Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'établissement public de coopération culturelle Opéra de Toulon Provence Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en date du 25 juin 2019 lui infligeant une amende administrative d'un montant total de 38 640 euros.
Par un jugement n° 1902763 du 30 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 février et 12 août 2022, l'Opéra de Toulon Provence Méditerranée, représenté par la société d'avocats Fidal, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 décembre 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 25 juin 2019.
Il soutient que :
- le salaire minimum conventionnel étant fixé par rapport à une durée de travail, de 102 heures par mois, l'appréciation de son respect doit se faire en tenant compte de la durée de travail dans l'entreprise, en l'espèce de seulement 81 heures par mois aux termes de l'accord d'entreprise du mois de juillet 2009 ; la règle de non proratisation concerne seulement la non prise en compte du temps de travail effectif de l'artiste au cours d'un mois ;
- les primes versées, notamment celles liées au travail ou aux sujétions supplémentaires, les indemnités différentielles ou la prime d'ancienneté, doivent être prises en compte pour apprécier le respect du salaire minimum conventionnel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984, étendue par arrêté du 4 janvier 1994, modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Coriatt, représentant l'Opéra de Toulon Provence Méditerranée.
Considérant ce qui suit :
1. L'établissement public de coopération culturelle Opéra de Toulon Provence Méditerranée se trouve soumis, dans sa relation avec ses artistes musiciens, à la convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984. Après que l'inspecteur du travail a constaté que l'établissement ne respectait pas le salaire minimum fixé par ce texte, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur lui a infligé, par décision du 25 juin 2019, une amende administrative d'un montant total de 38 640 euros sur le fondement des articles L. 8115-1 et suivants du code du travail. Cette amende correspond, au regard des 23 musiciens dont les salaires ont été considérés insuffisants durant les 3 mois de janvier, février et mars 2018, à un montant unitaire de 560 euros par travailleur et manquement. L'opéra de Toulon Provence Méditerranée relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon en date du 30 décembre 2021 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 8115-1 du code du travail : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, soit adresser à l'employeur un avertissement, soit prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : / (...) / 4° (...) aux dispositions relatives au salaire minimum fixé par la convention collective ou l'accord étendu applicable à l'entreprise, et aux mesures réglementaires prises pour leur application ; / (...) ".
3. En premier lieu, la convention collective applicable prévoit en son article X.3.3, pour les rémunérations mensualisées : " Les artistes musiciens, qu'ils soient titulaires de CDI ou de CDD d'une durée supérieure à 1 mois, perçoivent une rémunération mensuelle brute d'un montant au moins égal à celui figurant à l'annexe Salaires de la convention, montant revalorisé lors de la NAO (en distinguant les catégories suivantes : tuttiste, soliste, chef de pupitre). / Cette rémunération correspond à un temps de travail moyen dont la durée est fixée au titre XV " Dispositions spécifiques à l'emploi des artistes musiciens " ". Il est à cet égard indiqué, à l'article XV.2 que " L'horaire annuel de référence d'un artiste est de 1 224 heures. / L'aménagement du temps de travail s'effectue sur un horaire annuel déterminé en tenant compte de la durée collective du travail de chaque formation instrumentale, diminuée des heures de congés légaux et conventionnels octroyés aux artistes (chaque jour étant comptabilisé pour 5 heures). / Sous réserve de ce principe, l'horaire effectif annuel des artistes est de 1 076 heures. Il pourra être aménagé différemment dans chaque formation instrumentale par accord d'entreprise. Il est entendu entre les parties que l'artiste doit individuellement 1 076 heures de travail annuel effectif à savoir : / 3. Temps de travail au pupitre ; / 4. Temps en tournée ; / 5. Temps de transport (déplacement et tournée) ; / 6. Temps en résidence ; 7. Toutes autres activités conformes à l'objet social de la formation instrumentale ".
4. Si l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents de l'opéra de Toulon Provence Méditerranée du 10 juillet 2009 précise que le temps de travail effectif, au sens de la convention collective, est de 81 heures par mois, il indique également que " l'horaire de référence mensuel des artistes musiciens à temps plein est de 151 heures 40 ou 1 575 heures par an ". Il ne peut être considéré que cette mention, reprise sur les bulletins de salaire des musiciens, n'aurait qu'une portée administrative afin de calculer des cotisations sociales. Ainsi, l'horaire annuel de référence de ces artistes, durant lequel ils sont supposés être à disposition de leur employeur, est supérieur à la durée de travail de 1 224 heures, à raison de laquelle la convention collective définit les salaires minima et qui est distincte de l'horaire effectif annuel qu'elle fixe par ailleurs. Dès lors, l'établissement n'est en tout état de cause pas fondé à solliciter que le respect des salaires minima soit apprécié en comparant les salaires versés à ceux fixés par la convention préalablement proratisés au regard d'une durée de travail effectif de 81 heures par mois ou 972 heures par an.
5. En deuxième lieu, ni la convention collective, ni l'accord sur les salaires du 1er juillet 2017, étendu par arrêté du 6 décembre 2017, ni l'accord d'entreprise des artistes musiciens permanents de l'opéra de Toulon Provence Méditerranée, qui institue une majoration de rémunération en fonction de l'ancienneté, exprimée en pourcentage du salaire de base, ne précisent la teneur de la rémunération mensuelle brute à comparer au montant minimum conventionnel. Dans ces conditions, la prime d'ancienneté, qui est liée à la présence du salarié dans l'entreprise et non à son travail, ne doit pas être prise en considération.
6. En troisième lieu, les primes d'orchestre " instrument spécial " ou " feu ", qui constituent la contrepartie de prestations de travail optionnelles et supplémentaires des musiciens, n'ont pas davantage à être prises en compte dans cette comparaison.
7. En quatrième et dernier lieu, il résulte de l'instruction du dossier que l'indemnité " temporaire différentielle " versée à l'un des musiciens durant les mois litigieux a bien été prise en compte dans la détermination de son salaire réel comparé au salaire minimum conventionnel.
8. Il résulte de tout ce qui précède que l'opéra de Toulon Provence Méditerranée n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'établissement public de coopération culturelle Opéra de Toulon Provence Méditerranée est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement public de coopération culturelle Opéra de Toulon Provence Méditerranée et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Copie en sera adressée au directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2023.
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N° 22MA00544
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