La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/12/2023 | FRANCE | N°21LY03869

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 21 décembre 2023, 21LY03869


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



Mme E... A... veuve D... et M. C... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 5 février 2019 par laquelle le maire de Péage-de-Roussillon a refusé de vérifier la conformité du mur édifié par M. et Mme B... aux règles d'urbanisme, de délivrer à M. et Mme B... un arrêté d'alignement et de faire usage de ses pouvoirs de police concernant la circulation dans l'allée de la Rouaz.



Par jugement n° 1902407 du 5 octobre

2021, le tribunal a rejeté leur demande.







Procédure devant la cour



Par une requête, enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... A... veuve D... et M. C... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 5 février 2019 par laquelle le maire de Péage-de-Roussillon a refusé de vérifier la conformité du mur édifié par M. et Mme B... aux règles d'urbanisme, de délivrer à M. et Mme B... un arrêté d'alignement et de faire usage de ses pouvoirs de police concernant la circulation dans l'allée de la Rouaz.

Par jugement n° 1902407 du 5 octobre 2021, le tribunal a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2021, Mme E... A... veuve D... et M. C... D..., représentés par Me Bendjouya, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cette décision ;

2°) d'enjoindre au maire de Péage-de-Roussillon de délimiter l'emprise de la voie communale, de prendre un arrêté d'alignement concernant la propriété de M. et Mme B..., de vérifier la conformité du mur de clôture de cette propriété et d'user de ses pouvoirs de police afin de vérifier que ce mur n'empiète pas sur la voie publique et ne constitue pas une gêne pour la circulation, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir

3°) de mettre à la charge de la commune de Péage-de-Roussillon la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- il appartient au maire de mettre en œuvre les pouvoirs qui lui sont ouverts par les articles L. 112-1 et suivants du code de la voirie routière afin de s'assurer que le mur de M. et Mme B... n'empiète pas sur le domaine public routier, et, notamment, de délivrer à M. et Mme B... un arrêté individuel d'alignement ; les pièces qu'ils produisent démontrent que l'atteinte au domaine public routier est constituée ;

- le maire aurait dû engager l'action civile en démolition prévue par l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, dès lors que le mur de clôture et le portail méconnaissent l'article UD6 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune imposant un recul de cinq mètres au minimum par rapport à l'alignement ; en refusant d'engager cette action, la commune engage sa responsabilité ;

- le maire est tenu de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à l'empiètement sur la voie publique constitué par le mur en cause.

Par mémoire enregistré le 19 octobre 2023, la commune de Péage-de-Roussillon, représentée par Me Petit, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme A... et de M. D... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande d'annulation du refus de délivrance d'un arrêté individuel d'alignement est irrecevable dès lors qu'un tel arrêté ne peut être délivré qu'au propriétaire et non à des tiers ; en tout état de cause, l'alignement individuel est un acte purement déclaratif et non créateur de droit, qui se borne à constater les limites de la voie par rapport aux propriétés riveraines et n'a pas pour objet de fixer les limites de propriété ; l'empiètement du mur sur la voie publique n'est pas démontré ;

- le maire n'est pas tenu de solliciter la démolition d'une construction illégale en application de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme ; au surplus, l'illégalité de la construction n'est pas démontrée ; il ne saurait être reproché une méconnaissance des règles du plan local d'urbanisme dès lors que l'ouvrage est achevé depuis plus de dix ans ;

- il n'y avait pas lieu pour le maire de mettre en œuvre ses pouvoirs de police, dès lors que la voie, d'une largueur supérieure à quatre mètres, est suffisante pour rendre possible l'accès des propriétés desservies aux véhicules de secours.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente assesseure,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,- et les observations de Me Tournoud pour Mme A... veuve D... et M. D..., et celles de Me Louis pour la commune de Péage-de-Roussillon.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... veuve D... et M. D... sont propriétaires indivis des parcelles cadastrées section AW n°s 57 et 58 situées allée de la Rouaz à Péage-de-Roussillon (Isère). Estimant que le mur entourant la propriété de M. et Mme B..., laquelle est implantée sur la parcelle cadastrée section AW n° 133 située face à leur maison, empiète sur l'allée de la Rouaz, voie communale dont l'emprise appartient au domaine public routier, ils ont, par un courrier du 21 novembre 2018, demandé au maire de Péage-de-Roussillon d'adopter un arrêté individuel d'alignement de la propriété de M. et Mme B..., de vérifier la conformité aux règles d'urbanisme du mur entourant cette propriété et de faire usage de ses pouvoirs de police afin d'assurer la circulation dans l'allée de la Rouaz. Par une décision du 5 février 2019, le maire de Péage-de-Roussillon a rejeté cette demande. Mme A... veuve D... et M. D... relèvent appel du jugement du 5 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique (...) est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 1 du même code : " Le présent code s'applique aux biens (...) appartenant (...) aux collectivités territoriales (...) ". Aux termes de l'article L. 2111-14 du même code : " Le domaine public routier comprend l'ensemble des biens appartenant à une personne publique mentionnée à l'article L. 1 et affectés aux besoins de la circulation terrestre (...) ". Selon l'article L. 2111-2 du même code, font également partie du domaine public communal les biens de la commune qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable.

