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21/12/2023 | FRANCE | N°21NC01175

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 décembre 2023, 21NC01175


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010, ainsi que des majorations correspondantes.



Par un jugement n° 1404113 du 15 mars 2017, le tribunal administratif de Strasbourg les a déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de

l'année 2010.



Par un arrêt n° 17NC01052 du 23 juillet 2019, la cour administrative d'appel...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010, ainsi que des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1404113 du 15 mars 2017, le tribunal administratif de Strasbourg les a déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.

Par un arrêt n° 17NC01052 du 23 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel du ministre de l'économie et des finances.

Par une décision du 22 avril 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'économie et des finances, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 23 juillet 2019 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.

Procédure devant la cour :

Productions présentées avant le renvoi :

Par une requête enregistrée le 5 mai 2017, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 mars 2017 ;

2°) de rétablir les impositions dont le tribunal a prononcé la décharge.

Il soutient que la condition tenant à l'engagement de location n'a pas été respectée dès lors que la mise en location des logements de la SCI Lady Savannah et de la SCI Seaview 3 n'est intervenue respectivement que le 15 décembre 2008 et le 15 février 2010, soit plusieurs mois après la date de leur achèvement le 20 février 2008 et le 15 juillet 2009. Par conséquent, les conditions légales propres aux souscripteurs de parts prévues par les dispositions du 2.c de l'article 199 undecies A du code général des impôts n'ont pas été respectées.

Par des mémoires respectivement enregistrés les 3 juillet 2017 et 14 septembre 2017, M. et Mme A..., représentés par la SCP Richard et associés, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- en application l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, le délai de reprise dont disposait l'administration est arrivé à expiration le 31 décembre 2011 pour la SCI Lady Savannah et le 31 décembre 2012 pour la SCI Seaview 3 ; aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu avant la notification de la proposition de rectification du 2 septembre 2013 et ainsi la notification de la proposition de rectification est intervenue hors délai ;

- l'article 199 undecies A 2.b du code général des impôts concerne exclusivement les immeubles acquis ou construits par les contribuables personnes physiques ; les obligations incombant aux souscripteurs d'actions ou de parts de société dont l'objet est exclusivement de construire des logements neufs consistent seulement en un engagement de conservation des parts pendant au moins cinq ans à compter de la date d'achèvement des immeubles ; l'administration ajoute une condition supplémentaire que l'article 199 undecies A ne prévoit pas ;

- l'instruction BOI 5B-1-06 du 9 janvier 2006 ne prévoit pas de sanction ni de délai minimum concernant l'obligation de location des logements construits par les SCI dont le non-respect serait sanctionné par la reprise de la réduction d'impôt pratiquée.

Par un mémoire enregistré le 17 août 2017, le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir que la reprise de la réduction d'impôt dont ont bénéficié M. et Mme A... au titre de l'année 2010 est intervenue dans le délai prévu par les dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.

Productions après le renvoi :

Par un mémoire, enregistré le 18 mai, le ministre de l'économie et des finances conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens.

Par un mémoire, enregistré le 18 mai 2021, M et Mme A... concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guidi, présidente,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Callet, avocat de M. Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A..., souscripteurs de parts au sein de la SCI Seaview 3 et de la SCI Lady Savannah, ont imputé sur le montant de leur impôt sur le revenu au titre des années 2006 à 2010, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies A du code général des impôts, une réduction d'impôt résultant d'investissements réalisés dans les départements d'outre-mer par lesdites sociétés et consistant en l'acquisition de parcelles nues pour la construction d'ensembles immobiliers destinés à être loués. Cette réduction d'impôt a été remise en cause par l'administration fiscale au titre de l'année 2010 au motif que les logements construits par les SCI avaient été donnés en location après l'expiration d'un délai de six mois suivant leur achèvement. M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de cette année. Par un jugement rendu le 15 mars 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à leur demande. Par un arrêt du 23 juillet 2019 rendu sur appel du ministre de l'économie et des finances, la cour administrative d'appel de Nancy a confirmé ce jugement. Sur pourvoi introduit par le ministre de l'économie et des finances, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour du 23 juillet 2019 et a renvoyé l'affaire devant cette même cour.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 199 undecies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Il est institué une réduction d'impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui investissent dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, entre la date de promulgation de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer et le 31 décembre 2017. / 2. La réduction d'impôt s'applique : (...) c) Au prix de souscription de parts ou actions de sociétés dont l'objet réel est exclusivement de construire des logements neufs situés dans les départements ou collectivités visés au 1 et qu'elles donnent en location nue pendant cinq ans au moins à compter de leur achèvement à des personnes, autres que les associés de la société, leur conjoint ou les membres de leur foyer fiscal, qui en font leur habitation principale. Ces sociétés doivent s'engager à achever les fondations des immeubles dans les deux ans qui suivent la clôture de chaque souscription annuelle. Les souscripteurs doivent s'engager à conserver les parts ou actions pendant cinq ans au moins à compter de la date d'achèvement des immeubles ; / (...) / 7. En cas de non-respect des engagements mentionnés aux 2 et 6, ou de cession ou de démembrement du droit de propriété, dans des situations autres que celle prévue au 3, de l'immeuble ou des parts et titres, ou de non-respect de leur objet exclusif par les sociétés concernées, ou de dissolution de ces sociétés, la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année où interviennent les événements précités (...) ".

