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21/12/2023 | FRANCE | N°22LY02052

France | France, Cour administrative d'appel, 7ème chambre, 21 décembre 2023, 22LY02052


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2021 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé la destination d'éloignement en cas de non-respect de ce délai de départ volontaire.



Par un jugement n° 2108127 du 21 décembre 2021, le tribunal a rejeté sa requête.

Procédure de

vant la cour

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Petit, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2021 par lequel le préfet du Rhône lui a refusé un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé la destination d'éloignement en cas de non-respect de ce délai de départ volontaire.

Par un jugement n° 2108127 du 21 décembre 2021, le tribunal a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Petit, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et l'arrêté du 30 septembre 2021 ;

2°) en cas d'annulation du refus de titre de séjour, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ; et à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

3°) en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ou de la décision fixant le pays de destination, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travail dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 300 euros hors taxes au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de séjour est entachée d'un vice de procédure en l'absence de délibération du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ; l'identité des signataires de l'avis n'est pas garantie par l'apposition de signatures sous forme de fac-similés ; elle est entachée d'une insuffisante motivation et d'une absence d'examen particulier ; le préfet s'est senti lié par l'avis émis par l'OFII ; dès lors qu'elle avait remis à la préfecture des éléments relatifs à son activité professionnelle, le préfet devait se prononcer sur une demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français.

La requête de Mme A... a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;

- et les observations de Me Petit pour Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 25 octobre 1998, déclare être entrée irrégulièrement en France le 31 janvier 2017. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 décembre 2021 qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2021 du préfet du Rhône lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et fixant son pays de destination.

Sur le refus de séjour :

2. L'arrêté attaqué expose de façon circonstanciée et suffisamment précise les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit, dès lors, être écarté.

3. Il ne ressort ni de cet arrêté ni d'aucune pièce du dossier que le préfet, qui n'était pas tenu de mentionner les éléments relatifs à la situation professionnelle de l'intéressée, s'est abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de Mme A..., notamment au regard des éléments relatifs à sa santé.

4. Il résulte des énonciations mêmes de l'arrêté litigieux que le préfet du Rhône ne s'est pas placé, au regard de l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), en situation de compétence liée pour refuser de délivrer à Mme A... un titre de séjour.

5. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date de l'arrêté en litige : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé ". L'article R. 425-13 de ce code dispose que : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. (...) ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé du demandeur nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

6. Les dispositions précitées, issues de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France et de ses textes d'application, ont modifié l'état du droit antérieur pour instituer une procédure particulière aux termes de laquelle le préfet statue sur la demande de titre de séjour présentée par l'étranger malade au vu de l'avis rendu par trois médecins du service médical de l'OFII, qui se prononcent en répondant par l'affirmative ou par la négative aux questions figurant à l'article 6 précité de l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu d'un rapport médical relatif à l'état de santé du demandeur établi par un autre médecin de l'Office, lequel peut le convoquer pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Cet avis commun, rendu par trois médecins et non plus un seul, au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite si, dans certains cas, ces réponses ne font pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, une telle circonstance reste sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis.

7. Même en admettant que l'avis rendu le 19 octobre 2020 n'ait fait l'objet d'aucune délibération collégiale des trois médecins du service médical de l'OFII, une telle circonstance demeure sans effet sur la régularité de la décision préfectorale. Par ailleurs, rien ne permet de dire que les trois médecins qui ont rendu cet avis, dont l'identité est précisée, n'en seraient pas les auteurs et ne l'auraient pas signé, quand bien même les signatures figurant sur l'avis ne seraient que des fac-similés. Par suite, et sans qu'il soit besoin de solliciter la communication des extraits du logiciel de traitement informatique Themis, aucune irrégularité dans les conditions de consultation du collège de médecins de l'OFII ne saurait être retenue.

8. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII allant dans le sens de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour. Il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

9. Pour contester la décision de refus de titre de séjour en litige, l'intéressée se borne à faire valoir qu'il appartient au préfet d'établir que son traitement est désormais disponible en République démocratique du Congo. Toutefois, elle n'apporte aucun élément pour remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII, qui a conclu que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sur la disponibilité des soins en République démocratique du Congo. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le refus de séjour en litige serait intervenu en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Le moyen tiré de l'absence d'examen de sa demande d'admission au séjour au titre du travail tant en qualité de salariée que sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté par adoption des motifs des premiers juges.

11. Dès lors que Mme A... n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet n'a pas examiné dans la décision litigieuse la possibilité de délivrer un titre de séjour sur ce fondement, Mme A... ne peut utilement faire valoir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne régularisant pas sa situation sur le fondement de ces dispositions.

12. Pour le surplus, Mme A... soulève les mêmes moyens que ceux déjà soulevés en première instance, tiré de ce que la décision en litige méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

15. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12.

Sur la décision fixant le pays de destination :

16. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision refusant un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

17. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée dans toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Duguit-Larcher, présidente de la formation de jugement,

M. Chassagne, premier conseiller ;

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023 ;

La rapporteure,

C. DjebiriLa présidente de la formation de jugement,

A. Duguit-Larcher

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY02052

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY02052
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme DUGUIT-LARCHER
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;22ly02052 ?
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