4. Aux termes de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière : " L'alignement est la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d'alignement, soit par un alignement individuel. Le plan d'alignement, auquel est joint un plan parcellaire, détermine (...) la limite entre voie publique et propriétés riveraines. L'alignement individuel est délivré au propriétaire conformément au plan d'alignement s'il en existe un. En l'absence d'un tel plan, il constate la limite de la voie publique au droit de la propriété riveraine ".

5. Enfin, aux termes de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable : " Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de ''Etat dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : (...) 5° De pourvoir aux mesures relatives à la voirie communale ".

6. Il est constant que la commune de Péage-de-Roussillon n'a pas adopté de plan d'alignement et qu'aucun arrêté individuel d'alignement constatant la limite de la voie publique constituée au droit de la propriété de M. et Mme B... n'a été délivré.

7. Toutefois, d'une part, Mme A... veuve D... et M. D..., qui ne possèdent pas la propriété concernée, ne sont pas fondés à demander qu'un arrêté individuel d'alignement concernant cette propriété soit délivré par le maire de Péage-de-Roussillon.

8. D'autre part, le maire, en sa qualité de gestionnaire du domaine public communal, doit saisir le juge judiciaire d'une action en démolition si des indices matériels le conduisent à constater un empiètement sur le domaine public.

9. En l'espèce, Mme A... veuve D... et M. D... produisent une attestation établie le 10 novembre 2010 par un conducteur d'ambulance, un rapport du SDIS du 22 mai 2014 faisant état de l'étroitesse de la rue et de la difficulté d'accéder avec un véhicule ambulancier ou de secours dans leur propriété, un procès-verbal de constat d'huissier établi le 16 novembre 2021 indiquant que la largeur de la voie au droit de leur propriété mesure 4,67 mètres et le rapport d'expertise amiable établi par un architecte le 25 janvier 2012 indiquant que le mur de clôture de M. et Mme B... empiète de cinquante centimètres sur la voie. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, et, notamment, du rapport d'expertise non contradictoire reposant sur les déclarations des requérants, que le mur ceignant la propriété de M. et Mme B..., qui a été construit dans la continuité du mur de clôture existant de la propriété adjacente, serait implanté sur l'allée de la Rouaz et empiéterait ainsi sur le domaine public routier de la commune.

10. Dans de telles conditions, les conclusions de Mme A... veuve D... et M. D... tendant à ce que la décision du maire de Péage-de-Roussillon du 5 février 2019 soit annulée en tant que ce dernier refuse de délivrer un arrêté d'alignement individuel concernant la propriété de M. et Mme B..., de prendre les mesures nécessaires afin de mettre fin à l'empiètement sur la voie publique du mur en cause et de faire usage de ses pouvoirs de police ne peuvent qu'être rejetées.

11. Enfin, en l'absence de plan d'alignement ou d'arrêté individuel d'alignement, et alors que le mur en litige ne saurait être regardé comme constitutif d'une construction au sens des dispositions de l'article UD6 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune, les requérants ne sont pas davantage fondés à soutenir que ce mur méconnaitrait ces dispositions imposant un recul de cinq mètres au minimum des constructions par rapport à l'alignement des voies et emprises publiques. Par suite, et en tout état de cause, leurs conclusions tendant à ce que la décision du maire portant refus d'engager l'action civile en démolition prévue par l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme soit annulée doivent également être rejetées.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... veuve D... et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Péage-de-Roussillon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... veuve D... et M. D... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... veuve D... et de M. D... le versement à la commune de Péage-de-Roussillon de la somme qu'elle réclame au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... veuve D... et M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Péage-de-Roussillon tendant à l'application de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A... veuve D..., à M. C... D... et à la commune de Péage-de-Roussillon.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier

2

N° 21LY03869


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21LY03869
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

24-01-03-02 Domaine. - Domaine public. - Protection du domaine. - Protection contre les occupations irrégulières.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : BENDJOUYA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21ly03869 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award