Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015, 2016 et 2017 pour un total de 43 617 euros.
Par un jugement n°2006735 du 12 avril 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 juin 2022 et 16 mai 2023, M. A..., représenté par Me Baroche, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et lui accorder la décharge sollicitée ;
2°) de lui accorder le remboursement des sommes acquittées au titre de ces impositions assorties des intérêts moratoires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'absence de salarié n'est pas un critère déterminant pour qualifier une activité en zone franche urbaine, ce que l'administration reconnait elle-même ;
- l'EURL SR24 exerce effectivement son activité en zone franche urbaine et remplit les conditions pour bénéficier du régime d'exonération prévu à l'article 44 octies A du code général des impôts ; elle avait obtenu à ce titre un rescrit le 29 août 2012 confirmant son éligibilité à ce régime d'exonération ;
- la majoration de 40% qui lui a été appliquée est injustifiée, dès lors qu'il s'est conformé aux déclarations figurant dans sa demande de rescrit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 22 mai 2023 a fixé la clôture de l'instruction au 23 juin 2023.
Par un courrier du 7 novembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office tirés de l'incompétence du juge administratif pour statuer sur les contributions et prélèvements sociaux qui portent sur des revenus d'activité et non des revenus du patrimoine et sur l'erreur de base légale s'agissant du rattachement catégoriel des revenus de M. A..., agent commercial, qui relèvent de la catégorie des bénéfices non commerciaux et non des bénéfices industriels et commerciaux.
Un mémoire a été présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique le 10 novembre 2023 en réponse au moyen soulevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL SR24, dont l'associé unique est M. A... exerçant une activité d'agent commercial dans la vente de tissu en gros, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a notamment remis en cause au titre des trois exercices vérifiés le bénéfice du régime d'exonération prévu par les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts en faveur des contribuables exerçant une activité en zone franche urbaine. Elle a en conséquence procédé à un rehaussement de ses bénéfices. La société étant soumise au régime fiscal des sociétés de personnes prévu à l'article 8 du code général des impôts, les rehaussements opérés ont été imposés, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, au titre de l'impôt sur le revenu de M. A.... Ce dernier relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti pour chacune des années vérifiées en conséquence de ce contrôle.
Sur les conclusions en décharge et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. (...). " Aux termes de l'article 92 du même code : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. (...) "
3. Aux termes de l'article 44 octies A du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " I.- Les contribuables qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2014, créent des activités dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n°95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, (...) sont exonérés d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices provenant des activités implantées dans la zone (...) jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début de leur activité dans l'une de ces zones. (...) / Lorsque l'activité non sédentaire d'un contribuable est implantée dans une zone franche urbaine-territoire entrepreneur mais est exercée en tout ou partie en dehors d'une telle zone, l'exonération s'applique si ce contribuable emploie au moins un salarié sédentaire à temps plein ou équivalent, exerçant ses fonctions dans les locaux affectés à l'activité, ou si ce contribuable réalise au moins 25 % de son chiffre d'affaires auprès de clients situés dans les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs. / II.- L'exonération s'applique au bénéfice d'un exercice ou d'une année d'imposition, déclaré selon les modalités prévues aux articles 50-0,53 A, 96 à 100,102 ter et 103 (...) ".
