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21/12/2023 | FRANCE | N°23NC00002

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 décembre 2023, 23NC00002


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2022 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.



Par un jugement n° 2201827 du 2 décembre 2022, le tribunal administratif

de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2022 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2201827 du 2 décembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces enregistrées le 1er et le 13 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Gaffuri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 2 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 juillet 2022 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir assorti d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision lui refusant un titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ;

- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 avril 2023 la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant camerounais né le 29 février 2004, est arrivé à Bruxelles le 22 décembre 2016 sous couvert d'un visa court séjour en compagnie de sa mère puis, selon ses déclarations, il est entré le même jour sur le territoire français. Le 9 mars 2022, il a sollicité la régularisation de sa situation et l'obtention d'un titre de séjour vie privée et familiale. Par un arrêté du 7 juillet 2022, la préfète de l'Aube le lui a refusé et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. A... fait appel du jugement du 2 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision refusant le titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée sur ce fondement par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France via Bruxelles à l'âge de 12 ans sous couvert d'un visa court séjour et que sa mère, avant de repartir au Cameroun, l'a confié dans un premier temps à la nièce de son père décédé à Paris le 7 octobre 2007 avant qu'il ne s'installe à Troyes chez l'autre nièce de son père avec qui il vit depuis et à qui sa mère aurait donné procuration le 4 septembre 2017 afin d'être la tutrice légale de son fils. Depuis le 23 mai 2017, il a poursuivi sa scolarité régulièrement sans jamais redoubler depuis la 5ème jusqu'à l'obtention de son baccalauréat général le 4 juillet 2022, concomitamment à l'arrêté en litige du 7 juillet 2022. Il est actuellement inscrit en licence d'économie gestion à l'université de Reims avec le soutien de son professeur en sciences économiques et sociales au lycée Marie de Champagne. En outre, contrairement à ce qu'affirme la préfète, il n'est pas établi que sa mère serait au Canada ni qu'il entretiendrait des liens avec elle. La seule famille demeurant encore au Cameroun serait son frère ainé qui, par une attestation du 3 janvier 2023, indique ne pas avoir les moyens financiers de s'occuper de son frère cadet. Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, eu égard notamment aux gages sérieux d'insertion sociale et scolaire que présente l'intéressé, ce dernier doit être regardé comme faisant valoir des motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, la préfète de l'Aube, en rejetant sa demande de titre de séjour, a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour ainsi que par voie de conséquences de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. A... un titre de séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la préfète de l'Aube de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Gaffuri, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gaffuri de la somme

de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2201827 du 2 décembre 2022 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et l'arrêté du 7 juillet 2022 par lequel la préfète de l'Aube a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de l'Aube de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Gaffuri, avocat de M. A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Gaffuri renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Gaffuri et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC00002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00002
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : GAFFURI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;23nc00002 ?
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