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22/12/2023 | FRANCE | N°22NT04084

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 22 décembre 2023, 22NT04084


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) TCCF a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 à hauteur d'une somme totale de 80 000 euros.



Par un jugement n° 1811361 du 28 octobre 2022 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) TCCF a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014 à hauteur d'une somme totale de 80 000 euros.

Par un jugement n° 1811361 du 28 octobre 2022 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 décembre 2022 et le 21 septembre 2023, la SARL TCCF, représentée par Me Lefeuvre, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le signataire du compte-rendu d'entretien mené avec l'interlocuteur départemental n'est pas le même agent que celui qui a reçu en entretien les représentants de la SARL TCCF de sorte qu'elle a été privé de l'effectivité de la garantie prévue par les dispositions de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; la méconnaissance de cette garantie substantielle emporte la décharge des impositions en litige ;

- les impositions litigieuses ne sont pas fondées dans la mesure où, exerçant une activité sédentaire en zone franche urbaine, elle remplit les conditions ouvrant droit à l'exonération de l'imposition des bénéfices réalisés, même si ceux-ci sont pour partie réalisés en dehors de la zone franche urbaine ; la société est un franchisé de la société BNI France dont différents membres se réunissent dans les locaux de la société ; les conditions d'exercice de son activité doivent être analysées à partir d'un faisceau d'indices ;

- en tout état de cause, elle emploie une salariée à temps plein depuis le 2 septembre 2013 ; elle occupe en qualité de locataire des locaux d'une superficie de 36 mètres carrés situés rue de Saint-Brevin à Nantes dans le cadre d'un bail passé avec l'Office public Nantes Habitat pour un loyer annuel de 3 240 euros ; ses locaux occupés régulièrement sont aménagés et les appels téléphoniques sont émis depuis ce local ;

- elle est fondée à se prévaloir du paragraphe 150 du BOI-BIC-CHAMP-80-10-20-20 ;

Par des mémoires enregistrés les 31 mai 2023 et le 5 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL TCCF ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL TCCF, dont le gérant et associé unique est M. A... B..., a pour activité le conseil en développement commercial auprès d'entrepreneurs qui souhaitent développer leur chiffre d'affaires. Elle a établi son siège au titre de la période courant de l'exercice clos en 2012 à l'exercice clos en 2017 au 1, rue de Saint-Brévin à Nantes

(Loire-Atlantique), située en zone franche urbaine (ZFU). La société requérante, en vertu de cette dernière circonstance, a exonéré ses bénéfices réalisés à hauteur de 75 000 euros,

100 000 euros et 95 715 euros au terme des exercices clos respectivement en 2012, 2013 et 2014 sur le fondement de l'article 44 octies A du code général des impôts. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur ces trois exercices, l'administration fiscale a remis en cause l'exonération des bénéfices ainsi déclarée par proposition de rectification notifiée le

21 décembre 2015, position qu'elle a maintenue dans la réponse aux observations du contribuable du 28 avril 2016 puis à la suite de l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 4 mai 2017. La SARL TCCF a sollicité un entretien avec le supérieur hiérarchique puis avec l'interlocuteur départemental à l'issue desquels l'administration fiscale a maintenu sa position et mis les cotisations d'impôt sur les sociétés en recouvrement par voie de rôle du 28 février 2018 pour un montant total de 80 000 euros. Après avoir vainement présenté une réclamation contre ces impositions supplémentaires et ces rappels, la SARL TCCF en a demandé la décharge au tribunal administratif de Nantes. Par un jugement du 28 octobre 2022, ce tribunal a rejeté sa demande. La SARL TCCF relève appel de ce jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Les dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales et du paragraphe 4 du chapitre III de la charte du contribuable vérifié assurent au contribuable la garantie substantielle de pouvoir obtenir, avant la clôture de la procédure de redressement, un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur. Cette garantie doit pouvoir être exercée par le contribuable dans des conditions ne conduisant pas à ce qu'elle soit privée d'effectivité. Toutefois, la seule circonstance que le signataire du compte-rendu de l'entretien du 19 janvier 2018 ne soit pas le même agent que l'interlocuteur qui a reçu la société en entretien le

8 décembre 2017 n'est pas de nature à priver la société d'une garantie et à entacher la procédure d'irrégularité.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. Aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts dans sa version applicable aux impositions en litige : " I. - Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2020, créent des activités dans les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, ainsi que ceux qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, exercent des activités dans les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs définies au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la même loi sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone jusqu'au 31 décembre 2010 pour les contribuables qui y exercent déjà une activité au 1er janvier 2006 ou, dans le cas contraire, jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. Ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés à concurrence de 40 %, 60 % ou 80 % de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la deuxième ou de la troisième période de douze mois suivant cette période d'exonération. (...). / Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine-territoire entrepreneur mais est exercée en tout ou partie en dehors d'une telle zone, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité, ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs. (...). ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.

