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21/12/2023 | FRANCE | N°23NC00090

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 décembre 2023, 23NC00090


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sous trente jours le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office, ainsi que la décision du 6 juillet 2021 portant rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n° 2100085-2101956 du 22 février 2022, le trib

unal administratif de Besançon a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sous trente jours le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office, ainsi que la décision du 6 juillet 2021 portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2100085-2101956 du 22 février 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 janvier 2023, M. A... représenté par Me Bertin demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 22 février 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sous trente jours le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office, ainsi que la décision du 6 juillet 2021 portant rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ainsi qu'un " récépissé avec droit au travail " dans un délai de huit jours à compter de cette même notification et, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation personnelle et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de cette notification sous astreinte de 50 euros par jour de retard;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour sur le fondement de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision lui refusant le séjour méconnait les articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Par un mémoire en défense enregistré le 23 février 2023, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant comorien, est entré en dernier lieu sur le territoire français le 27 janvier 2019 sous couvert d'un visa valable jusqu'au 6 avril 2019. Le 7 février 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en tant que parent d'enfant français qui a été rejeté par un arrêté du 11 juin 2019 du préfet du Doubs assorti d'une obligation de quitter le territoire dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 25 février 2021. Il a ensuite été assigné à résidence le 10 février 2020. A la suite de la naissance de son troisième enfant en mars 2020, il a introduit le 3 juin 2020 une nouvelle demande de titre de séjour et demandé l'abrogation de l'obligation de quitter le territoire du 11 juin 2019. Par un arrêté du 29 avril 2021, le préfet du Doubs a rejeté ses demandes ainsi que le 6 juillet 2021 le recours gracieux introduit le 29 juin 2021 contre son arrêté. M. A... fait appel du jugement du 22 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision de rejet de son recours gracieux.

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

3. Il est constant que M. A... est le père de deux filles de nationalité française nées en 2002 et 2005 et d'un garçon né en France en mars 2020 qu'il a eu avec son épouse, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2029, et avec qui il réside depuis son retour sur le territoire français le 27 janvier 2019. Même si ses filles et son épouse ont vécu en France alors qu'il était retourné aux Comores pour des raisons professionnelles, cette seule circonstance ne suffit pas à écarter les liens affectifs qui se sont créés dès lors qu'il ressort des pièces produites que, à tout le moins, depuis son retour en France, il est impliqué dans la vie quotidienne et dans l'éducation de ses enfants. Au surplus, sa femme dont la qualité de travailleur handicapé a été reconnue par décision de la maison départementale des personnes handicapées du 4 décembre 2020 en raison d'un syndrome fibromyalgique avec polyarthrolgies et polyalgies quotidiennes nécessite sa présence à ses côtés pour s'occuper de ses enfants. Enfin, la circonstance qu'une demande au titre du regroupement familial pourrait être déposée ne saurait exclure la possibilité de bénéficier d'un titre de séjour pour motif familial. Dans les circonstances de l'espèce, le refus de lui accorder un titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ainsi qu'à l'intérêt supérieur de ses enfants, et méconnaît ainsi les stipulations citées au point précédent.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. A... un titre de séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Doubs de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bertin avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bertin de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2100085-2101956 du 22 février 2022 du tribunal administratif de Besançon et l'arrêté en date du 29 avril 2021 par lequel le préfet du Doubs a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Bertin, avocat de M. A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bertin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Bertin et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

S. Robinet

2

N° 23NC00090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00090
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;23nc00090 ?
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