune de Saint-Denis-en-Val.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente,

Mme Dorion, présidente assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 décembre 2023.

Le rapporteur,

G. TARLa présidente,

F. VERSOL

La greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne à la préfète de la région Centre-Val de Loire, préfète du Loiret, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N° 22VE00553 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00553
Date de la décision : 26/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-003 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: M. Gabriel TAR
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : VERDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-26;22ve00553 ?
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