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21/12/2023 | FRANCE | N°23NC01195

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 21 décembre 2023, 23NC01195


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Moselle lui a refusé un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale.



Par un jugement n° 2106935 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande comme irrecevable.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 18 avril 2023, M.

A..., représenté par Me Gorgol, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;



2°) d'annuler l'arrê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Moselle lui a refusé un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale.

Par un jugement n° 2106935 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande comme irrecevable.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 avril 2023, M. A..., représenté par Me Gorgol, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour mention vie privée et familiale, à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la réception par la préfecture de sa demande de titre de séjour est justifiée par la production de l'accusé de réception ;

- le refus de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il ne peut pas travailler avec un titre visiteur.

Par un mémoire enregistré le 4 mai 2023, le préfet de la Moselle, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 janvier 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience publique.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Agnel.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant macédonien entré en France en 2012, relève appel du jugement du 29 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à l'annulation d'une décision implicite de refus d'un titre de séjour.

Sur la recevabilité de la demande :

2. M. A... a adressé au préfet de la Moselle une demande, datée du 2 février 2021, expédiée le 9 février suivant en recommandé avec accusé de réception numéro 1A19185696168, tendant à obtenir un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", si possible de dix ans, en lieu et place du titre de séjour mention " visiteur ", lequel lui avait été renouvelé le 11 janvier 2021. Devant cette cour, M. A... justifie par la production de l'accusé de réception correspondant à la preuve de dépôt, que les services de la préfecture ont été rendus destinataires de sa demande le 10 février 2021 et qu'il est né du silence gardé par l'administration sur celle-ci une décision implicite de rejet. Par suite, le préfet de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que rien ne viendrait justifier que cet accusé de réception correspondrait à la demande du 2 février 2021 tandis que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a regardé sa demande comme irrecevable en l'absence de justification d'une décision de refus de séjour.

3. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué. Il y a lieu toutefois pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande du requérant présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

4. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... vit depuis 2012 en France avec sa compagne en situation régulière sur le territoire. Le couple a deux enfants nés en France en 2013 et 2016. M. A... était salarié en Allemagne, ce qui avait justifié la délivrance d'un titre de séjour mention " visiteur ". Désormais privé de cet emploi, M. A... ne dispose plus d'aucune ressource, son titre de séjour ne lui permettant pas d'exercer une activité professionnelle, ce qui explique que la famille ne perçoive que le revenu de solidarité active et des allocations. La vie privée et familiale de M. A... étant fixée en France auprès de sa compagne et de ses enfants, cette situation implique nécessairement qu'il puisse travailler. Dès lors, en refusant de lui accorder le changement de statut sollicité et en le maintenant sous couvert d'un titre de séjour portant la mention " visiteur ", l'autorité préfectorale a porté une atteinte disproportionnée à son droit à la vie privée et familiale, garanti par les normes ci-dessus reproduites, par rapport aux buts en vue desquels ce refus a été pris. Par suite, M. A... est fondé à demander l'annulation du refus implicite né du silence gardé par l'administration sur sa demande notifiée le 10 février 2021.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. L'annulation ci-dessus prononcée implique nécessairement que l'administration délivre à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative de lui enjoindre d'y procéder selon les modalités figurant au dispositif du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale. Il ne justifie pas avoir exposé des frais pour les besoins de la présente instance. Par suite, ses conclusions tendant à ce que l'Etat lui verse la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2106935 du tribunal administratif de Strasbourg du 29 novembre 2022 est annulé.

Article 2 : La décision implicite de refus née du silence gardé par le préfet de la Moselle à la suite de la demande de M. A... notifiée le 10 février 2021 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Moselle de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie du présent arrêt sera transmise au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N° 23NC01195 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01195
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme STENGER
Avocat(s) : GORGOL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;23nc01195 ?
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