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21/12/2023 | FRANCE | N°22LY01217

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 21 décembre 2023, 22LY01217


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 avril 2021 par lequel le préfet de l'Isère lui a ordonné de se dessaisir de ses armes et munitions et d'enjoindre à cette autorité de le radier du fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA).



Par ordonnance n° 2200761 du 14 février 2022, le président de la 5e chambre du tribunal a rejeté sa demande comme tardive, sur le fondement du 4° d

e l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 avril 2021 par lequel le préfet de l'Isère lui a ordonné de se dessaisir de ses armes et munitions et d'enjoindre à cette autorité de le radier du fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes (FINIADA).

Par ordonnance n° 2200761 du 14 février 2022, le président de la 5e chambre du tribunal a rejeté sa demande comme tardive, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par requête et un mémoire enregistrés le 15 avril 2022 et le 26 août 2022, M. B..., représenté par Me Ramon, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 14 février 2022 ainsi que l'arrêté du 22 avril 2021 du préfet de l'Isère le concernant ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de le radier C... ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ordonnance attaquée a irrégulièrement rejeté sa demande comme tardive, dès lors qu'il a saisi le tribunal dans les deux mois suivant la naissance de la décision implicite rejetant le recours hiérarchique qu'il a présenté conformément aux mentions accompagnant le rejet de son recours gracieux ;

- au fond, pour prendre sa décision, le préfet s'est exclusivement fondé sur la consultation du fichier des antécédents judiciaires (TAJ) en méconnaissance de l'article 10 alinéa 2 de la loi du 6 janvier 1978 ;

- la décision est entachée d'erreur d'appréciation.

Par mémoire enregistré le 21 juillet 2022, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- l'exercice du recours hiérarchique n'a pas conservé les délais de recours contentieux ;

- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 juillet 2022, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction est intervenue le 12 septembre suivant.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, rapporteure,

- et les conclusions de M. Bertrand Savouré, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité de l'ordonnance :

1. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ", tandis qu'aux termes de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception ". Enfin, aux termes de l'article R. 112-5 du même code : " L'accusé de réception (...) indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet (...) l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a reçu, le 17 juin 2021, notification de l'arrêté en litige, lequel mentionnait la possibilité d'exercer, dans les deux mois, un recours gracieux ou un recours hiérarchique ou un recours contentieux et précisait que le recours juridictionnel devait être présenté dans les deux mois suivant la notification de l'arrêté ou bien du rejet du recours gracieux ou hiérarchique. M. B... a présenté un recours gracieux, le 29 juillet 2021, rejeté par le préfet de l'Isère, le 19 août 2021 avec la mention de ce que " la présente décision peut faire l'objet d'un recours hiérarchique devant le service central des armes [du ministère de l'intérieur] dans un délai de deux mois à compter de sa notification ". M. B... a alors présenté un recours hiérarchique, le 15 octobre 2021, reçu le 9 novembre suivant par le ministère de l'intérieur qui lui a délivré un accusé de réception mentionnant la possibilité d'exercer un recours contentieux contre le rejet du recours hiérarchique, dans les deux mois à compter de sa notification s'il est exprès ou de la naissance d'une décision implicite.

3. Il ressort des indications contradictoires qui lui ont été données que M. B... pouvait légitimement croire qu'ayant fait le choix d'exercer un recours gracieux, les informations qui accompagnaient la notification de l'arrêté du 22 avril 2021 n'avaient plus cours et qu'il devait dorénavant, s'il persistait à contester cet arrêté, présenter un recours hiérarchique avant de saisir la juridiction compétente. Le comportement de l'administration ayant eu pour conséquence d'induire en erreur l'intéressé sur les conditions d'exercice de son droit au recours, la demande de M. B..., enregistrée au greffe du tribunal dans les deux mois de la naissance du rejet implicite du recours hiérarchique, ne pouvait sans irrégularité être rejetée comme tardive au motif que la présentation du recours hiérarchique n'avait pu avoir d'effet interruptif sur les délais de recours contentieux. Il suit de là que l'ordonnance attaquée doit être annulée.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble.

Sur l'arrêté du 22 avril 2021 :

5. Aux termes de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure, alors en vigueur : " (...) Le représentant de l'Etat dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme, de munitions et de leurs éléments de toute catégorie de s'en dessaisir (...) ". Aux termes de l'article R. 312-67 du même code : " Le préfet ordonne la remise ou le dessaisissement de l'arme (...) lorsque : (...) 3° Il résulte de l'enquête diligentée par le préfet que le comportement du demandeur ou du déclarant est incompatible avec la détention d'une arme ; cette enquête peut donner lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles (...) ".

6. Pour ordonner le dessaisissement de l'arme de catégorie C appartenant à M. B..., le préfet de l'Isère s'est fondé sur la circonstance que celui-ci avait été reconnu coupable, le 8 décembre 2018, de port sans motif légitime d'arme de catégorie C. Il ressort en outre des pièces du dossier que ces faits n'ont donné lieu qu'à un rappel à la loi et que, voulant régulariser sa situation, l'intéressé a présenté sa demande d'autorisation de port d'arme ayant abouti à l'arrêté litigieux. M. B... n'a fait l'objet d'aucune autre condamnation ou mise en cause et l'enquête de moralité diligentée, si elle émet un avis défavorable, n'est assortie d'aucune précision matérielle permettant de justifier le sens de cet avis. L'administration n'invoque d'ailleurs aucun antécédent propre au comportement ou à la personnalité de M. B... susceptible de caractériser un risque d'atteinte à la sécurité des personnes, ou à sa propre sécurité. Dans ces conditions, en lui ordonnant de se dessaisir de l'arme dont il était détenteur, le préfet de l'Isère a fait une inexacte application des articles précités du code de la sécurité intérieure.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 22 avril 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de radier M. B... C.... Il y a lieu de lui délivrer une injonction à cette fin assortie d'un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais d'instance

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, une somme de 1 500 euros à verser à M. B..., au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2200761 le 5 février 2022 du président de la 5e chambre du tribunal administratif de Grenoble est annulée.

Article 2 : L'arrêté du 22 avril 2021 par lequel le préfet de l'Isère a ordonné à M. B... de se dessaisir de ses armes et munitions est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de radier M. B... du fichier national automatisé nominatif des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... ainsi qu'au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Arbaretaz, président

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Christine Psilakis, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

Ch. Psilakis

Le président,

Ph. Arbaretaz

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 22LY01217


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01217
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-05 Police. - Polices spéciales. - Police du port et de la détention d'armes.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : RAMON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;22ly01217 ?
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