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21/12/2023 | FRANCE | N°23LY02555

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 21 décembre 2023, 23LY02555


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



L'Union fédérale des syndicats de l'État CGT (UFSE-CGT) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les élections professionnelles pour la désignation des représentants du personnel au comité social d'administration de la direction départementale des territoires du Puy-de-Dôme qui se sont tenues le 8 décembre 2022.



Par un jugement n° 2300303 du 6 juillet 2023, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour
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Par une requête enregistrée le 27 juillet 2023, l'UFSE CGT, représentée par Me Parvex, demande à la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'Union fédérale des syndicats de l'État CGT (UFSE-CGT) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les élections professionnelles pour la désignation des représentants du personnel au comité social d'administration de la direction départementale des territoires du Puy-de-Dôme qui se sont tenues le 8 décembre 2022.

Par un jugement n° 2300303 du 6 juillet 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2023, l'UFSE CGT, représentée par Me Parvex, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et les élections du 8 décembre 2022 ;

2°) d'enjoindre, sous astreinte, à la première ministre, au ministre de la transformation et de la fonction publiques et au ministre de l'intérieur et des outre-mer d'organiser, dans un délai fixé par la cour, de nouvelles élections dans des conditions susceptibles de permettre la garantie de la sincérité des opérations électorales, soit par vote électronique, soit par vote à l'urne et vote par correspondance durant une semaine entière ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les modalités selon lesquelles ces élections ont eu lieu portent atteinte au principe constitutionnel de participation prévu à l'alinéa 8 du préambule de la Constitution et repris à l'article L. 112-1 du code général de la fonction publique ;

- ces irrégularités ont, compte tenu du faible écart de voix, conduit à une altération de la sincérité du scrutin.

Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut à titre principal au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, en cas d'annulation à ce que les effets de l'annulation de l'élection contestée soient différés de six mois.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 29 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;

- le décret n° 2020-1427 du 20 novembre 2020 ;

- le décret n° 2011-595 du 26 mai 2011 ;

- l'arrêté du 9 mars 2022 fixant la date des prochaines élections professionnelles dans la fonction publique ;

- l'arrêté du 9 mars 2022 portant dérogation à l'utilisation du vote électronique en vue du prochain renouvellement général des instances de dialogue social dans la fonction publique de l'État ;

- l'arrêté du 30 novembre 2022 modifiant l'arrêté du 9 mars 2022 portant dérogation à l'utilisation du vote électronique en vue du prochain renouvellement général des instances de dialogue social dans la fonction publique de l'État ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du scrutin relatif aux élections professionnelles du comité social d'administration de la direction départementale des territoires (DDT) du Puy-de-Dôme qui s'est tenu le 8 décembre 2022, le syndicat FO et l'UNSA FP ont chacun obtenu deux des cinq sièges à pourvoir, avec respectivement trente-quatre et trente-deux voix, tandis que l'UFSE-CGT a obtenu un siège avec vingt-huit voix. Le syndicat UFSE CGT relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 6 juillet 2023 qui a rejeté sa demande d'annulation de ces élections.

2. Le syndicat soutient que les nouvelles modalités d'organisation du scrutin, en ce qu'elles ont prévu de manière particulièrement tardive un vote en présentiel à l'urne sans solution de substitution, ont porté atteinte au principe de participation consacré par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, repris par l'article L. 112-1 du code général de la fonction publique, et à son effectivité et que cette irrégularité a eu une incidence sur la sincérité du scrutin.

3. Aux termes du huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : " Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ". Selon l'article L. 112-1 du code général de la fonction publique : " Dans les conditions prévues au livre II, les agents publics participent, par l'intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs, à l'organisation et au fonctionnement des services publics, à l'élaboration des règles statutaires régissant les fonctionnaires et des règles relatives aux conditions d'emploi des agents contractuels, à la définition des orientations en matière de politique de ressources humaines et à l'examen de certaines décisions individuelles. ".

4. Aux termes de l'article 19 du décret du 20 novembre 2020 visé ci-dessus : " La date des élections pour le renouvellement général des comités sociaux d'administration [de direction départementale interministérielle] est fixée par arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre chargé de la fonction publique (...) ". Aux termes de l'article 36 de ce même décret : " I. - Le vote a lieu par voie électronique selon les modalités prévues par le décret du 26 mai 2011 susvisé [relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du vote électronique par internet pour l'élection des représentants du personnel au sein des instances de représentation du personnel de la fonction publique de l'État]. / (...). II. - Toutefois, un arrêté des ministres intéressés et du ministre chargé de la fonction publique peut prévoir, par dérogation au I, que les opérations de vote se déroulent au moyen du vote à l'urne, à titre exclusif ou complémentaire, dans certaines administrations, établissements ou autorités dont ils établissent la liste. / III. - Dans tous les cas, le vote peut avoir lieu par correspondance, dans les conditions fixées par les mêmes arrêtés. / Dans ce cas, les enveloppes expédiées, aux frais de l'administration, par les électeurs doivent parvenir au bureau de vote avant l'heure de la clôture du scrutin ".

