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21/12/2023 | FRANCE | N°23NC00091

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 décembre 2023, 23NC00091


Vu la procédure suivante :



Procédures contentieuses antérieures :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 11 août 2022 par lequel la préfète de la Meuse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2202344 du 27 octobre 2022, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'a

rrêté du 11 août 2022 de la préfète de la Meuse en tant qu'il fixe son pays de destination et rejeté l...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 11 août 2022 par lequel la préfète de la Meuse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2202344 du 27 octobre 2022, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 11 août 2022 de la préfète de la Meuse en tant qu'il fixe son pays de destination et rejeté le surplus des conclusions.

Procédures devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Andreini, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 27 octobre 2022 en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 11 août 2022 par lequel la préfète de la Meuse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 août 2022 par lequel la préfète de la Meuse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Meuse de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans ce même délai et de lui délivrer dans les deux hypothèses, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros hors taxes sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement méconnait son droit à un procès équitable dès lors que l'audience s'est déroulée en l'absence de l'intéressé alors pourtant qu'il avait exprimé le souhait d'être présent ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'exécution de cette décision l'exposera à des traitements portant atteinte à sa vie ou à son intégrité ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'existence de circonstances humanitaires et à la durée de l'interdiction de retour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2023, le préfet de la Meuse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 15 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant kosovar né le 26 novembre 1996, serait entré pour la dernière fois en France, selon ses déclarations, le 28 octobre 2013, en compagnie de sa mère. Par une décision du 20 avril 2015, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lui a attribué la qualité de réfugié. Le 21 mars 2022 pendant son incarcération au centre de détention de Saint-Mihiel, il a sollicité la délivrance d'un " titre de séjour réfugié ". Par une décision du 19 avril 2022, l'OFPRA lui a retiré le statut de réfugié. Par un arrêté du 11 août 2022, la préfète de la Meuse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé son pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. Par un arrêté du 7 décembre 2022, le préfet de la Meuse a de nouveau fixé le Kosovo comme pays de destination et l'a placé en rétention administrative. Le 22 décembre 2022, le réexamen de sa demande d'asile a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité. Il a ensuite été éloigné vers le Kosovo le 2 janvier 2023. M. A... fait appel du jugement du 27 octobre 2022 du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 11 août 2022 par lequel la préfète de la Meuse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 641-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas " et de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ". Il est constant que M. A... a été convoqué à l'audience du 20 octobre 2022. Même si, malgré son souhait d'être présent alors qu'il était placé en rétention administrative, l'audience ne s'est pas déroulée en sa présence, il résulte toutefois des termes du jugement attaqué que Me Hébrard, substituant Me Andreini, avocate de M. A..., était présent et a pu présenter des observations. Par suite, le moyen tiré de l'atteinte à son droit à un procès équitable est écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Il ressort des pièces du dossier que M. A... a obtenu le statut de réfugié, qu'il est ainsi réputé résider régulièrement sur le territoire français depuis son entrée en France le 28 octobre 2013 et que l'ensemble de sa famille élargie réside régulièrement sur le territoire français. Toutefois, d'une part, M. A... ne produit aucun élément de nature à démontrer les liens qu'il entretiendrait avec les membres de sa famille et d'autre part, célibataire et sans charge de famille, il n'établit ni même n'allègue disposer d'attaches privées autres sur le territoire français. Enfin, il ressort des mentions du casier judiciaire de M. A... que celui-ci a été condamné à de multiples reprises pour des faits délictueux commis entre les mois de janvier 2015 et novembre 2020 et que sa présence en France constitue ainsi une menace réelle et actuelle pour l'ordre public. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

4. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que les moyens dirigés contre le refus de titre de séjour étant écartés, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale.

5. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est écarté.

6. En quatrième lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. A... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

7. En cinquième lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de délai de départ volontaire ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par le requérant à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui interdisant le retour sur le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

8. En dernier lieu, lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français " et de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, que le comportement de M. A... constitue une menace grave, réelle et actuelle pour l'ordre public. En outre, si plusieurs membres de sa famille sont présents sur le territoire français, il ne produit aucun élément de nature à démontrer l'intensité des liens qui les unit. Le requérant n'établit pas davantage l'existence de circonstances humanitaires justifiant que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre du requérant d'une durée de trois ans, le préfet ait inexactement apprécié la situation de M. A.... Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la préfète, en prenant à son égard une interdiction de retour, aurait fait une inexacte application des dispositions précitées ou aurait méconnu l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sont écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Meuse.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC00091


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00091
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : ELEOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;23nc00091 ?
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