La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/12/2023 | FRANCE | N°21NT03582

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 22 décembre 2023, 21NT03582


Vu la procédure suivante :



Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 décembre 2021, 25 février 2022, 28 avril 2022, 28 septembre 2022, 13 décembre 2022, et 10 février 2023, la SAS La Pierre Energie, représentés par Me Elfassi, demande à la cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2021 par lequel le préfet de la Sarthe a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation d'un parc de douze éoliennes et cinq postes de livraison sur le territoire des communes de Coudrecieux et Montaillé

;



2°) d'enjoindre au préfet de reprendre la procédure d'instruction de sa dema...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 décembre 2021, 25 février 2022, 28 avril 2022, 28 septembre 2022, 13 décembre 2022, et 10 février 2023, la SAS La Pierre Energie, représentés par Me Elfassi, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2021 par lequel le préfet de la Sarthe a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation d'un parc de douze éoliennes et cinq postes de livraison sur le territoire des communes de Coudrecieux et Montaillé ;

2°) d'enjoindre au préfet de reprendre la procédure d'instruction de sa demande d'autorisation environnementale dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de statuer à nouveau sur sa demande d'autorisation environnementale dans le même délai ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 20 octobre 2021 est insuffisamment motivé ;

- l'étude d'impact est suffisante ;

- il a suffisamment justifié de la compatibilité du projet avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du Loir ;

- le motif tenant à l'absence d'avis favorable du gestionnaire de la canalisation d'hydrocarbure n'est pas fondé ;

- l'avis défavorable de la direction de la circulation aérienne militaire n'est pas de nature à fonder le rejet dès lors qu'elle sera en mesure de proposer un modèle compatible avec les enjeux de sécurité aérienne et les enjeux écologiques du site ;

- le projet est compatible avec le règlement du PLUi de la communauté de communes des vallées de la Braye et de l'Anille.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention volontaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 1er juillet 2022, 29 septembre 2022, 27 octobre 2022 et 4 janvier 2023, l'association " Vent des Bois " et autres, représentés par Me Echezar, concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt à intervenir de même que les autres requérants ;

- c'est à bon droit que le préfet de la Sarthe a rejeté la demande d'autorisation environnementale présentée par la SAS La Pierre Energie ;

- ils entendent en outre critiquer la suffisance de l'étude d'impact en ce qui concerne le Busard Saint Martin.

Par ordonnance du 15 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée avec effet immédiat en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

L'association " Vent des Bois " et autres a produit un mémoire après clôture le

7 mars 2023, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

- les observations de Me Domenech, représentant la SAS Pierre Energie ;

- et les observations de Me Echazar, représentant l'association " Vent des Bois " et autres.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS La Pierre Energie, a sollicité, le 20 janvier 2020, la délivrance d'une autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien de douze éoliennes et de cinq postes de livraison sur le territoire des communes de Coudrecieux et Montaillé (Sarthe). Par un arrêté du 20 octobre 2021, le préfet de la Sarthe a rejeté sa demande d'autorisation environnementale. La SAS La Pierre Energie demande l'annulation de cet arrêté.

Sur la recevabilité de l'intervention collective :

2. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative :

" L'intervention est formée par mémoire distinct. / Les dispositions du chapitre IV du titre Ier du livre IV relatif à la transmission des requêtes par voie électronique sont applicables aux interventions. / Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction ordonne, s'il y a lieu, que ce mémoire en intervention soit communiqué aux parties et fixe le délai imparti à celles-ci pour y répondre. / Néanmoins, le jugement de l'affaire principale qui est instruite ne peut être retardé par une intervention ". Est recevable à former une intervention, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige et qui n'a pas qualité de partie à l'instance.

3. En premier lieu, il résulte de l'article 2 des statuts de l'association " Vent des Bois " que cette association a notamment pour objet de " protéger les espaces naturels, le patrimoine bâti, les sites et les paysages des villages de Coudrecieux, Dollon, Montaillé et Semur-en-vallon dans le département de la Sarthe (...) " et de " lutter contre toutes les atteintes qui pourraient être portées à l'environnement, aux hommes, à la faune et à la flore et notamment chaque fois qu'elles seront susceptibles de toucher aux caractères naturels des espaces et des paysages, aux équilibres biologiques et, d'une façon générale, à la santé et à la sécurité des hommes, des animaux et des choses ; (...) ". Par suite, eu égard à l'objet du litige relatif à la décision par laquelle le préfet de la Sarthe a refusé de délivrer à la SAS La Pierre Energie une autorisation d'exploiter un parc de six éoliennes d'une hauteur de 180 mètres sur les territoires des communes de Coudrecieux et de Montaillé, cette association justifie d'un intérêt au maintien de la décision attaquée du préfet de la Sarthe. Dès lors qu'au moins l'un des intervenants est recevable, une intervention collective est recevable. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'intérêt à intervenir des autres intervenants, l'intervention doit être admise.