3. Il résulte des dispositions précitées du c du 2 de l'article 199 undecies A du code général des impôts que la condition, dont la méconnaissance donne lieu, en application du 7 du même article, à la reprise des réductions d'impôt pratiquées, suivant laquelle les logements construits par les sociétés au capital desquelles le contribuable a souscrit doivent être donnés en location nue à des personnes, autres que les associés de la société, leur conjoint ou les membres de leur foyer fiscal, qui en font leur habitation principale, pendant cinq ans au moins à compter de leur achèvement, doit s'entendre, eu égard à l'objectif poursuivi par ces dispositions consistant à compenser le déficit de logements offerts à la location dans les territoires mentionnés au 1 de cet article, comme obligeant la société qui construit les logements à donner ceux-ci en location dans un bref délai suivant leur achèvement.

4. Si pour remettre en cause la réduction d'impôt sur le revenu dont M. et Mme A... ont bénéficié au titre de l'année 2010 l'administration a considéré à tort que la mise en location des immeubles, dont la date d'achèvement retenue est le 20 février 2008 s'agissant des immeubles construits par la SCI Lady Savannah et le 15 juillet 2009 s'agissant de ceux construits par la SCI Seaview 3, avait eu lieu respectivement le 15 décembre 2008 et le 15 février 2010 soit au-delà d'un délai de six mois, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'en l'espèce ce délai ne peut être regardé comme un bref délai pour l'application des dispositions précitées de l'article 199 undecies A du code général des impôts. Dans ces conditions, le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a déchargé M. et Mme A... des impositions supplémentaires en litige au motif que les souscripteurs de parts au sein d'une SCI avaient pour seule obligation de s'engager à conserver les parts sociales à compter de la date d'achèvement des immeubles.

5. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les moyens soulevés par M. et Mme A... à l'appui de leurs conclusions à fin de décharge.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la loi fiscale :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) ". Aux termes du 7° de l'article L. 199 undecies A du code général des impôts : " En cas de non-respect des engagements mentionnés aux 2 et 6 (...) la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année où interviennent les événements précités ". Dans l'hypothèse d'une rupture de l'engagement avant l'échéance légale, les réductions d'impôt sur le revenu dont a bénéficié le contribuable l'année au cours de laquelle l'engagement a été rompu et, le cas échéant, les années antérieures, font l'objet d'une reprise globale au titre de l'année de rupture. Celles pratiquées au titre des années postérieures font l'objet d'une reprise annuelle au titre de chacune des années concernées.

7. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée le 9 septembre 2013 à M. et Mme A... procède à un rehaussement de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010. Il résulte de l'instruction que l'achèvement de la construction de l'immeuble de la SCI Savannah est intervenu le 20 février 2008 et que sa location a eu lieu en décembre 2008. Si les réductions d'impôt sur le revenu au titre des années 2008 et 2009 ne pouvaient être remises en cause après le 31 décembre 2011 et le 31 décembre 2012, contrairement à ce que soutiennent les requérants, à la date 9 septembre 2013 le délai de reprise de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 n'était pas expiré. Il ne résulte en outre pas de l'instruction que la condition tenant au bref délai entre l'achèvement de la construction et la location des immeubles des immeubles de la SCI Seaview 3 serait intervenue avant la fin de l'année 2009. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la proposition de rectification du 9 septembre 2013 relative à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 leur aurait été notifiée après l'expiration du délai de reprise.

8. En deuxième lieu, la circonstance que les immeubles des SCI Savannah et Seaview 3 dont ils ont conservé les parts sociales ont finalement été loués plus de cinq est sans incidence sur le bien-fondé du redressement en litige, dès lors que la condition tenant à leur mise en location dans un bref délai après leur achèvement n'a pas été remplie. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que leur investissement remplissait les conditions requises par l'article 199 undecies A du code général des impôts pour bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

9. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".

10. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'instruction référencée 5-1-06 du 9 janvier 2006 relative à la réduction d'impôt au titre des investissements réalisés outre-mer par les personnes physiques en ses points 211 et 212 ne limite pas les cas de reprise de la réduction d'impôt sur le revenu en application de l'article 199 undecies A du code général des impôts en cas de souscription de parts au sein de sociétés civiles immobilières aux seuls cas du non-respect par ces sociétés de ces engagements et ne fait pas obstacle à ce que le service remette en cause le bénéfice de cette réduction en cas de non-respect de la condition tenant à la mise en location des immeubles édifiés dans un bref délai suivant leur achèvement.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin de décharge du rehaussement d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010 présentées par M. et Mme A... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 mars 2017 est annulé.

Article 2 : Les suppléments d'impôt sur le revenu et les majorations correspondantes dont le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la décharge au titre de l'année 2010 sont remis à la charge de M. et Mme A....

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme A... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Wallerich, président de chambre,

Mme Guidi, présidente-assesseure,

Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : L. Guidi Le président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N° 21NC0117502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01175
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SCP RICHARD & MERTZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21nc01175 ?
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