5. Il résulte de l'instruction que la SARL TCCF est titulaire d'un contrat de franchise auprès de BNI (Business Network International) France l'autorisant à mettre en place et à gérer par le biais de consultants indépendants différents groupes de travail de professionnels afin de permettre à des chefs d'entreprises membres BNI de développer leurs ventes par des actions de communications ou de mises en relation d'affaires. Pour remettre en cause le bénéfice de l'exonération d'impôt sur les sociétés, le service a estimé que la SARL TCCF, dont l'activité, regardée comme non sédentaire, se déroulait à l'extérieur de cette zone auprès de ses clients, ne remplissait pas les conditions tenant à l'emploi à plein temps d'au moins un salarié sédentaire au sein de la zone franche urbaine ou à la réalisation d'au moins 25% de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans une telle zone.

6. En premier lieu, la SARL TCCF soutient que son activité a été exercée de façon sédentaire dans le local d'une superficie de 36 mètres carrés implanté en zone franche urbaine dès lors qu'elle y dispose d'un espacé aménagé et équipé de matériels informatiques et de bureautique et qu'y travaille une salariée depuis le mois de septembre 2013. Toutefois, l'administration fait valoir sans être contestée que l'essentiel du chiffre d'affaires réalisé par la SARL TCCF provient de la perception de cotisations et de droits d'entrée versés par les membres de groupes BNI, tous situés en dehors de la ZFU dans le cadre de réunions hebdomadaires tenues dans des lieux publics également hors ZFU. Si la société requérante fait valoir qu'elle a réalisé dans ses locaux implantés en zone franche urbaine les prestations intellectuelles nécessaires au développement du chiffre d'affaires des membres du BNI, elle ne l'établit pas en se bornant à produire une liste " non exhaustive " d'activités de production effectuées au siège comprenant au demeurant des tâches administratives. L'administration fiscale fait également valoir sans être sérieusement contredite que les relevés téléphoniques auxquels elle a eu accès démontrent que peu d'appels sont émis depuis son siège social. Dans ces conditions, et alors même que la société requérante réalisait des tâches administratives au sein de ses locaux, l'administration a pu considérer que l'activité qu'elle exerce n'est pas sédentaire et qu'elle a été effectuée en tout ou partie en dehors de la zone franche urbaine.

7. En second lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 6, l'administration a pu considérer que la société ne remplissait pas la condition tenant à la réalisation d'au moins 25% du chiffre d'affaires auprès de clients implantés au sein de cette zone franche urbaine. D'autre part, si la société appelante se prévaut de l'embauche d'une salariée sédentaire depuis septembre 2013, il résulte de l'instruction que cette dernière a été employée dans le cadre d'un contrat de professionnalisation impliquant un partage de son emploi du temps entre ses fonctions au sein de la société où elle doit être formée et les cours théoriques en dehors de celle-ci. Par suite, cette salariée ne peut être regardée comme exerçant ses fonctions à temps plein au sein des locaux de l'entreprise implantés en zone franche urbaine. Dans ces conditions, la SARL TCCF ne peut être regardée comme ayant implanté son activité professionnelle en zone franche urbaine et elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir qu'elle pouvait prétendre, au titre des années 2012, 2013 et 2014, au bénéfice de l'exonération prévue par les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. Aux termes de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".

9. La SARL TCCF ne peut se prévaloir de la doctrine référencée BOI-BIC-CHG-40-40-20, laquelle ne comporte pas, en son paragraphe 150 dont elle se prévaut, au surplus postérieur aux impositions portant sur les exercices clos en 2012 et 2013, d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL TCCF n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés à l'instance doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL TCCF est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL TCCF et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2023.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président de chambre

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 22NT040842


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT04084
Date de la décision : 22/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : LEFEUVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-22;22nt04084 ?
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