Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui leur ont été assignés au titre de l'année 2015.
Par un jugement n° 2005303 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 août 2021, et un mémoire enregistré le 25 avril 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Contet, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que l'administration a estimé, afin de leur refuser le bénéfice du régime prévu par l'article 150-0 D ter du code général des impôts, que les deux cessions des titres de la société Grafiti Prospective du 30 juin 2015, analysées comme une seule opération alors pourtant qu'elles sont survenues la première avant la réduction du capital et la seconde après, n'avaient pas porté sur au moins 50 % du capital de la société, mais seulement 48,83 % ; en effet, elle aurait dû tenir compte de la cession concomitante des cinq parts cédées par Mme A... et de la réduction du capital survenue entre les deux cessions ayant porté le nombre de parts de 1 740 actions à 1 220 actions et c'est d'ailleurs à bon droit que le tribunal administratif a tenu compte de cette réduction du capital social du moins en ce qui concerne la participation cédée postérieurement à celle-ci ;
- en revanche c'est à tort que le tribunal administratif, d'office, a considéré qu'il convenait d'imputer l'augmentation de participation résultant de l'annulation des titres, à la suite de la réduction de capital ayant bénéficié à M. A..., sur le cumul de l'ensemble des cessions d'actions de la société, dès lors qu'un tel retranchement n'est pas prévu par l'article 150- D ter du code général des impôts ;
- c'est également à tort que l'administration et le jugement attaqué ont refusé de tenir compte de la cession des cinq actions par Mme A..., une telle exclusion n'étant ni prévue, ni impliquée par le texte de loi ; au contraire, l'intention du législateur est de faire masse des cessions opérées par les deux époux.
Par des mémoires enregistrés le 22 février 2022 et le 25 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. et Mme A... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Agnel ;
- et les conclusions de Mme Stenger, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration fiscale, par une proposition de rectification modèle 2120 du 9 octobre 2018 notifiée selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, a porté à leur connaissance qu'elle envisageait de remettre en cause, au titre de l'année 2015, l'abattement pratiqué sur le montant d'une plus-value imposable résultant de la cession par M. Christian Ruppert, président de la SAS Grafiti Prospective, de 867 actions de cette société. Les contribuables ayant refusé ces rectifications le 8 novembre 2018, le service les a confirmées dans sa réponse du 11 décembre 2018 ainsi qu'à la suite d'un recours hiérarchique ayant donné lieu à un compte-rendu du 25 septembre 2019. Les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales consécutifs à cette procédure ont été mis en recouvrement au cours de l'année 2019 et la réclamation préalable des contribuables a fait l'objet d'une décision de rejet du 17 juin 2020. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 8 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.
2. Aux termes de l'article 150-0 D du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux (...) de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu ". Aux termes de l'article 150-0 D ter du même code : " I.-1. Les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions prévues au même article retirés de la cession à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits portant sur ces actions ou parts sont réduits d'un abattement fixe de 500 000 € et, pour le surplus éventuel, de l'abattement prévu au 1 quater dudit article 150-0 D lorsque les conditions prévues au 3 du présent I sont remplies. (...) / 3. Le bénéfice des abattements mentionnés au 1 est subordonné au respect des conditions suivantes : /1° La cession porte sur l'intégralité des actions, parts ou droits détenus par le cédant dans la société dont les titres ou droits sont cédés ou sur plus de 50 % des droits de vote (...) de cette société ; / 2° Le cédant doit :/ a) Avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue pendant les cinq années précédant la cession et dans les conditions prévues au 1° de l'article 885 O bis, l'une des fonctions mentionnées à ce même 1° (...)/ c) Cesser toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession (...) 4° En cas de cession des titres ou droits à une entreprise, le cédant ne doit pas détenir, directement ou indirectement, de droits de vote ou de droits dans les bénéfices sociaux de l'entreprise cessionnaire ".
