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21/12/2023 | FRANCE | N°22LY02260

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 21 décembre 2023, 22LY02260


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



L'association " Un certain regard sur Montluçon ", l'association France Nature Environnement Allier et la fédération de la région Auvergne pour la nature et l'environnement ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2019 par lequel le maire de Montluçon (Allier) a délivré à la commune un permis d'aménager pour la création d'un parking de 516 places sur un terrain d'une superficie de 19 854 m² situé 36 avenue de l'Europe, ainsi que

la décision implicite de rejet de leur recours gracieux présenté le 6 mars 2019 contre c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association " Un certain regard sur Montluçon ", l'association France Nature Environnement Allier et la fédération de la région Auvergne pour la nature et l'environnement ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2019 par lequel le maire de Montluçon (Allier) a délivré à la commune un permis d'aménager pour la création d'un parking de 516 places sur un terrain d'une superficie de 19 854 m² situé 36 avenue de l'Europe, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux présenté le 6 mars 2019 contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1901352 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2022, l'association " Un certain regard sur Montluçon ", l'association France Nature Environnement Allier et la fédération de la région Auvergne pour la nature et l'environnement, représentés par Me Maisonneuve, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 18 mai 2022 ; 2°) d'annuler les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Montluçon, une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- elles justifient chacune d'un intérêt à agir ;

- le tribunal a omis de statuer sur la branche du moyen concernant la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et tirée de ce que le permis en litige n'est pas assorti de prescription sur le risque d'inondation ;

- l'attestation prévue par l'article R. 441-8-3 du code de l'urbanisme repose sur des données incomplètes entraînant la méconnaissance par le projet litigieux des dispositions de cet article ;

- les études effectuées sur la parcelle AD 417 sont totalement insuffisantes voire inexistantes, alors même que cette parcelle représente la surface la plus importante de l'assiette du projet ; les nouveaux sondages réalisés en 2020 concernent seulement la recherche d'hydrocarbures ; les différentes préconisations montrent bien l'ampleur de la pollution sur le site ; enfin, compte tenu du caractère insuffisant de l'étude, il est permis de douter de sa sincérité quant à sa conclusion sur l'état du site ; dans ces conditions les décisions en litige ont été prises en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire enregistré, le 15 février 2023, la commune de Montluçon, représentée par Me Cabanes, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérantes une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête ne contient aucun moyen d'appel ;

- les requérantes ne justifient d'aucun intérêt à agir ;

- le permis a été signé par une autorité compétente ;

- le pétitionnaire était habilité à solliciter le permis ;

- alors que les dispositions de l'article R 441-8-3 du code de l'urbanisme ne lui étaient pas applicables, l'attestation qui a lui a été délivrée respecte en tout état de cause, les dispositions de cet article ;

- le projet respecte les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente assesseure ;

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

- les observations de Me Goutille, représentant l'association " Un certain regard sur Montluçon ", l'association France Nature Environnement Allier et la fédération de la région Auvergne pour la nature et l'environnement et, de Me Michaud, , représentant la commune de Montluçon ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 10 octobre 2018, la commune de Montluçon a déposé une demande de permis d'aménager en vue de la construction d'un parc de stationnement de 516 places destiné à desservir un complexe cinématographique composé de douze salles et 1 614 fauteuils, une salle polyvalente et des commerces de restauration, dont la construction a été autorisée par un arrêté du 12 juillet 2016 du maire de Montluçon. Le permis d'aménager sollicité a été accordé le 9 janvier 2019. L'association " Un certain regard sur Montluçon ", l'association France Nature Environnement Allier et la fédération de la région Auvergne pour la Nature et l'Environnement ont, par un courrier du 6 mars 2019, présenté un recours gracieux contre cet arrêté qui a été implicitement rejeté. Elles relèvent appel jugement du 18 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des termes du jugement attaqué qu'alors que les associations soutenaient que le permis en litige n'était pas assorti de prescription relative au risque d'inondation, les premiers juges ont omis de statuer sur cette branche du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R.111-2 du code de l'urbanisme, qui n'était pas inopérant. Par suite, les requérantes sont fondées à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé.

3. Il y a lieu par suite d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les associations requérantes devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Sur les moyens soulevés par les associations requérantes en première instance et en appel :

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 20 décembre 2017, le maire de Montluçon a donné délégation de fonctions à M. B... A..., 2ème adjoint, en matière " d'aménagement urbain pour gérer toutes décisions relatives à l'occupation et à l'utilisation du sol régie par le code de l'urbanisme ", comprenant notamment l'instruction et la signature des permis d'aménager. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 441-1 du code de l'urbanisme, la demande de permis d'aménager comporte " (...) l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis (...) ". Aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir (...) sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ". Selon le dernier alinéa de l'article R. 431-5 du même code : " La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ".

6. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire et qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme. Les autorisations d'utilisation du sol étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Les tiers ne sauraient donc utilement faire grief à l'administration de ne pas en avoir vérifié l'exactitude. Il en va autrement lorsque l'autorité compétente vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer. Dans ce cas, il lui revient de rejeter la demande de permis pour ce motif.

7. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis d'aménager déposée le 10 octobre 2018, par la commune de Montluçon, représentée par son maire, comprend le formulaire Cerfa signé par le pétitionnaire qui constitue l'attestation prévue par les dispositions précitées, lesquelles n'imposent pas que cette attestation précise la qualité en vertu de laquelle le pétitionnaire dépose cette demande. La circonstance que certaines parties du terrain d'assiette n'appartenaient pas à la commune à la date de délivrance du permis en litige, mais à la communauté d'agglomération Montluçon-Communauté et à la société Engie est sans incidence sur l'application de ces dispositions en vertu desquelles le dossier de déclaration préalable peut, comme en l'espèce, être adressé par une personne attestant être autorisée par le propriétaire à exécuter les travaux. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 4 octobre 2018, la société Engie a autorisé la commune de Montluçon, à procéder à la demande de permis d'aménager la parcelle AD n° 429 dont elle est propriétaire et que la commune est devenue propriétaire des parcelles de terrain appartenant à la communauté d'agglomération Montluçon-Communauté, le 23 décembre 2020, avant le dépôt de la demande de permis d'aménager modificatif, ainsi que l'établit l'attestation notariale produite à l'instance. Dans ces conditions, et alors que les requérantes ne se prévalent pas de l'existence d'une fraude sur ce point, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 441-8-3 du code de l'urbanisme, relatif au dossier de demande de permis d'aménager : " Lorsque les travaux projetés sont situés sur un terrain ayant accueilli une installation classée mise à l'arrêt définitif, dans le cas prévu par l'article L. 556-1 du code de l'environnement, la demande de permis d'aménager est complétée par un document établi par un bureau d'études certifié dans le domaine des sites et sols pollués, ou équivalent, attestant que les mesures de gestion de la pollution au regard du nouvel usage du terrain ont été prises en compte dans la conception du projet. / Cette pièce est fournie sous l'entière responsabilité du demandeur. ". Aux termes de l'article L. 556-l du code de 1'environnement : " Sans préjudice des articles L. 512-6-1, L. 512-7-6 et L. 512-12-1, sur les terrains ayant accueilli une installation classée mise à l'arrêt définitif et régulièrement réhabilitée pour permettre l'usage défini dans les conditions prévues par ces mêmes articles, lorsqu'un usage différent est ultérieurement envisagé, le maître d'ouvrage à l'initiative du changement d'usage doit définir des mesures de gestion de la pollution des sols et les mettre en œuvre afin d'assurer la compatibilité entre l'état des sols et la protection de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques, l'agriculture et l'environnement au regard du nouvel usage projeté. Ces mesures de gestion de la pollution sont définies en tenant compte de l'efficacité des techniques de réhabilitation dans des conditions économiquement acceptables ainsi que du bilan des coûts, des inconvénients et avantages des mesures envisagées. Le maître d'ouvrage à l'initiative du changement d'usage fait attester de cette prise en compte par un bureau d'études certifié dans le domaine des sites et sols pollués, conformément à une norme définie par arrêté du ministre chargé de l'environnement, ou équivalent. Le cas échéant, cette attestation est jointe au dossier de demande de permis de construire ou d'aménager. (..) ".

9. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

10. Par ailleurs, lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Il peut, de même, être régularisé par un permis modificatif si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par le permis initial a été entretemps modifiée. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

11. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet a été occupé, dans sa partie est, par des fours à chaux et une chaudronnerie, installés en 1850 et dont l'activité soumise au régime de la déclaration au titre des installations classées pour la protection de l'environnement, a cessé en 1965. Dans sa partie ouest, le terrain d'assiette du projet a été occupé par une usine à gaz, installée en 1856 et dont l'activité est soumise à autorisation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement. Il apparaît que la demande de permis d'aménager, déposée le 10 octobre 2018, ne contenait pas le document prescrit par l'article R. 4418-3 du code de l'urbanisme attestant de la prise en compte, dans la conception du projet, de mesures de gestion de la pollution des sols. Toutefois, le 4 mars 2021, la commune de Montluçon a déposé une demande de permis modificatif en produisant une étude de pollution réalisée en septembre 2020 par la société Safege-Suez Consulting ainsi qu'un rapport établi le 18 novembre 2020 par le bureau d'études Améten comprenant l'attestation prévue par l'article R. 441-8-3 précité du code de l'urbanisme. Cette attestation conclut que les mesures de gestion de la pollution au regard du nouvel usage du terrain ont été prises en compte dans la conception du projet. Ces mesures de gestion de la pollution sont reprises par le permis d'aménager modificatif délivré à la commune de Montluçon, le 8 avril 2021 qui a ainsi en tout état de cause, été de nature à régulariser l'irrégularité qui a pu entacher le permis initial, résultant de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 441-8-3 du code de l'urbanisme. Dès lors, le moyen tiré de l'incomplétude du dossier ne peut être utilement invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre le permis initial du 9 janvier 2019.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

13. Le projet en litige porte sur la création d'une aire de stationnement au droit des parcelles cadastrées section AD 170p, 171, 172, 173p, 174p, 278p, 417p, 425p, 429p, 430, 439, 524, 527 sur le territoire de la commune de Montluçon.

14. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet se situe dans sa partie est, sur un ancien site industriel qui a accueilli des fours à chaux et une chaudronnerie, en activité de 1850 à 1965, inscrits sur la base de données des anciens sites industriels et activités de services (BASIAS), et sur sa partie ouest, sur le site d'une ancienne usine à gaz, répertoriées dans la base de données Basol du ministère chargé de l'environnement. Entre 1994 et 2000, les terrains d'assiette de ces sites industriels ont fait l'objet de plusieurs études et de diagnostics qui ont porté sur les sols et les eaux souterraines.

15. En ce qui concerne la partie ouest du projet, ces études ont permis de relever la présence notamment sur la parcelle AD 429 de cyanures et d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Toutefois, les études réalisées indiquent que la zone a fait l'objet de travaux de réhabilitation permettant de la rendre compatible avec un usage de type industriel ou tertiaire. A ce titre, la fiche " Basol " établie en 2016 précise que les cuves enterrées contenant des goudrons et des eaux amoniacales ont été vidangées et que leur contenu a été évacué vers des centres de traitement spécialisés et indique que le site a été traité et est compatible avec un usage de type industriel ou tertiaire. Il ressort ainsi du rapport de fin de travaux établi le 9 novembre 2018 par le bureau d'études Golder Associates, spécialement réalisé dans le cadre du projet de cession de la parcelle AD 429b à la Mairie de Montluçon en vue de la " conservation d'un usage tertiaire / industriel avec bâtiment(s) et d'un parking " que des travaux de réhabilitation des sols ont été réalisés au droit du site afin de les rendre compatibles au projet d'aménagement de parking et de bâtiments tertiaires. Il ressort également de ce rapport qu'une campagne de prélèvement des gaz du sol a été réalisée en 2017 au droit de l'ensemble de la parcelle concernée, qui a permis de conclure, en l'absence de risques sanitaires inacceptables pour les futurs usagers du site, que le terrain était compatible avec un aménagement industriel ou tertiaire et que les mesures de gestion préconisées devaient permettre la conservation de l'isolation de la surface (terre végétale au droit des espaces verts, enrobé au droit des voiries), l'interdiction d'usage des eaux souterraines au droit du site, l'interdiction de cultiver des végétaux comestibles ou dont les fruits seraient comestibles et l'interdiction d'élever des animaux comestibles.

16. En ce qui concerne la partie est du projet ayant accueilli des fours à chaux et une chaudronnerie, des études de sols ont été menées en 2012, par le bureau d'études Biobasic Environnement et en 2015, 2016 et 2020, par la société Safege, le dernier rapport, établi le 2 septembre 2020 par Suez Consulting portant sur le diagnostic approfondi de pollution des sols concernés. Si les requérantes soutiennent que le risque de pollution de la parcelle AD 417 , qui constitue la parcelle la plus importante du projet, a été insuffisamment évalué, il ressort des pièces du dossier que le diagnostic réalisé en 2012 par le bureau d'études Biobasic Environnement a porté sur cette parcelle et qu'en 2020, dans le cadre du diagnostic approfondi de pollution réalisé par Suez Consulting, ce terrain a fait l'objet d'un sondage piézométrique air et de trois sondages piézométriques eau. Contrairement à ce que prétendent les requérantes, il n'apparaît pas que ces sondages qui ont été réalisés au droit de cette parcelle et selon le référentiel méthodologique en vigueur, ne seraient pas significatifs de l'état de pollution du reste du terrain et que d'autres forages auraient été nécessaires, notamment au regard des emplacements potentiels de pollution. De même, il ressort du rapport Suez Consulting que les investigations n'ont pas uniquement porté sur la présence d'hydrocarbures qui ont été relevées à l'état de traces, mais également sur la présence d'autres polluants et notamment d'éléments métalliques dont l'anomalie a été soulignée. Au demeurant, ce même rapport souligne l'absence de risque sanitaire liée à ces éléments, dès lors que la zone sera recouverte d'un revêtement dans le cadre du projet d'aménagement.

17. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la note de présentation de la demande de permis d'aménager modifiée, réalisée sur la base de ces différents rapports de prélèvements, diagnostics et études et en particulier des préconisations du rapport de synthèse réalisé par Suez Consulting et le bureau d'études Amétem en novembre 2020, que le pétitionnaire a défini des mesures de gestion de la pollution fondées sur l'interdiction de l'usage des eaux souterraines au droit du projet, le traitement de ces eaux avant rejet, en cas de pompage au cours des travaux de terrassement, l'interdiction de cultiver des végétaux et d'élever des animaux comestibles, l'interdiction de mettre en place l'infiltration des eaux pluviales, le recouvrement de l'ensemble des parcelles de 30 cm de terres végétales saines, la protection des réseaux enterrés sensibles par des matériaux sains, la recaractérisation des terres excavées avant évacuation en filière agréée, la mise en œuvre de préconisations spécifiques de gestion de chantier, en vue de la protection des travailleurs lors des travaux de terrassement réalisés sur des terres polluées. Le projet prévoit également le confinement des terres par couches d'enrobé et sous-couches, permettant ainsi de réduire les risques de pollution. Les requérantes n'apportent aucun élément permettant d'établir que les éléments d'engagement pris par le maître d'ouvrage dans la mise en place des mesures de gestion de la pollution au cours des travaux d'aménagement ne seraient pas suffisants pour prévenir le risque d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait du risque de pollution du sol du terrain d'assiette du projet. Elles n'apportent pas plus d'éléments permettant de douter que le pétitionnaire ne respecterait pas ces éléments d'engagements et que le permis litigieux aurait dû contenir des prescriptions en ce sens.

18. Par ailleurs, si les requérantes font valoir que le conseil communautaire de Montluçon communauté a abandonné son projet d'installer une médiathèque sur les parcelles voisinant au sud le terrain d'assiette du projet d'aménagement en raison de la pollution des sols, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Enfin, s'agissant du risque d'inondation, il ressort des pièces du dossier et notamment du plan de prévention des risques d'inondation applicable de Montluçon que le terrain d'assiette du projet se situe dans une zone d'aléa faible du risque d'inondation et que les travaux prévoient la réalisation d'une couche d'enrobé et de sous-couches destinée notamment à l'imperméabilisation du site.

19. Il résulte de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le maire du Montluçon a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application des pouvoirs qu'il tient de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme s'agissant des risques liés à la pollution des sols du terrain d'assiette du projet, et des risques d'inondation.

20. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, l'association " Un certain regard sur Montluçon ", l'association France Nature Environnement Allier et la fédération de la région Auvergne pour la Nature et l'Environnement ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du 9 janvier 2019 par lequel le maire de Montluçon a délivré à la commune le permis d'aménager en litige ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux présenté le 6 mars 2019 contre cet arrêté.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que les requérantes demandent sur leur fondement soit mise à la charge de la commune de Montluçon, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

22. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de chacune des requérantes une somme de 500 euros à verser à la commune de Montluçon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1901352 du 18 mai 2022 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : La demande de l'association " Un certain regard sur Montluçon ", de l'association France Nature Environnement Allier et de la fédération de la région Auvergne pour la Nature et l'Environnement présentée devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : L'association " Un certain regard sur Montluçon ", l'association France Nature Environnement Allier et la fédération de la région Auvergne pour la Nature et l'Environnement verseront chacune, une somme de 500 euros à la commune de Montluçon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Un certain regard sur Montluçon ", de l'association France Nature Environnement Allier et à la fédération de la région Auvergne pour la Nature et l'Environnement et à la commune de Montluçon.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

P. DècheLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique de la cohésion des territoires en ce qui les concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02260

KC


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02260
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : TEILLOT & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;22ly02260 ?
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