4. Il résulte de l'instruction que M. A... exerce son activité d'agent commercial pour le compte exclusif de la SAS Printland, fabricant de tissus, domiciliée à Villefranche-sur-Saône hors zone franche urbaine. Après avoir estimé que l'activité de l'EURL SR 24 n'était pas exercé effectivement par M. A... en zone franche urbaine, l'administration a remis en cause l'exonération prévue par le I de l'article 44 octies A du code général des impôts sous laquelle il avait entendu se placer au titre de la période en litige et a opéré des rehaussements dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'impôt sur le revenu de M. A.... Toutefois, les revenus de l'activité d'un agent commercial n'étant imposables que dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en vertu du 1 de l'article 92 du code général des impôts, c'est à tort que l'administration, ainsi qu'elle l'admet en défense, a imposé les sommes en cause dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
5. Si l'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, une telle substitution de base légale ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable des garanties de procédure prévues par la loi compte tenu de la base légale substituée. En l'espèce, le ministre demande à la cour de substituer à la base légale erronée du 1 de l'article 38 du code général des impôts les dispositions du 1 de l'article 92 du même code permettant de maintenir l'imposition en litige à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
6. Aux termes de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales : " I.- La commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : (...) 2° Sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles, à l'exception de la qualification des dépenses de recherche mentionnées au II de l'article 244 quater B du code général des impôts (...) II.- Dans les domaines mentionnés au I, la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit.". Aux termes de l'article 1651 du code précité : " La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires est présidée par le président du tribunal administratif, ou par un membre de ce tribunal désigné par lui, ou par un membre de la cour administrative d'appel désigné, à la demande du président du tribunal, par celui de la cour. Elle comprend en outre trois représentants des contribuables et deux représentants de l'administration ayant au moins le grade d'inspecteur départemental. Pour les matières visées aux articles 1651 A et 1651 B, l'un des représentants des contribuables est un expert-comptable. (...) ". Aux termes de l'article 1651 A du même code : " I. - Pour la détermination du bénéfice industriel et commercial, et sous réserve des dispositions du II les représentants des contribuables sont désignés par la chambre de commerce et d'industrie territoriale ou la chambre de métiers et de l'artisanat. (...) Pour la détermination du bénéfice non commercial, les représentants des contribuables sont désignés par l'organisation ou l'organisme professionnel intéressé. / (...) Les représentants des contribuables, autres que l'expert-comptable mentionné à l'article 1651, sont choisis parmi les professionnels de leur catégorie. (...) ".
7. Il résulte des dispositions précitées des articles 1651 et 1651 A du code général des impôts que la composition de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'est pas identique en fonction de la catégorie d'imposition des bénéfices dont relève le désaccord et qu'à ce titre les représentants du contribuable sont, pour la détermination du bénéfice industriel et commercial, désignés par la chambre de commerce et d'industrie territoriale ou la chambre de métiers et de l'artisanat alors qu'ils sont désignés par l'organisation ou l'organisme professionnel intéressé pour la détermination du bénéfice non commercial. La régularité de la composition de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et la désignation des représentants du contribuable par l'organisme ou l'organisme professionnel intéressé constituent une garantie pour le contribuable. Par suite, et alors qu'en l'espèce la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du département de Lyon, qui a émis un avis le 26 septembre 2019 sur le différend opposant M. A... et l'administration concernant le régime d'exonération prévu à l'article 44 octies A du code général des impôts, était composée de membres relevant de la composition applicable à la détermination du bénéfice industriel et commercial et non à la détermination du bénéfice non commercial, la substitution de base légale sollicitée par l'administration est de nature à priver le contribuable d'une garantie. Il s'ensuit que la demande de substitution de base légale demandée par le ministre ne peut être admise.
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à solliciter la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l'impôt sur le revenu des années 2015 à 2017 à raison de la remise en cause par l'administration du régime d'exonération de l'article 44 octies A du code général des impôts sous lequel il s'était placé.
9. En revanche, si M. A... sollicite la décharge de l'intégralité des suppléments d'impôt sur les revenus et de prélèvements sociaux mis à sa charge pour les années 2015 à 2017, il ne soulève aucun moyen à l'encontre des rectifications opérées par l'administration au titre des revenus de locations meublées non professionnelles et n'est donc pas fondé à demander la décharge du surplus des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux résultant de ces rectifications.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l'impôt sur le revenu des années 2015 à 2017 à raison de la remise en cause par l'administration du régime d'exonération de l'article 44 octies A du code général des impôts.
Sur les conclusions tendant à la restitution des sommes versées assorties des intérêts moratoires :
11. Aux termes de l'article L. 208 du livre de procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable (...) ". Il résulte de ces dispositions que le présent arrêt accordant la décharge d'une fraction des impositions en litige, le remboursement des sommes correspondantes est de droit. En l'absence de litige né et actuel opposant M. A... au comptable concernant le versement des intérêts moratoires, les conclusions tendant au versement par l'administration de ces intérêts sont prématurées et doivent être rejetées comme irrecevables.
Sur les frais liés au litige :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros à M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : M. A... est déchargé, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015, 2016 et 2017 à raison de la remise en cause par l'administration du régime d'exonération de l'article 44 octies A du code général des impôts.
Article 2 : Le jugement n°2006735 du 12 avril 2022 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.
La rapporteure,
V. Rémy-Néris
Le président,
F. Bourrachot
La greffière,
A-C. Ponnelle
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N°22LY01783