4. En second lieu, les dispositions citées au point 2 ne frappent pas d'irrecevabilité une intervention au motif qu'elle concerne une affaire qui est en état d'être jugée. Elles dispensent seulement le juge administratif de procéder à la communication aux parties d'une intervention qui serait produite à ce stade de la procédure, hors le cas où la solution du litige au principal dépendrait d'un moyen invoqué uniquement par l'intervenant.

5. En l'espèce, l'intervention de l'association " Vent des Bois " et autres a été présentée le 31 janvier 2021 à une date à laquelle l'instruction n'était pas close. Par suite, la SAS La Pierre Energie n'est pas fondée à soutenir que la communication de cette intervention aux parties contrevient aux dispositions précitées de l'article R. 632-1 du code de justice administrative.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne la motivation de l'arrêté :

6. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 7° Refusent une autorisation (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

7. Il résulte des termes de l'arrêté contesté que pour refuser l'autorisation environnementale sollicitée par la société appelante, le préfet de la Sarthe s'est fondé sur le caractère insuffisant de l'étude d'impact en ce qui concerne les inventaires des chiroptères et des amphibiens et sur l'absence de démonstration de la compatibilité du projet avec la disposition 8B du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Loire-Bretagne 2016-2021 et le plan d'aménagement et de gestion durable du schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) du bassin versant du Loir. L'arrêté relève également l'absence d'avis du gestionnaire de la canalisation d'hydrocarbure sur les résultats de l'étude de danger et l'avis défavorable rendu le 27 juillet 2021 par la direction de la circulation aérienne militaire et ajoute que le projet n'est pas compatible avec le règlement du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté de communes des vallées de la Braye et de l'Anille. Contrairement à ce que soutient la société appelante, cette motivation, qui se réfère aussi aux textes applicables et mentionne notamment les articles pertinents du code de l'environnement, permet de comprendre les éléments de droit et de fait sur lesquels la décision est fondée est suffisante.

En ce qui concerne l'étude d'impact :

8. Il appartient au juge des installations classées pour la protection de l'environnement d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et la procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation, et d'appliquer les règles de fond applicables au projet en cause en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme, qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation. Lorsqu'il relève que l'autorisation environnementale contestée devant lui méconnaît une règle de fond applicable à la date à laquelle il se prononce, il peut, dans le cadre de son office de plein contentieux, lorsque les conditions sont remplies, modifier ou compléter l'autorisation environnementale délivrée afin de remédier à l'illégalité constatée, ou faire application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement.

9. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 181-9 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " " L'instruction de la demande d'autorisation environnementale se déroule en trois phases : 1° Une phase d'examen ; 2° Une phase d'enquête publique ; 3° Une phase de décision. / Toutefois, l'autorité administrative compétente peut rejeter la demande à l'issue de la phase d'examen lorsque celle-ci fait apparaître que l'autorisation ne peut être accordée en l'état du dossier ou du projet. / (...) ". Aux termes du II de l'article R. 122-5 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : (...) d) Des risques (...) pour l'environnement ; (...) 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité. / La description de ces mesures doit être accompagnée de l'estimation des dépenses correspondantes, de l'exposé des effets attendus de ces mesures à l'égard des impacts du projet sur les éléments mentionnés au 5° ; 9° Le cas échéant, les modalités de suivi des mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées ; (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 181-34 du même code : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : 1° Lorsque, malgré la ou les demandes de régularisation qui ont été adressées au pétitionnaire, le dossier est demeuré incomplet ou irrégulier (...) ".

10. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

11. Il résulte des termes de l'arrêté contesté que pour refuser l'autorisation environnementale sollicitée par la société appelante, le préfet de la Sarthe s'est notamment fondé sur le caractère insuffisant de l'étude d'impact en ce qui concerne les inventaires des chiroptères et des amphibiens et la séquence " éviter-réduire-compenser " concernant les zones humides.

