Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Chaco a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2012, 2013 et 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, ainsi que de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts qui lui a été infligée.
Par un jugement n° 1802147 du 4 novembre 2021, le tribunal administratif de Nice a réduit les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés des sommes respectives de 8 853 euros et de 7 357 euros au titre des exercices 2013 et 2014, a déchargé la société Chaco, en droits, majorations et amendes, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2013 et 2014 correspondant à cette réduction, a déchargé la société Chaco, en droits et majorations, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour des montants de 1 356 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 et de 1 000 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2021, la société Chaco, représentée par Me Ciaudo, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1802147 du 4 novembre 2021 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge, en droits, majorations et amendes, des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration n'établit pas que des ventes de montres et de bijoux constituaient des recettes en 2012, dès lors qu'elle justifie que son dirigeant était propriétaire à titre personnel des biens et a réalisé des apports à son profit ;
- si la remise de chèques d'un montant de 32 950 euros correspond à des ventes de marchandises qui n'ont pas été inscrits en compte de recettes par une erreur comptable de bonne foi, dont l'administration a reconnu l'existence, la taxe sur la valeur ajoutée rappelée reste erronée ;
- l'apport d'espèces de 21 900 euros est justifié ;
- l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts doit faire l'objet d'une remise en application du I de l'article 1756 du même code.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les conclusions dirigées contre l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts sont sans objet et que les moyens invoqués par la société Chaco ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 6 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero,
- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Chaco, qui exerce l'activité d'achat-revente de bijoux, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle des propositions de rectification du 18 décembre 2015 et du 20 janvier 2016 lui ont été notifiées. Au terme de la procédure, elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2012, 2013 et 2014 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, assortis des intérêts de retard et de la majoration pour manquement délibéré au titre de l'année 2012, l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts lui ayant par ailleurs été infligée. La société Chaco relève appel du jugement du 4 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice, après avoir prononcé une décharge partielle, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces impositions et de l'amende précitée.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé la remise de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts infligée à la société Chaco, en application du I de l'article 1756 du même code. Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête dans cette mesure.
Sur le bien-fondé des impositions :
3. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Aux termes de l'article 256 du même code : " I : Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ".
4. En premier lieu, au cours de la vérification de comptabilité dont la société Chaco a fait l'objet, le vérificateur a constaté que figuraient au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. A..., associé majoritaire, des apports en espèces pour un montant total de 73 500 euros en 2012. Interrogé sur l'origine de ces sommes, celui-ci a indiqué que, à hauteur de 51 600 euros, ces crédits correspondaient à la vente de montres et de bijoux lui appartenant. Estimant que les justificatifs présentés n'établissaient pas l'existence de ventes de biens appartenant à M. A..., le vérificateur a regardé les versements d'espèces en cause comme des ventes toutes taxes comprises se rattachant à l'activité de la société Chaco, qu'elle n'avait pas déclarées.
5. La société Chaco soutient que l'administration, qui ne conteste pas que les sommes en litige versées en espèces proviennent de la vente de montres et de bijoux, n'établit pas que les ventes en cause constituaient des recettes, issues de biens appartenant à son dirigeant à titre personnel et qu'il aurait apportés à la société. Ainsi, la société Chaco fait valoir que les sommes en litige proviennent de la vente d'une montre " Graham Chronofighter ", qu'elle a acquise le 25 octobre 2011 et vendue à un tiers le 24 décembre 2011, qui l'a lui-même cédée le même jour à M. A..., en se prévalant du livre de police et d'un extrait du grand livre des ventes d'occasion ainsi que d'une attestation du tiers, de la vente d'une montre " Boucheron Mec XL " acquise le 30 septembre 2009 et vendue à M. A... le 21 août 2010, en se prévalant du livre de police et d'un extrait du grand livre des ventes d'occasion, de la vente d'une montre " Rolex Daytona Meteorite " acquise le 27 août 2004 et vendue à M. A... le 19 avril 2005, en se prévalant du livre de police et d'un extrait du grand livre des ventes d'occasion ainsi que d'une facture, et de la vente d'un diamant, acquis le 1er février 2011 accompagné d'une bague en or gris, en se prévalant du livre de police, le diamant ayant été