Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... F... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à leur charge à hauteur de 359 478 euros en droits et pénalités au titre des années 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1811964 du 14 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu partiel et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 janvier 2023, M. et Mme C... F..., représentés par Me Richard demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté leurs conclusions à fin de décharge des impositions demeurant en litige ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mis à leur charge pour un montant de 359 478 euros ; subsidiairement, de limiter le montant des revenus de capitaux mobiliers à la somme de 128 900 euros au titre de l'année 2012 et de juger qu'ils justifient que la somme de 100 000 euros ne constitue pas un revenu mais un prêt au titre de l'année 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le service était tenu d'engager un débat contradictoire avant l'envoi de la proposition de rectification du 11 juillet 2014 sur les points restant en désaccord après leur réponse à la mise en demeure n° 2172 bis du 12 juin 2014 ; la procédure de rectification est viciée du fait de la méconnaissance des garanties prévues par les articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales ;
- le service ne pouvait pas écarter les mouvements du compte courant d'associé de
M. F... au cours de l'année 2012 dont les soldes créditeurs au 31 décembre 2011 et 31 décembre 2012 montrent qu'il a reversé la somme de 147 993,77 euros ; en écartant ces éléments, le service vérificateur n'a pu déterminer de manière suffisamment précise le montant des sommes regardées comme distribuées en 2012 ; le service ne pouvait écarter le compte courant d'associé au motif que la comptabilité de la société Lairoux automobiles a été rejetée comme non probante ;
- le montant des sommes regardées comme distribuées par le service en 2012 doit être diminué des sommes remboursées et ou payées par M. E... retracées dans son compte courant d'associé pour un montant de 147 993,77 euros ; les distributions de l'année 2012 doivent être limitées à la somme de 128 890 euros ;
- s'agissant des revenus d'origine indéterminés à hauteur 100 000 euros, ils ont apporté la preuve que la somme de 100 000 euros, imposée comme un revenu distribué n'a pas la nature d'un revenu mais a la nature d'un prêt consenti en 2011 et remboursé en 2014.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme F... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Viéville,
- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme F... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle concernant les années 2010 à 2012. Concomitamment, la SARL Lairoux Automobiles qui avait pour gérant unique M. C... F... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012. Par une proposition de rectification du 11 juillet 2014, le service a notifié à M. et Mme F... des rehaussements dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée à hauteur de 106 956 euros et de 80 160 euros au titre des années 2011 et 2012 et des revenus distribués provenant de l'activité de la SARL Lairoux Automobiles pour un montant de 221 507 euros au titre de l'année 2012. La réclamation de M. et Mme F... du 1er mars 2017 a fait l'objet d'une décision de rejet le 16 octobre 2017 et une seconde réclamation présentée le 19 décembre 2017 a également été rejetée le 24 octobre 2018. Ils ont alors saisi le tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement du 14 novembre 2022, a constaté le non-lieu de statuer, à hauteur des sommes de 8 583 euros en droits et 3 879 euros en pénalités, au titre de l'année 2012 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. M et Mme F... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ces conclusions.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la proposition de rectification qui, selon l'article L. 48 de ce livre, marque l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir.
3. Il résulte de l'instruction que M. et Mme F... ont été informés de l'engagement de l'examen de leur situation fiscale personnelle par un avis en date du 27 juin 2013. Dans un courrier du 5 juillet 2013, leur proposant un premier rendez-vous, le service les a invités à produire un certain nombre d'informations et de pièces concernant leur situation familiale, professionnelle et patrimoniale. Un premier entretien a eu lieu le 5 septembre 2013 au cours duquel les documents produits ont été listés. Le 10 septembre 2013, un compte-rendu de premier entretien leur a été adressé faisant état des documents restant à fournir. Au cours du deuxième entretien du 17 octobre 2013, M et Mme F... ont produit des documents et des copies de comptes bancaires. Un compte-rendu de cet entretien leur a été adressé le 25 octobre 2013 rappelant les documents restant à fournir à savoir la copie d'un bail commercial, de certificats de cession de certains véhicules, de relevés de contrats assurance vie, de tontine et de placements. Ce dernier compte-rendu fait également état des interrogations du service quant aux nombreux crédits encaissés sur les comptes personnels des requérants et correspondant selon eux à des produits de cession de véhicule de la SARL Lairoux automobile. En annexe au compte-rendu était joint un tableau des crédits insuffisamment justifiés et restant à identifier pour lesquels il leur a été demandé de fournir tout justificatif susceptible d'en permettre la qualification fiscale. Au cours du troisième entretien le 21 novembre 2013, M. et Mme F... ont confirmé que les crédits identifiés lors du second entretien sur leurs comptes bancaires personnels correspondaient à des ventes de véhicules de la SARL Lairoux Automobiles, enregistrés dans la comptabilité de la société et se sont engagés à fournir dans les meilleurs délais les justificatifs des crédits restant à identifier. Le service a annoncé l'envoi d'une demande d'éclaircissements. Une demande d'éclaircissements en date du 27 décembre 2013 a mentionné des crédits restants à identifier au titre de l'année 2011 soit 203 800 euros et de l'année 2012 soit 151198 euros et 103 950 euros. La mise en demeure adressée le 12 mai 2014 fait état de crédits bancaires demeurés non justifiés.
