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21/12/2023 | FRANCE | N°22LY03262

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 21 décembre 2023, 22LY03262


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 mai 2022 par lequel le préfet de la Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2203730 du 10 octobre 2022, le tribunal a fait droit à cette demande.





Procédure devant la cour



Par une requête enregistr

e le 10 novembre 2022, le préfet de la Savoie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 mai 2022 par lequel le préfet de la Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2203730 du 10 octobre 2022, le tribunal a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 novembre 2022, le préfet de la Savoie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. A... dirigée contre cet arrêté.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que son arrêté était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 19 avril 2023, M. A..., représenté par Me Besson, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 400 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête d'appel du préfet de la Savoie est irrecevable, pour forclusion et pour défaut de motivation ;

- les moyens soulevés par le préfet de la Savoie ne sont pas fondés ;

- l'arrêté contesté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, au regard des articles L. 435-1 et L. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute de saisine de la commission du titre de séjour.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Chassagne, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant de l'Union des Comores, né le 10 avril 1980 à Mitsoudje Hambou, déclare être entré régulièrement sur le territoire français pour la dernière fois le 3 octobre 2010. Il a demandé le 8 octobre 2019 un titre de séjour au préfet de la Savoie, sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui, par un arrêté du 31 mai 2022, lui a opposé un refus, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Savoie relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble qui a, sur demande de M. A..., annulé cet arrêté.

Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée ". Il ressort du dossier de première instance que le jugement attaqué, rendu le 10 octobre 2022, a été notifié le lendemain au préfet de la Savoie, par le biais de l'application dite " télérecours ". Dès lors, la requête, enregistrée au greffe de la cour le 10 novembre 2022, dans le délai de recours prévu par les dispositions précitées, n'est pas irrecevable pour tardiveté, contrairement à ce que soutient M. A....

3. En second lieu, la requête d'appel du préfet de la Savoie contient une critique du jugement attaqué et en particulier du motif d'annulation retenu par les premiers juges. La requête est ainsi motivée au regard des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par M. A... et tirée du défaut de motivation de la requête ne peut être retenue.

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

4. M. A... se prévaut de sa maîtrise du français, de sa présence sur le territoire français depuis douze années, de ce qu'il a travaillé et est aujourd'hui titulaire d'un contrat à durée indéterminée depuis le 9 juin 2018, mais également qu'il est père d'un enfant français dont il cherche à contribuer à l'éducation et l'entretien, et qu'il a une relation stable depuis 2016 avec une compatriote née à Mayotte titulaire d'un titre de séjour. Toutefois, et alors que M. A... ne produit pas d'éléments suffisamment circonstanciés de nature à démontrer qu'il aurait effectivement résidé en France durant les années 2012 à 2015, il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement prise le 19 mai 2011 par le préfet du Rhône et d'un refus de séjour du préfet de la Savoie le 18 septembre 2018. En outre, par un jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 26 septembre 2011 une peine d'interdiction du territoire français a été prononcée à son encontre, sans que l'intéressé puisse utilement faire valoir que ce jugement ne lui aurait pas été notifié. Par ailleurs, s'il est père d'un enfant français né le 3 avril 2013, il ne démontre pas entretenir une relation avec cet enfant, en se bornant à produire une attestation d'assurance scolaire au nom de ce dernier, au demeurant postérieure à la décision en litige, ainsi qu'un mandat d'un montant de quarante euros adressé à la mère de cet enfant le 23 août 2017, et sans démontrer que cette dernière ferait obstacle à ce qu'il s'en occupe. En outre, si M. A... réside avec une compatriote depuis l'année 2016, avec laquelle il serait marié religieusement, et qui vit régulièrement en France sous couvert d'un titre de séjour pluriannuel valable jusqu'au 23 août 2023, il n'apparaît pas que la cellule familiale ne pourrait se reconstruire aux Comores, où l'intéressé a vécu jusqu'à l'âge de trente ans. S'il fait état de la présence d'une sœur et d'une nièce en France, ses deux frères et l'un de ses enfants vivent aux Comores. De plus, M. A... n'établit pas faire preuve d'une insertion, sur le plan personnel, d'une particulière intensité sur le territoire français, en produisant quelques attestations émanant de collègues, ou de connaissances, faisant état de sa participation à des activités associatives. Enfin, si l'intéressé est titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis le 28 mai 2018 avec une entreprise produisant des œufs, après un contrat à durée déterminée de huit mois, et justifie la continuité de sa relation de travail en qualité d'opérateur de production depuis, cette seule circonstance ne suffit pas, en l'espèce, au regard des autres éléments dont M. A... a fait état et qui ont été rappelés ci-dessus, à établir que le refus de titre de séjour serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle. C'est, par suite, à tort, que les premiers juges se sont fondés sur un tel motif pour annuler l'arrêté contesté.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif et la cour.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

6. En premier lieu, en admettant même que M. A... ait entendu critiquer la décision de refus de séjour en litige faute pour le préfet de lui avoir remis un récépissé durant l'instruction de sa demande, cette circonstance serait, en toute hypothèse, sans incidence sur la légalité du refus de séjour.

7. En deuxième lieu, par un arrêté du 25 février 2022, visé dans l'arrêté en litige, publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour et produit en défense, le préfet de la Savoie a donné délégation de signature à Mme C..., directrice de la direction de la citoyenneté et de la légalité de la préfecture, pour signer les décisions relatives à la police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire du refus de séjour en litige doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / (...) ".

9. Si M. A... soutient que l'arrêté contesté a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, au regard des articles L. 435-1 et L. 432-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute de saisine de la commission du titre de séjour, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été précédemment dit, qu'il justifierait résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision contestée, en l'absence de production de tout élément suffisamment circonstancié susceptible de démontrer cette résidence pour les années 2012 à 2015. Le moyen doit par suite être écarté.

10. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés au point 4 du présent arrêt, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour en litige méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En cinquième lieu, M. A... soutient que le refus de séjour en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, alors que l'intéressé se prévaut des mêmes éléments que ceux qui ont été exposés au point 4 du présent arrêt, il n'apparaît pas qu'en estimant que ceux-ci ne constituaient pas des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de ces dispositions, le préfet de la Savoie aurait commis une erreur manifeste d'appréciation. Le moyen ne peut être retenu.

12. En sixième lieu, si la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comporte des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation des étrangers en situation irrégulière, toutefois, les intéressés ne peuvent faire valoir aucun droit au bénéfice de ces mesures de faveur et ne peuvent donc utilement se prévaloir de telles orientations à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre une décision préfectorale refusant de régulariser leur situation par la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, en toute hypothèse, M. A... ne saurait utilement soutenir qu'il est fondé à se prévaloir des énonciations de la circulaire de 2012 relativement aux dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen ne peut qu'être écarté.

13. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, les décisions portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ne sont pas illégales par voie de conséquence de l'illégalité de la décision refusant un titre de séjour.

14. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 31 mai 2022. La demande de M. A... présentée devant ce tribunal et ses conclusions présentées devant la cour doivent, dans leur ensemble, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2203730 du 10 octobre 2022 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions présentées devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement ;

M. Chassagne, premier conseiller ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

J. Chassagne

La présidente de la formation de jugement,

A. Duguit-Larcher La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière

2

N° 22LY03262

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03262
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme DUGUIT-LARCHER
Rapporteur ?: M. Julien CHASSAGNE
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : BESSON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;22ly03262 ?
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