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21/12/2023 | FRANCE | N°22NC03222

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 décembre 2023, 22NC03222


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 29 août 2022 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.



Par un jugement n° 2202711 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et d

es pièces enregistrées le 23 décembre 2022 et le 9 mars 2023, M. A..., représenté par Me Lemonnier demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 29 août 2022 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2202711 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces enregistrées le 23 décembre 2022 et le 9 mars 2023, M. A..., représenté par Me Lemonnier demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 1er décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 29 août 2022 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

en ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet a commis une erreur de droit dès lors que le dépassement de la limite de 60 % de la durée annuelle du temps de travail n'est pas de nature à faire obstacle à sa demande de renouvellement de titre de séjour ;

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée ;

- le préfet a commis une erreur de fait en estimant qu'il avait échoué à son année de master ;

- le préfet a commis une erreur de fait et d'appréciation en estimant que le seuil de 964 heures de travail a été dépassé au cours de la période novembre 2019 - octobre 2020 alors qu'il n'a travaillé que 934 heures au cours de cette période et que l'article 8 de la loi n° 2020-734 l'autorisait à travailler dans la limite de 80 % de la durée de travail annuelle ;

- la demande du préfet de substituer au motif tiré de la méconnaissance de la durée de travail autorisé, le moyen tiré de ce qu'à la date de la décision en litige, M. A... avait terminé ses études n'est pas fondée dès lors qu'à la date de sa demande, le 2 novembre 2022 il suivait une formation en master et qu'en tout état de cause, elle l'a privé d'une garantie ;

- la décision méconnaît l'article 2 du protocole n°1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sur le droit à l'instruction ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle en ne faisant pas usage de son pouvoir de régularisation ;

en ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

- les décisions sont insuffisamment motivées ;

- elles sont illégales du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elles méconnaissent les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense enregistrés les 8 et 10 mars 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le requérant sont identiques à ceux de première instance et ne sont pas fondés ;

- l'inscription à une formation assistant ressources humaines IFOCOP ne constitue pas une formation en cohérence avec ses études d'histoire, civilisation et patrimoine.

Par ordonnance du 10 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mars 2023.

Des pièces enregistrées par M. A... le 30 novembre 2023 n'ont pas été communiquées.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n°2020-734 du 17 juin 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,

- et les observations de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 12 novembre 1991, est entré en France le 9 septembre 2013 muni d'un passeport et d'un visa de long séjour valant titre de séjour valable du 26 août 2013 au 26 août 2014. Le 2 novembre 2021, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " étudiant " qui avait été régulièrement renouvelé à six reprises jusqu'au 4 novembre 2021. Par un arrêté du 29 août 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. A... relève appel du jugement du 1er décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sous réserve d'une entrée régulière en France et sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration, saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", d'apprécier, à partir de l'ensemble des pièces du dossier, la réalité et le sérieux des études poursuivies.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 422-7 du même code, " La carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant" prévue aux articles L. 422-1 ou L. 422-2 peut être retirée si l'étranger qui en est titulaire ne respecte pas la limite de 60 % de la durée de travail annuelle mentionnée à l'article L. 422-1. " et de l'article R. 5221-26 du code du travail : " L'étranger titulaire du titre de séjour ou du visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois mentionné au 7° de l'article R. 5221-3 portant la mention étudiant est autorisé à exercer une activité salariée, à titre accessoire, dans la limite d'une durée annuelle de travail égale à 964 heures. La carte ainsi délivrée donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle ". Enfin, aux termes de l'article 8 de la loi du 17 juin 2020, " Jusqu'à la date de reprise effective des cours dans les universités et les établissements d'enseignement supérieur, l'étranger présent en France à la date du 16 mars 2020 et titulaire de la carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " prévue à l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est autorisé, de manière dérogatoire, à exercer une activité professionnelle salariée dans la limite de 80 % de la durée de travail annuelle ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a sollicité le 2 novembre 2021 le renouvellement de son titre de séjour étudiant avant l'expiration de celui-ci pour l'année universitaire 2021/2022 et qu'il a justifié de l'inscription en master 2 en sciences sociales intitulé " pouvoirs identités et cultures dans l'occident moderne et contemporain " diplôme qu'il a obtenu le 28 juillet 2022. Dès lors qu'un étudiant reste inscrit au titre d'une année universitaire jusqu'au 31 août de cette année, le préfet a commis une erreur de fait en refusant la délivrance d'un titre de séjour étudiant à M. A... sur le fondement de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'il ne justifiait d'aucune inscription dans un établissement d'enseignement pour l'année universitaire 2021/2022. Au surplus, le préfet ne pouvait lui opposer le dépassement du seuil de 60 % de la durée annuelle de travail pour la période universitaire 2019/2020 dès lors que l'article 8 de la loi du 17 juin 2020 précité prévoyait par dérogation de porter ce plafond annuel de 60 % à 80 %. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy du 1er décembre 2022 et de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 29 août 2022.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué ci-dessus retenu et alors qu'il résulte de l'instruction que M. A... n'entend pas poursuivre ses études, le présent arrêt implique nécessairement que l'autorité administrative régularise la situation de M. A... au titre de l'année universitaire 2021/2022, en tire toutes les conséquences de droit et procède à une nouvelle instruction de sa demande de séjour au regard de l'évolution de la situation de l'intéressé. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Lemonnier, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lemonnier de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2202711 du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Nancy et l'arrêté en date du 29 août 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. A... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et en fixant son pays de destination sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Lemonnier avocat de M. A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Lemonnier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Lemonnier et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 22NC03222


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC03222
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : LEMONNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;22nc03222 ?
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