S'agissant des chiroptères :

12. Il ressort des pièces du dossier que la zone d'implantation du projet, qui se situe en partie dans le Perche sarthois et sur le plateau de grandes cultures, est couverte par un grand ensemble forestier classé faisant l'objet d'un classement en zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 2 et qui présente une richesse chiroptérologique. L'étude d'impact présente, d'une part, les résultats de l'étude bibliographique menée sur le territoire des aires d'étude concernées, accompagnés de cartographies de superposition du projet et des enjeux chiroptérologiques identifiés à l'issue du diagnostic écologique et, d'autre part, la méthodologie mise en œuvre par le bureau d'études pour la réalisation des inventaires. Ce dernier a réalisé à ce titre des écoutes ponctuelles au travers de 28 points d'écoute de 10 minutes par sortie sur l'année et réparties sur l'ensemble de la zone de projet et des écoutes en continu au sol et au niveau de la canopée notamment avec deux enregistreurs installés dans les zones nord et sud pour les périodes du 11 avril au 30 mai, du 31 mai au 4 août puis du 22 août au 7 novembre 2017, un enregistreur ayant été installé sur la cime d'un arbre et non d'un mat de mesure en raison d'un acte de sabotage. L'association des recherches bibliographiques au niveau régional a permis l'identification de 10 espèces potentiellement dont plusieurs marquées par un niveau de patrimonialité fort comme la Barbastelle d'Europe, le Grand Murin, le Grand Rhinolophe, le Murin de Bechstein, le Petit Rhinolophe et le Rhinolophe Euryale. Les vingt passages d'écoute ultrasonore ont permis d'inventorier outres ces espèces un total de 16 espèces présentant un niveau d'activité faible, la forte majorité de l'activité enregistrée se rapportant à la Pipistelle commune notamment dans les champs ouverts. L'étude écologique a ainsi mis en évidence s'agissant des statuts de conservation et des effectifs enregistrés, un enjeu fort pour la Barbastelle d'Europe et un enjeu qualifié de modéré pour le Grand Murin, le Grand Rhinolophe, le Murin à oreilles échancrées, le Murin de Bechstein, le Murin Daubenton, le Petit Rinolphe, la Pipistrelle commune, la Pipistrelle de Kuhl et la Pipistrelle de Nathusius. De façon générale, la sensibilité chiroptérologique des sites a été jugée forte au niveau des canopées et au-dessus desquelles quatre espèces ont été identifiées comme particulièrement sensibles à l'implantation d'un parc éolien, la Noctule commune, la Pipistrelle commune, la Pipistrelle de Kuhl et la Pipistrelle de Nathusius. Par ailleurs, l'étude relève que 35 sites des gîtes d'estivages ont été identifiés sur le fondement d'une analyse orthophotgraphique du périmètre d'études et ont fait l'objet de prospections les 11 et 12 juillet 2017 auprès des propriétaires de structures susceptibles d'accueillir des individus qui ont été complétées par la distribution de tracts auprès des propriétaires absents ayant permis notamment d'identifier une colonie de Pipistelle commune. Enfin, des mesures d'évitement et réduction des risques d'impact sur les chiroptères ont été mises en œuvre au travers du choix d'implanter les éoliennes aux abords de sentiers existants afin de limiter l'" effet lisière " conduisant à une augmentation de la fréquentation de ces milieux par les chiroptères, d'une hauteur bas de pale- canopée de 30 mètres et une mesure de bridage de l'ensemble des machines lors des périodes favorables à ces espèces.

13. Se fondant essentiellement sur l'avis rendu le 2 mars 2020 par la direction départementale des territoires de la Sarthe, le préfet de la Sarthe reproche à l'étude chiroptérologique réalisée par la requérante dans son étude d'impact de ne pas avoir mené malgré la demande qui lui en a été faite le 30 mars 2020 d'inventaire complémentaires de chiroptères après avoir constaté une durée d'écoutes insuffisantes, un manque de justification du choix d'implantation des points d'écoute au sol, une absence de point d'écoute au milieu du massif forestier et de mesure en continu de l'activité des chiroptères à hauteur de nacelle de sorte que les impacts sur ces espèces en particulier en milieu boisé ne peuvent pas être évalués.

