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22/12/2023 | FRANCE | N°23PA01546

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 22 décembre 2023, 23PA01546


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui octroyer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2201120 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.





Pr

océdure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 14 avril 2023, Mme D... A..., représentée par Me Hervieu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui octroyer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201120 du 17 mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 14 avril 2023, Mme D... A..., représentée par Me Hervieux, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de le munir, durant cet examen, d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- il ne mentionne pas la production de la note en délibéré communiquée alors que cette dernière comportait des éléments essentiels pour le dossier, soit la délivrance d'un titre de séjour pour son mari qui avait trouvé un emploi, et la signature d'une promesse d'embauche pour elle ;

- il mentionne par erreur la réception d'un mémoire enregistré le 17 novembre 2022 ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

S'agissant de la décision de refus de séjour :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen ;

- elle comporte une erreur de fait sur sa résidence en France depuis son entrée en 2016 ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision d'obligation de quitter le territoire :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est fondée sur une décision d'obligation de quitter le territoire illégale.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 24 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, a refusé d'admettre Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- et les observations de Me Hervieux, représentant Mme A....

Une note en délibéré a été présentée le 7 décembre 2023 pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 23 décembre 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé d'octroyer un titre de séjour à Mme A..., ressortissante indienne, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 17 mars 2023 par laquelle le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement contesté :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / (...) Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'après l'audience du 18 novembre 2022 à 11h.30, Mme A... a produit une note en délibéré qui a été enregistrée le jour même à 15h.04. Le jugement attaqué, dont les visas ne font pas mention de la production de cette note, est ainsi entaché d'irrégularité. Par suite, Mme A... est fondée à en demander l'annulation.

4. Il y a lieu pour la Cour de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire :

5. Par un arrêté n° 2021-2400 du 16 septembre 2021, publié au bulletin d'informations administratives de la préfecture de la Seine-Saint-Denis le même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation de signature à Mme C... B..., signataire de l'arrêté contesté, en cas d'absence ou d'empêchement du directeur des migrations et de l'intégration et du chef du bureau de l'accueil et de l'admission au séjour, à l'effet de signer les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français, fixation du délai de départ. Dès lors qu'il n'est pas établi que les autorités précitées n'auraient pas été absentes ou empêchées lorsque l'arrêté en cause a été pris, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

6. En premier lieu, la décision contestée du 23 décembre 2021, qui ne pouvait prendre en compte des éléments qui lui étaient postérieurs, comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde et est ainsi suffisamment motivée.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des mentions de la décision qu'elle serait entachée d'un défaut d'examen.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ". S'il ressort des pièces du dossier que le 23 décembre 2021, date de la décision attaquée et à laquelle doit s'apprécier sa légalité, Mme A... résidait habituellement en France depuis son entrée sur le territoire le 16 février 2016, contrairement à ce qui y est mentionné, elle n'y était en tout état de cause rentrée qu'à l'âge de 22 ans et vivait avec son mari, titulaire alors d'une simple autorisation provisoire de séjour, qui ne constitue pas un titre de séjour, et leur enfant âgé de près de 3 ans, aucun des membres du couple n'attestant alors d'une intégration professionnelle particulière. Leur situation ne relevait dans ces conditions ni de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées.

9. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Pour les mêmes motifs que ceux rappelés au point 8, l'ensemble de la cellule familiale pouvant en particulier se reconstituer en Inde, la décision n'a pas méconnu les stipulations précitées.

10. Il ne résulte pas de ce qui précède que la décision serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. (...). ". L'article L. 611-1 du même code prévoit : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; ". Dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 6, que le refus de titre de séjour était suffisamment motivé, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'avait pas à assortir la décision d'éloignement d'une motivation particulière.

12. En deuxième lieu, il ne ressort pas des mentions de la décision qu'elle serait entachée d'un défaut d'examen.

13. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés pour les motifs rappelés aux points 8 à 10 du présent arrêt.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

14. La décision d'obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit, en conséquence, être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 23 décembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui octroyer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Il lui appartiendra, si elle s'y croit fondée, de déposer une nouvelle demande de titre de séjour compte tenu des éléments nouveaux survenus postérieurement à la date de la décision attaquée. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2201120 du 17 mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2023.

Le rapporteur, Le président,

J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA01546


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01546
Date de la décision : 22/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : HERVIEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-22;23pa01546 ?
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