5. Si, au sein de la fonction publique de l'État, les opérations de vote se tiennent normalement par voie électronique, un arrêté du 9 mars 2022, pris en application des dispositions de l'article 36 du décret du 20 novembre 2020 citées au point précédent, permet, dans certains cas, d'y déroger. Il comporte à cet effet des annexes fixant la liste des scrutins des administrations, établissements ou services faisant usage de cette dérogation et définissant les modalités de celle-ci pour chaque scrutin, que ce soit au moyen du vote à l'urne, à titre exclusif ou complémentaire du vote électronique, ou au moyen du vote par correspondance. Il résulte de l'instruction que, alors que les scrutins relevant du ministère de l'intérieur et des outre-mer devaient tous se dérouler par voie électronique du 1er décembre au 8 décembre 2022, un arrêté du 30 novembre 2022 a ajouté une annexe 6 à l'arrêté dérogatoire du 9 mars 2022 pour prévoir que les opérations de vote relatives aux comités sociaux d'administration des directions départementales interministérielles (DDI) se dérouleraient finalement au moyen du vote à l'urne à titre exclusif, au cours de la journée du 8 décembre.

6. Il apparaît que, afin d'accompagner la mise en œuvre du nouveau dispositif, qui visait à pallier un soupçon de défaut de fiabilité des listes électorales qui devaient être utilisées pour le vote électronique, et de faciliter le déroulement du scrutin, une communication active a été effectuée par l'administration vers les chefs de service, les agents et organisations syndicales concernés pour préciser les conditions de mise en œuvre de ce changement des modalités de vote. Ainsi, la directrice des ressources humaines du ministère de l'intérieur et des outre-mer a diffusé un message directement visible dans l'application informatique de vote pour informer l'ensemble des agents des directions départementales interministérielles que, pour les scrutins des comités sociaux, le vote se ferait à l'urne le 8 décembre 2022. L'instruction fait ressortir que le vendredi 2 décembre, les listes de diffusion nationales " tous agents " ont été réactivées pour permettre aux organisations candidates d'envoyer un message d'information sur le scrutin à l'ensemble des agents concernés. L'instruction, diffusée le 2 décembre 2022, a prévu des aménagements pour permettre aux agents de se rendre dans leurs bureaux de vote, notamment en termes d'horaires, d'autorisations spéciales d'absence et de reports de jours de télétravail, ainsi que pour adapter localement l'organisation du vote, le cas échéant par la constitution de bureaux de vote spéciaux ou de sections de vote. Les agents ont été destinataires de plusieurs courriels dont la teneur n'était pas équivoque sur l'organisation sur place de ce scrutin, même si les autres scrutins devant avoir lieu à la même période se déroulaient en ligne.

7. Si des électeurs n'ont pas voté au scrutin concernant la DDT du Puy-de-Dôme, rien ne permet de savoir dans quel sens ils se seraient prononcés ou s'ils ne seraient pas, au moins en partie, abstenus, et selon quelles proportions. Aucune attestation de ces électeurs qui auraient été empêchés de voter en raison du changement soudain de la modalité de scrutin n'est produite. Il ne résulte de l'instruction ni que l'abstention générée par la défection des électeurs aurait affecté plus fortement les rangs du syndicat UFSE - CGT ni, en tout état de cause, que cette abstention aurait été particulièrement préjudiciable aux candidats de cette liste ou qu'un lien de causalité aurait existé entre cette abstention et la répartition des suffrages entre les listes en présence. Et à cet égard si, dans le Puy-de-Dôme, le taux de participation au scrutin litigieux a été inférieur à celui, de 86 %, relevé pour l'élection du comité technique de 2018 sur un périmètre d'électeurs identique, il résulte de l'instruction que ce taux, qui s'élève à 63,16 %, est supérieur au taux de participation enregistré pour l'ensemble des DDI, soit 61,23 %, et au taux de participation enregistré pour les préfectures et les secrétariats généraux communs départementaux, correspondant à 60,34 % en moyenne, qui ont été obtenus après un vote électronique.

8. Dans ces conditions, compte tenu des mesures d'information mises en œuvre et du niveau d'abstention constaté localement, et alors que le choix de recourir au vote à l'urne ne conduit pas, par lui-même, à méconnaître le principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit de délai minimal avant le scrutin pour passer d'un vote électronique à un vote à l'urne et que le niveau d'abstention constaté ne saurait, en l'espèce, être regardé comme ayant conduit à altérer la sincérité du scrutin, les moyens tirés de ce que le principe constitutionnel de participation aurait été méconnu et que cela aurait conduit à altérer la sincérité du scrutin ne peuvent qu'être écartés.

9. Il résulte de ce qui précède que l'UFSE-CGT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Sa requête doit, dans l'ensemble de ses conclusions, être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'UFSE-CGT est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union fédérale des syndicats de l'État CGT (UFSE-CGT) et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ;

M. Chassagne, premier conseiller ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

C. DjebiriLa présidente de la formation de jugement,

A. Duguit-Larcher

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 23LY02555 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02555
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-05-015 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Commissions administratives paritaires. - Élections.


Composition du Tribunal
Président : Mme DUGUIT-LARCHER
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : ATLANTES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;23ly02555 ?
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