La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/12/2023 | FRANCE | N°22MA00953

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 22 décembre 2023, 22MA00953


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du 9 janvier 2020, autorisant son licenciement pour motif disciplinaire.



Par un jugement n° 2001722 du 16 février 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mars et 7 juin 2022, M. B..., représenté par

Me Gavaudan, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du 16 février 2022 ;



2°) d'annuler la déc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du 9 janvier 2020, autorisant son licenciement pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 2001722 du 16 février 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mars et 7 juin 2022, M. B..., représenté par Me Gavaudan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 février 2022 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du 9 janvier 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'association des services de santé au travail du bâtiment et des travaux publics (ASTBTP) des Bouches-du-Rhône une somme de 5 000 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de l'inspectrice du travail est tardive au regard des dispositions de l'article R. 4623-21 du code du travail ;

- le délai imparti pour consulter le conseil d'administration sur le projet de licenciement, fixé par l'article R. 4623-20 du code du travail, n'a pas été respecté ; une garantie de fond a ainsi été méconnue, privant le licenciement de cause réelle et sérieuse ;

- pareillement, le délai imparti pour la saisine de l'inspecteur du travail, fixé par le même article, n'a pas été respecté ;

- le chef du service de l'inspection médicale du travail n'était pas compétent pour rendre son avis sur son licenciement, en lieu et place du médecin inspecteur du travail ;

- le comité social et économique n'a pas été consulté ;

- les griefs qui lui sont reprochés reposent sur les seules déclarations de deux plaignants travaillant ensemble, qui ont subi des pressions et dont les positions ont d'ailleurs évolué ; ils ne sont pas établis ; aucun acte grave n'a été commis et le seul ressenti d'un salarié, alors que l'inspectrice du travail n'a pas la compétence pour apprécier la pertinence d'une technique médicale, n'est pas de nature à justifier une sanction et encore moins un licenciement ;

- le licenciement était d'autant moins justifié au regard de son ancienneté et de l'absence de toute procédure disciplinaire antérieure ;

- le lien entre son licenciement et son mandat est évident.

Par un mémoire, enregistré le 14 juin 2022, l'ASTBTP des Bouches-du-Rhône, représentée par Me Laillet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poullain,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Geiger, représentant l'ASTBTP des Bouches-du-Rhône.

Considérant ce qui suit :

1. Le 29 juin 2015, M. B... a été embauché en contrat à durée indéterminée comme médecin du travail par l'association des services de santé au travail du bâtiment et des travaux publics (ASTBTP) des Bouches-du-Rhône. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 février 2022 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail en date du 9 janvier 2020 autorisant son licenciement en application de l'article L. 4623-5 du code du travail.

2. Aux termes de l'article R. 4623-18 du code du travail : " Lorsqu'est envisagé le licenciement ou la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un médecin du travail, (...), le comité social et économique, le comité interentreprises ou la commission de contrôle ainsi que le conseil d'administration, selon le cas, se prononcent après audition de l'intéressé. (...) ". En application des quatrième et cinquième alinéa de l'article R. 4623-20 du même code, " En cas de mise à pied, la consultation de ces instances a lieu dans un délai de dix jours à compter de la mise à pied " et la demande d'autorisation de licenciement " est transmise à l'inspecteur du travail dans les quarante-huit heures suivant la délibération ". Les délais, fixés par ces dispositions, dans lesquels la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié mis à pied doit être présentée, ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement. Toutefois, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, l'employeur est tenu de respecter un délai aussi court que possible pour la présenter. Par suite, il appartient à l'administration, saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé auquel s'appliquent ces dispositions, de s'assurer que ce délai a été, en l'espèce, aussi court que possible pour ne pas entacher d'irrégularité la procédure antérieure à sa saisine.

3. L'ASTBTP a été alertée, par courrier du 4 octobre 2019, de ce que deux salariés avaient rapporté à leur employeur avoir subi de la part du docteur B..., en consultation, des demandes inexpliquées tendant à se " dévêtir complètement ", " contraires à la déontologie " médicale. Il ressort des pièces du dossier que l'ASTBTP a en conséquence adressé, le 16 octobre 2019, un courrier à M. B..., l'informant, non pas comme elle le soutient, qu'il bénéficiait d'une dispense d'activité rémunérée, mais bien qu'il faisait l'objet, " au regard de la gravité des faits présumés ", d'" une mise à pied à titre conservatoire ", sans d'ailleurs qu'il soit précisé que sa rémunération était maintenue.

4. Alors qu'elle aurait en conséquence dû consulter les instances visées à l'article R. 4623-18 du code du travail le 26 octobre 2019 au plus tard, il est constant que cette consultation n'a eu lieu que le 6 novembre 2019, soit avec 11 jours de retard. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un tel délai s'explique, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, par la volonté de l'employeur de s'assurer de la réalité des griefs reprochés à M. B.... En effet, alertée dès le 4 octobre 2019, l'ASTBTP pouvait sans attendre engager des démarches afin de déterminer la portée de ces dénonciations. D'ailleurs les attestations écrites des deux salariés s'étant plaint du comportement de M. B... sont datées du 21 octobre 2019 et, si le médecin inspecteur consulté sur la situation n'a rendu son avis que le 29 octobre 2019, il n'a été saisi d'une demande en ce sens que le 25 octobre 2019. Dans ces circonstances, alors même que la rémunération de M. B..., par ailleurs placé en congé maladie du 17 au 31 octobre 2019, aurait de facto était maintenue durant cette période et qu'une nouvelle décision de mise à pied a été prise, de façon surabondante, le 29 octobre 2019, le délai de consultation des instances a revêtu une durée excessive et a entaché la procédure antérieure à la saisine de l'inspectrice du travail.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ASTBTP et de l'Etat une quelconque somme à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 16 février 2022 et la décision de l'inspectrice du travail du 9 janvier 2020 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à l'association des services de santé au travail du bâtiment et des travaux publics des Bouches-du-Rhône.

Copie en sera adressée au directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2023.

2

N° 22MA00953

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00953
Date de la décision : 22/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-02 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Procédure préalable à l'autorisation administrative.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SCP CARLINI & ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-22;22ma00953 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award