14. Le préfet n'apporte toutefois aucune précision au soutien de ses remarques relatives à une durée d'écoutes insuffisantes et à un manque de justification du choix d'implantation des points d'écoute au sol. La seule circonstance que selon les prescriptions pour la prise en compte des chiroptères et de l'avifaune dans l'installation et l'exploitation des parcs éoliens, émises à destination des exploitants éoliens par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) des Pays de la Loire en juillet 2019, la durée des points d'écoutes doit être de 30 minutes minimum ne suffit pas à démontrer que, en l'espèce, le suivi des points d'écoutes mis en œuvre sur 10 minutes dans les conditions détaillées ci-dessus ne serait pas proportionné à la taille et aux caractéristiques paysagères du site. Par ailleurs, en se bornant à relever que, s'agissant de la recherche des gîtes d'estivage, le bureau d'études n'aurait pas contacté tous les propriétaires des biens pouvant servir de gîtes d'estivage, ni le préfet ni les intervenants ne remettent en question la pertinence des prospections réalisés pour recenser ces gîtes.

15. En revanche lieu, il est constant qu'à la date de l'arrêté contesté, aucune écoute en altitude n'a été réalisée malgré la demande de compléments formulée sur ce point le

30 mars 2020. Or, eu égard aux forts enjeux pour les chiroptères identifiés lors de l'analyse bibliographique et confirmés par les premières expertises de terrain, ainsi qu'au risque important de collision pour certaines espèces de haut vol fréquentant le site, la description de l'état initial aurait dû être complétée par des écoutes de l'activité des chiroptères en altitude afin de préciser la réalité de cette activité en altitude au niveau de la zone de balayage des pales des éoliennes et les risques inhérents à leur fonctionnement.

S'agissant des amphibiens :

16. Il est constant que l'étude d'impact réalisée par le bureau spécialisé fait état au titre des prospections réalisées sur la zone sud du projet comprenant sept éoliennes de dates des passages en phases diurne et nocturne pouvant être estimées comme relativement tardives au regard de l'écologie des amphibiens. Or, il résulte de l'instruction qu'elle identifie par ailleurs une forte variété d'amphibiens dans les aires d'études comprenant des zones humides dont cinq d'intérêt patrimonial. Malgré la demande de complément formulée le 30 mars 2020, aucun inventaire complémentaire n'a été réalisé par la société pétitionnaire avant l'édiction de l'arrêté contesté.

S'agissant des zones humides :

17. En l'espèce, l'état des lieux dressé par l'étude d'impact a permis de constater que si les éoliennes du site nord n'étaient pas concernées par des zones humides, celles du site sud étaient en revanche entièrement incluses dans un secteur globalement humide même si les chemins déjà remblayés et compactés ne peuvent être considérés comme des zones humides fonctionnelles. Or, il résulte de l'instruction que la demande d'autorisation environnementale du projet en litige n'a pas démontré, malgré la demande de complément sur ce point formulée le 30 mars 2020, que la variante d'implantation retenue des éoliennes du site sud soit celle qui ait le moins d'impact sur l'environnement et notamment sur les zones humides de sorte que la séquence " Éviter, Réduire, Compenser (ERC) " présentée dans l'étude d'impact est entachée d'insuffisance.

18. Les carences de l'étude d'impact mentionnées aux points 15 à 17, qui ont pu avoir pour effet de fausser l'évaluation proposée par la pétitionnaire des enjeux et des impacts du projet sur les chiroptères, les amphibiens et les zones humides, s'opposaient à elles seules à ce que le préfet puisse instruire régulièrement la demande d'autorisation. Par suite, le motif de refus tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact apparaît fondé. Il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision de refus s'il s'était fondé sur ce seul motif de nature à le justifier légalement. Dès lors, les moyens tendant à contester les autres motifs de cette décision ne peuvent qu'être écartés.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS La Pierre Energie n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 16 mars 2021 par lequel le préfet du Calvados a rejeté sa demande d'autorisation environnementale. Ses conclusions à fin d'injonctions et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de l'association " Vent des Bois " et autres est admise.

Article 2 : La requête de la SAS La Pierre Energie est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS La Pierre Energie, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à l'association " Vent des Bois " et autres.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Quillévéré, président de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- M. Viéville, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2023.

Le rapporteur

A. PENHOATLe président de chambre,

G. QUILLÉVÉRÉ

La greffière

A. MARCHAIS

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 21NT035822


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03582
Date de la décision : 22/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. QUILLÉVÉRÉ
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : ELFASSI PAUL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-22;21nt03582 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award