3. Il résulte de l'instruction que la SAS Grafiti Prospective a été fondée au cours de l'année 2004 avec un capital divisé en 1 740 actions d'une valeur nominale de 63,22 euros. M. Christian Ruppert, président de la SAS Grafiti Prospective, était propriétaire de 1 400 actions dans le capital de cette société. Il a décidé de faire valoir ses droits à la retraite le 1er juillet 2013 et a démissionné de ses fonctions le 30 juin 2015. Par un acte du 30 juin 2015 pris à 9 heures, M. A... a cédé à la société Grafiti Prospective 366 actions sur les 1 740 qu'il possédait. Mme B... A..., son épouse, a pour sa part cédé à cette même société 5 actions dont elle était propriétaire. En exécution d'une décision de l'assemblée générale des actionnaires du 18 mai 2015, ces actions, ainsi que celles des autres actionnaires ayant également fait l'objet d'une telle acquisition, ont été annulées dans le cadre d'une opération de réduction du capital de la société lequel s'est trouvé ramené à 1 220 actions. Par un second acte du 30 juin 2015 pris cette fois-ci à 15 heures, M. A... a cédé 501 actions de la société SAS Grafiti Prospective à une société SAS Grafiti. Afin de lui refuser le bénéfice de l'abattement fixe prévu par les dispositions ci-dessus reproduites de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, l'administration fiscale a considéré que la condition prévue à son 1° du 3 du I n'était pas réunie au motif que les cessions effectuées par M. A... n'avaient pas porté sur plus de 50 % des droits de vote de la société Grafiti Prospective.
4. En premier lieu, il n'est pas établi, ni même allégué, que Mme B... A... aurait exercé au sein de la société Grafiti Prospective l'une des fonctions visées au 2° du 3 du I de l'article 150-0 D ter du code général des impôts tandis que le respect des conditions prévues par cet article s'apprécie nécessairement, dans le cas d'un couple marié, pour chaque conjoint pris isolément. Par suite, M. et Mme A... ne sont pas fondés à demander qu'il soit tenu compte de la cession des cinq actions de Mme A... pour apprécier la condition de cession de plus de 50 % des droits de vote de la société Grafiti Prospective.
5. En second lieu, il résulte des dispositions ci-dessus reproduites du 1° du 3 du I de l'article 150-0 D ter que la condition de cession de plus de 50 % des droits de vote doit s'apprécier dans le cas de plusieurs ventes successives en ce qui concerne chacune d'entre elles. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que chacune des ventes effectuées par M. A... a porté sur moins de 50 % des droits de vote au sein de la société Grafiti Prospective. Par suite, c'est à juste titre que l'administration fiscale leur a refusé le bénéfice de l'abattement fixe.
6. Il est vrai toutefois, que M. et Mme A... doivent être regardés comme invoquant, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les termes de l'instruction administrative BOI-RPPM-PVBMI-20-30-30-20 du 20 mars 2015 laquelle permet, en substance, de cumuler l'ensemble des cessions intervenues dans les vingt-quatre mois précédant ou suivant la cessation des fonctions du dirigeant ou son départ à la retraite afin d'apprécier le respect de la condition relative aux droits de vote.
7. M. et Mme A... soutiennent qu'en application de cette interprétation administrative de la loi fiscale il convient de cumuler le pourcentage de droits de vote cédé lors de la première cession avec celui cédé lors de la seconde, afin de parvenir à un pourcentage de droits de vote cédé de 62,39 %. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus, que les 366 actions rachetées par Grafiti Prospective ont été aussitôt annulées par elle, de sorte que les droits de vote qui leur étaient attachés ont également disparu et que cette opération n'a donc entraîné la cession d'aucun droit de vote. Il résulte également de ce qui a été dit au point 3 que M. A... était encore propriétaire d'actions au sein de Grafiti Prospective après avoir cédé ces 366 actions, de sorte que cette opération, en admettant même qu'une cession au profit d'une société qui n'est autre que la société cédée puisse entrer dans le champ d'application du régime de faveur, ne peut, en tout état de cause, en bénéficier ainsi que le soutient à bon droit le ministre en défense sur le fondement du 4° du 3 du I de l'article 150-0 D ter. Il en résulte que l'ensemble des cessions effectuées par M. A... n'a finalement abouti qu'à la cession de 41,07 % des droits de vote à l'occasion de la vente des 501 actions à la SAS Grafiti. Par suite, M. et Mme A... ne sont pas non plus fondés à demander le bénéfice de l'abattement fixe en invoquant la doctrine administrative.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande. Par suite, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Brodier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : M. AgnelLe président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
N° 21NC02269
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