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21/12/2023 | FRANCE | N°22LY02165

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 21 décembre 2023, 22LY02165


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 94 056 euros en réparation du préjudice moral dont elle a été victime.



Par un jugement n° 1901313 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2022, Mme B..., représentée par Me

Benages, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 juin 2022 et faire droit à sa demande de premièr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 94 056 euros en réparation du préjudice moral dont elle a été victime.

Par un jugement n° 1901313 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2022, Mme B..., représentée par Me Benages, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 juin 2022 et faire droit à sa demande de première instance ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Clermont-Ferrand la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le point de départ du délai de prescription de la créance indemnitaire qu'elle détient sur le centre hospitalier n'a commencé à courir que le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les infirmités en lien avec ce dommage ont été consolidées ; celles-ci n'étaient pas consolidées en 2018 de sorte que sa réclamation préalable du 27 mars 2019 n'était pas tardive et sa créance n'était pas prescrite ;

- elle a été victime de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 à l'origine d'un préjudice physique et moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2023, le centre hospitalier de Clermont-Ferrand, représenté par Me Leleu, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'appelante la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la créance dont se prévaut Mme B... est prescrite ;

- et le harcèlement moral évoqué n'est pas caractérisé.

Une ordonnance du 4 septembre 2023 a fixé la clôture de l'instruction au 5 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été titularisée le 1er juillet 2004 en qualité d'adjoint administratif hospitalier au sein du centre hospitalier de Clermont-Ferrand. Elle a été placée en congés de longue durée imputable au service à compter du 1er juillet 2010 jusqu'au 30 juin 2018, date à laquelle elle a été placée en disponibilité d'office pour raison de santé jusqu'au 16 novembre 2018. Elle a été admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité le 17 novembre 2018 sans avoir pu reprendre le service. Par un courrier du 27 mars 2019, elle a sollicité auprès du centre hospitalier l'indemnisation des préjudices qu'elle dit avoir subis en raison du harcèlement moral dont elle a fait l'objet. Cette demande a été rejetée le 15 mai 2019 par le directeur du centre hospitalier. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Clermont-Ferrand à lui régler la somme de 94 056 euros en raison des préjudices subis.

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...). ".

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement et il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

4. Mme B... soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de la part d'un praticien hospitalier travaillant au sein du service de chirurgie vasculaire où elle a été affectée entre janvier 2009 et juin 2009 en qualité de secrétaire médicale avant d'être affectée jusqu'en juin 2010 au service ORL et impute l'interruption de sa carrière et son échec au concours de secrétaire médicale de catégorie B à ces faits. Elle évoque à ce titre une série de trois évènements ayant eu lieu en 2008 et 2009 durant lesquels ce praticien aurait violemment jeté sur son bureau un document d'arrêt de travail pour un patient qu'elle avait prérempli, lui aurait " hurlé " dessus alors qu'elle souhaitait entrer dans son bureau accompagnée d'un autre agent et se serait emporté à son égard car elle refusait, sur ordre de sa hiérarchie, de lui faire signer des documents afférents à son activité libérale. Toutefois, il résulte de l'instruction que hormis les mentions portées dans le procès-verbal d'audition de Mme B... par les services de gendarmerie le 11 septembre 2018 et relatant ces mêmes évènements, tels que présentés par l'intéressée, aucun élément versé au dossier ne permet de corroborer l'ensemble des faits allégués par la requérante. L'attestation d'une collègue de travail qu'elle produit témoigne uniquement de la dégradation effective de son état de santé entre janvier et juin 2009 sans mentionner de faits en particulier et le compte-rendu d'expertise médicale du 30 juillet 2018 figurant au dossier se borne à indiquer que Mme B... présente depuis 2010 une névrose post-traumatique qu'elle impute à cette expérience professionnelle traumatisante. En outre, les faits répétés d'agressivité et de dénigrement à son encontre, évoqués de façon plus générale par l'intéressée dans ses écritures, de la part du même médecin sont évoqués sans davantage de précisions. Enfin, la circonstance que le centre hospitalier ait pu, par une décision du 21 novembre 2011, attribuer à Mme B... un congé de longue durée imputable au service à compter du 1er juillet 2010 ne saurait par elle-même démontrer l'existence de faits de harcèlement moral à son encontre. Dans ces conditions, en l'absence d'éléments précis et concordants de nature à faire présumer de l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral perpétrés à son encontre, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de prescription quadriennale opposée en défense, que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Clermont-Ferrand, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à Mme B... la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'appelante une somme au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Clermont-Ferrand tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier de Clermont-Ferrand.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, présidente assesseure,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

V. Rémy-NérisLe président,

F. Bourrachot

La greffière,

A-C. Ponnelle

La République mande et ordonne au ministre de la transformation et la fonction publiques en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 22LY02165

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02165
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : BENAGES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;22ly02165 ?
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