4. Ainsi, il résulte de l'instruction que le service a exposé au contribuable les points qui restaient à justifier, a indiqué que des rapprochements seraient effectués dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société Lairoux Automobiles et qu'à l'issue de cette démarche, une demande d'éclaircissements et de justifications serait adressée à M. et Mme F... portant sur les éléments non justifiés. L'administration fiscale doit ainsi être regardée comme ayant engagé avec M. et Mme F... un dialogue contradictoire sur les points qu'elle envisageait de retenir. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire ou de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié n'impose à l'administration de poursuivre le débat engagé après la réponse à la demande d'éclaircissements et de justifications.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 12 du livre de procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. À l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal (...) "
6. M. et Mme F... soutiennent que le service ne pouvait pas écarter les mouvements ayant affectés le compte courant d'associé de M. F... au cours de l'année 2012 dont les soldes créditeurs au 31 décembre 2011 et 31 décembre 2012 montrent qu'il a reversé la somme de 147 993,77 euros. Ils ajoutent qu'en écartant ces éléments, le service vérificateur n'a pas effectué le contrôle de cohérence entre le compte courant et les revenus déclarés prévu par l'article 12 du livre des procédures fiscales et n'a ainsi pu déterminer suffisamment précisément le montant des sommes distribuées en 2012.
7. Toutefois, en l'absence de dispositions en ce sens, le service n'est pas tenu d'engager un contrôle de cohérence entre les revenus déclarés par M. F... et sa situation patrimoniale, sa situation de trésorerie ou les éléments de son train de vie pour procéder aux rectifications en litige. Le contribuable a été informé dans la proposition de rectification dont il a été destinataire, de la nature du contrôle effectué, n'a été privé d'aucune des garanties attachées à la procédure contradictoire dès lors qu'il lui était loisible de discuter du bien-fondé des redressements mis à sa charge. Il suit de là que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que l'administration fiscale a procédé à un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle sans l'accompagner des garanties dont cette procédure est assortie.
Sur le bien-fondé des rectifications :
En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :
8. Il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification du 11 juillet 2014 que l'ensemble des sommes appréhendées par M. F... du fait de l'encaissement sur ses comptes personnels des chèques ou ordres de paiement émis par les clients de la SARL Lairoux automobiles ont été considérés comme des revenus distribués, les achats et les encaissements n'ayant pas été comptabilisés au niveau de la SARL. Ainsi, la somme de 221 507 euros correspondant à la marge TTC réalisée sur chaque vente de véhicule concerné a été regardée comme un revenu distribué au profit de M. F... sur le fondement des dispositions du 2° de l'article 109-1 du code général des impôts. Il est constant que dans le cadre de la procédure d'examen de la situation fiscale personnelle, M. E..., invité à justifier crédit par crédit les ventes à caractère professionnel, n'a apporté aucun élément et n'a pas justifié que la variation du compte courant d'associé entre l'ouverture et la clôture de l'exercice 2012 correspondait à des reversements effectués par M. F... à la SARL Lairoux. Ainsi, les appelants ne critiquent pas utilement la méthode de reconstitution des revenus distribués retenue par le service qui a pris en compte les encaissements reconnus par le gérant comme des ventes de véhicules diminués des achats évalués en l'absence de factures correspondantes à partir de la marge moyenne déterminée sur les seules opérations comptabilisées. En tout état de cause, les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé, alors même que l'inscription résulterait d'une erreur comptable involontaire, et ont donc, même dans une telle hypothèse, le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en vertu du 2º du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Pour que l'associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu'il n'a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d'un revenu. L'existence d'un solde créditeur du compte courant d'associé de M. F... ne saurait ainsi venir en déduction du montant des distributions déterminées par le service vérificateur.
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
9. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ".
10. M. et Mme F... réitèrent leur argumentation exposée en première instance. Ils soutiennent avoir apporté la preuve de la réalité d'un prêt consenti par M. B... et se prévalent de la copie d'une attestation manuscrite datée du 2 janvier 2011 dans laquelle M. G... B..., gérant de l'entreprise Auto Courtage 44 Discount reconnaît avoir prêté en deux fois, les 5 et 7 janvier 2011, la somme totale de 100 000 euros à M. F..., qui s'engage à la rembourser et d'une pièce par laquelle M. F... aurait remboursé à M. A... B..., pour le compte de son frère, M. G... B..., la somme de 102 300 euros le 2 juin 2014 comprenant des intérêts, selon une attestation datée du même jour fournie à l'administration par un courrier du 10 juin 2014.
11. Cependant, alors que le rehaussement a été effectué selon la procédure d'imposition d'office, les requérants n'apportent pas la preuve de la réalité de ce prêt, de sa date et de ses conditions. Il résulte notamment de l'instruction que l'attestation du 2 janvier 2011 ne prévoyait pas de versement d'intérêts et que l'attestation du 2 juin 2014 indique qu'" il n'était en aucun cas demandé à M. et Mme E... le remboursement, ni même des intérêts, mais ceux-ci nous ayant avertis de leur contrôle fiscal, nous ont fait comprendre qu'il en était mieux ainsi et ont préféré fermer leur contrat d'assurance-vie pour nous rembourser ". Dans ces conditions, les éléments apportés par M. et Mme F... au cours de l'examen de leur situation fiscale personnelle ne sont pas de nature à établir la réalité du prêt qu'ils allèguent. Par suite, M. et Mme F... qui supportent la charge de la preuve en application des dispositions de l'article L. 193 du Livre des procédures fiscales rappelées au point 9 n'établissent pas que les deux crédits bancaires de 50 000 euros correspondent à un prêt consenti par un tiers.
12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par suite, les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M et Mme C... F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... F... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Quillévéré, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. Viéville, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2023.
Le rapporteur
S. VIÉVILLELe président de chambre
G. QUILLÉVÉRÉ
La greffière
A. MARCHAIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23NT0014302