vendu à M. A... le 7 décembre 2011. Toutefois, il n'est pas contesté que le livre de police de la société Chaco contenait des manquements, des omissions et des irrégularités constatés dans un procès-verbal dressé par le service des douanes le 29 janvier 2015 et que le grand livre des ventes d'occasion ne mentionne pas le nom de l'acheteur ni l'article vendu, seuls la date et le prix de la vente étant mentionnés. Ces documents ne permettent ainsi pas de confirmer que M. A... était propriétaire des biens en cause à la date de leur cession, ce que ne pallie pas la production d'une attestation dépourvue de tout élément circonstancié et d'une facture datée de 2005. Par ailleurs, si la société Chaco se prévaut de la vente d'une montre " Rolex GMT Master ", d'une chaîne et d'un pendentif en or " Shreiner " qui auraient été offerts à M. A... par des tiers en produisant des attestations, ainsi que de la vente d'une bague chevalière qui a été vendue à M. A... par un tiers le 20 octobre 2011, en produisant une attestation, ces seuls documents, qui ne sont corroborés par aucun autre élément, sont dépourvus de tout caractère circonstancié et ne permettent pas d'établir l'origine des biens et leur rattachement à un patrimoine privé à la date de leur cession. Enfin, si la société Chaco soutient, en produisant des factures, que la vente d'une bague " Jonc en or " correspond à une acquisition par M. A... et son compagnon le 24 décembre 1986 et que la vente d'un pendentif et de sa chaîne en or est liée à une acquisition par la mère de M. A... le 2 décembre 1990, elle n'apporte aucun élément, qu'elle seule est en mesure de produire, permettant de tracer la propriété de ces biens, et notamment une propriété effective de M. A... à la date des ventes, alors que les documents manuscrits présentés comme des factures ne comportent pas les mentions requises et se bornent à porter des tampons d'une société tierce, dont M. A... a d'ailleurs été gérant. Dans ces conditions, à défaut de tout élément permettant de corroborer l'existence de ventes de biens issus du patrimoine privé de M. A... et dont le produit était constitutif d'apports à la société Chaco, l'administration établit l'existence d'une omission par la société Chaco d'une partie de ses recettes. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a réintégré les produits omis dans le résultat imposable de la société et procédé au rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant.
6. En deuxième lieu, la société Chaco soutient que le surplus des sommes figurant au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. A... pour un montant total de 73 500 euros en 2012, que l'administration a regardé comme un passif injustifié, constituait des apports en espèces à hauteur de 21 900 euros. Toutefois, en se bornant à se prévaloir de trois retraits d'espèces effectués les 18 octobre et 4 novembre 2011 et 25 janvier 2012 sur le compte personnel de M. A... pour un montant total de 58 000 euros, dont ni les dates ni les montants ne correspondent aux écritures en cause, et à soutenir que son activité nécessiterait de disposer d'espèces pour assurer des ventes, la société Chaco ne justifie pas de la réalité des apports en espèces dont elle se prévaut et, par suite, l'inscription d'une dette à l'égard de M. A... au passif de son bilan.
7. En troisième lieu, au cours de la vérification de comptabilité dont la société Chaco a fait l'objet, le vérificateur a constaté que figuraient au crédit du compte courant d'associé ouvert au nom de M. A..., associé majoritaire, des remises de chèques pour un montant total de 32 950 euros en 2012. Estimant que l'origine des sommes n'était pas justifiée, le vérificateur a regardé cette somme comme un passif injustifié. Au stade de la réclamation préalable, l'administration a abandonné cette qualification et retenu celle d'omission de recettes, avec pour conséquence une rectification d'un montant de 31 850 euros hors taxes pour l'impôt sur les sociétés et de 1 100 euros en taxe sur la valeur ajoutée. La société Chaco soutient que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée rappelée est erroné, dès lors que les ventes étaient soumises au régime de la marge, la taxe s'élevant à 4 600 euros. Toutefois, le document produit qui fait état d'une telle marge nette a été rédigé par M. A... en juin 2017 et mentionne un prix de vente global de 51 100 euros, qui ne correspond pas aux remises de chèques en cause qui s'élèvent à 32 950 euros. Ce document, sans rapport avec le rehaussement en litige, ne justifie ainsi pas de ventes d'un montant de 32 950 euros qui auraient dû être soumises au régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge pour un montant de 4 600 euros.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Chaco n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus des conclusions de sa demande restant en litige. Ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement dans cette mesure et à la décharge, en droits et majorations, des impositions restant en litige doivent dès lors être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Chaco demande au titre des frais qu'elle a exposés.
D E C I D E :
Article 1 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts infligée à la société Chaco.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Chaco est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Chaco et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- M. Platillero, président assesseur,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.
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N° 21MA04497