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22/12/2023 | FRANCE | N°23PA03698

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 22 décembre 2023, 23PA03698


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 25 mai 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.



Par un jugement n° 2306947 du 19 juillet 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 25 mai 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis et a enjoint au préfet territorialement compétent de procéder au réexam

en de la situation de Mme C... et de son enfant dans un délai d'un mois.



Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 25 mai 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2306947 du 19 juillet 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 25 mai 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis et a enjoint au préfet territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation de Mme C... et de son enfant dans un délai d'un mois.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête enregistrée sous le n° 23PA03698 le 11 août 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2306947 du 19 juillet 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que son arrêté portant transfert de Mme C... aux autorités italiennes méconnaissait les dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 1993 ;

- les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 novembre 2023, Mme C..., représentée par Me Raji, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'État au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés.

II) Par une requête enregistrée sous le n° 23PA03687 le 11 août 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2306947 du 19 juillet 2023 du tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que les moyens développés dans sa requête au fond sont sérieux et justifient l'annulation du jugement attaqué ainsi que le rejet de la demande de Mme C....

Par un mémoire en défense enregistré le 13 novembre 2023, Mme C..., représentée par Me Raji, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'État au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés,

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante ivoirienne née le 10 avril 1996 à en Côte d'Ivoire, est entrée irrégulièrement en France et a sollicité, le 13 janvier 2023, son admission au séjour au titre de l'asile. Par un arrêté du 11 avril 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a ordonné son transfert aux autorités italiennes. Par un jugement du 19 juillet 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté et a enjoint à l'autorité préfectorale de délivrer à Mme C... une attestation de demande d'asile en procédure normale. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel de ce jugement.

Sur la jonction :

2. L'appel et la demande de sursis à exécution présentés par le préfet de la Seine-Saint-Denis étant formés contre un même jugement, présentant à juger des mêmes questions et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur l'aide juridictionnelle :

3. Aux termes de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Toute personne admise à l'aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d'exercice d'une voie de recours ". Il résulte de ces dispositions que Mme C..., partie en défense au cours de la présente instance d'appel, conserve de plein droit le bénéfice de l'aide juridictionnelle dont elle a bénéficié devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur la requête n° 23PA03698 :

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal

4. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

5. Pour annuler l'arrêté préfectoral du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Montreuil a estimé qu'il avait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le compte-rendu de l'entretien de Mme C... ne comportait aucune mention relative à la personne l'ayant mené et n'avait, en outre, été signé que par la demandeuse d'asile. Toutefois, si ni le résumé de l'entretien individuel dont a bénéficié Mme C... le 13 janvier 2023, ni aucune autre pièce du dossier, ne permettent de déterminer l'identité et la qualité de l'agent ayant mené celui-ci, il ne se déduit d'aucune pièce du dossier que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée ; Mme C..., assistée d'un interprète, a eu la possibilité, lors de cet entretien, de faire part de toute information pertinente relative à la détermination de l'État responsable de sa demande d'asile. Par suite, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent qui a mené l'entretien individuel n'a pas privé Mme C... d'une garantie et n'a pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise. Dès lors, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté contesté au motif que ce dernier aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière.

6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le tribunal administratif de Montreuil et en appel.

Sur les autres moyens soulevés par Mme C... :

7. En premier lieu, par un arrêté n° 2023-0538 du 10 mars 2023, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives des services de l'État en Seine-Saint-Denis, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné à Mme B... D..., attachée d'administration de l'État, signataire de l'arrêté contesté, délégation à l'effet de signer les décisions en matière de police des étrangers en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait.

8. En deuxième lieu, l'arrêté prononçant le transfert de Mme C... aux autorités italiennes vise le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le règlement n° 1560/2003 portant modalité d'application du règlement n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable d'une demande d'asile ainsi que le règlement n° 603/2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales. Il relève le caractère irrégulier de l'entrée sur le territoire européen de Mme C..., rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque l'intéressée s'est présentée devant les services de la préfecture de police et précise que la consultation du système Eurodac a montré que l'examen de la demande d'asile relève d'un autre État membre. Il précise également que les autorités italiennes, qui ont été saisies d'une demande de prise en charge en application des articles 21 et 22 du règlement (UE) n° 604/2013, ont accepté leur responsabilité quant à l'examen de la demande d'asile de l'intéressée par un accord implicite intervenu le 27 mars 2023 et qu'au regard des éléments de fait et de droit caractérisant la situation de l'intéressée, elle ne relève pas des dérogations prévues aux articles 17.1 et 17.2 dudit règlement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige ne peut qu'être écarté.

9. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté, ni d'aucune autre pièce du dossier, que la situation de Mme C... n'aurait pas fait l'objet d'un examen suffisant par les services préfectoraux.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées () / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 () / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune () contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

11. Il ressort des pièces du dossier que le 13 janvier 2023, les services de la préfecture ont remis à Mme C... la brochure "A. J'ai demandé l'asile dans l'UE - quel pays sera responsable de ma demande d'asile" et la brochure "B. Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie", rédigées en langue française qu'elle a déclaré comprendre. Ces documents constituent la brochure commune visée au paragraphe 3 de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et contiennent l'intégralité des informations prévues par les dispositions de ce règlement. Par ailleurs, il n'est pas contesté que Mme C... a déclaré, lors de son entretien individuel du 13 janvier 2023, avoir compris la procédure engagée à son encontre. Dès lors, elle doit être regardée comme ayant pu prendre connaissance des informations contenues dans la brochure A et n'a donc pas été privée d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

12. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

13. Mme C... soutient que la décision de transfert entraînerait des conséquences exceptionnelles sur sa situation personnelle dès lors qu'elle est enceinte et fait l'objet d'un suivi médical en France. Toutefois, d'une part, si l'intéressée était enceinte à la date de l'arrêté attaqué, rien ne s'oppose à ce que cette grossesse, qui ne présente pas de caractère pathologique, soit poursuivie en Italie ; d'autre part, Mme C... n'établit pas, eu égard à la durée de son séjour sur le territoire, avoir en France des liens d'une ancienneté ou d'une intensité particulière. Dans ces conditions, la décision de transfert en litige ne peut être regardée comme portant au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il découle de ces dispositions que la faculté pour chaque État membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers est discrétionnaire et ne constitue pas un droit pour les demandeurs d'asile.

15. Il résulte de ce qui a été exposé au point 7 du présent arrêt que la situation de Mme C... ne relève pas d'une circonstance humanitaire qui aurait pu justifier la mise en œuvre de la procédure dérogatoire prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013. Le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a donc pas entaché sa décision d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage du pouvoir qu'il tient, à titre dérogatoire, d'examiner sa demande de protection au titre de l'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ne peut qu'être écarté.

16. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / (...) ".

17. L'Italie est un État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit dès lors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet État membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption n'est toutefois pas irréfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systématiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'État membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

18. Mme C... fait valoir qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie, où elle indique risquer de subir des traitements inhumains ou dégradants. Elle affirme que les autorités italiennes l'ont placée avec son nourrisson dans un camp dépourvu de médecin. Toutefois, Mme C... n'établit pas, en produisant des documents d'ordre général consistant en un article de presse d'un journal suisse et de décisions de justice, l'existence de défaillances systémiques en Italie qui constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, ni qu'elle encourt, avec son enfant, un risque réel d'être soumise à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants en Italie. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être rejeté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 25 mai 2023. Il y a lieu dès lors d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Montreuil, ainsi que ses conclusions d'appel.

Sur la requête n° 23PA03687 :

20. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 23PA03698 du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 19 juillet 2023, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23PA03687 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis sollicite le sursis à exécution dudit jugement.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23PA03687.

Article 2 : Le jugement n° 2306947 du 19 juillet 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 3 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Montreuil, ainsi que ses conclusions d'appel, sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié au préfet de la Seine-Saint-Denis, à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2023.

La rapporteure,

G. E...Le président,

I. LUBEN

Le greffier,

É. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 23PA03687, 23PA03698 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03698
Date de la décision : 22/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : RAJI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-22;23pa03698 ?
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