Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 25 octobre 2018 par lequel le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Lantriac l'a admis à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 15 novembre 2018, ensemble la décision du 17 décembre 2018 portant rejet de son recours gracieux.
Par jugement n°1900301 du 16 septembre 2021, le tribunal a rejeté ses demandes.
Procédures devant la cour
Par une requête enregistrée le 11 novembre 2021, M. A..., représenté par Me Achou, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, ainsi que l'arrêté du 25 octobre 2018 prononçant sa mise à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 15 novembre 2018 et le rejet de son recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge du CCAS de Lantriac la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- sa mise à la retraite a été prononcée en violation de l'obligation de reclassement de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984, alors qu'il n'est pas inapte à toutes fonctions ;
- en ce qu'il refuse de reconnaître l'imputabilité au service de son invalidité, l'arrêté attaqué méconnaît l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983.
Par mémoire enregistré le 8 février 2022, le CCAS de Lantriac, représenté par Me Soulier-Bonnefois, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande de première instance est irrecevable car dirigée contre une décision de mise à la retraite demandée par l'intéressé ;
- subsidiairement, les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard, présidente assesseure,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- et les observations de Me Achou pour M. A... et celles de Me Soulier-Bonnefois pour le CCAS de Lantriac.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., adjoint technique affecté aux fonctions d'agent d'entretien à l'EHPAD Le Grand Pré relevant du CCAS de Lantriac, a été admis en congés de maladie ordinaire à compter du 4 décembre 2015 puis placé en disponibilité d'office à compter du 4 décembre 2016. Le comité médical et le comité médical supérieur départemental ayant émis, à l'épuisement de ses droits à congés de maladie ordinaire, le 14 mars 2017 et le 26 septembre 2017, un avis défavorable à son admission en congé de longue maladie en raison d'une inaptitude absolue et définitive à l'exercice de toute fonction, M. A... a été contraint de présenter une demande de mise à la retraite. Après avis favorable émis le 19 janvier 2018 par la commission de réforme, le président du CCAS a, par arrêté du 25 octobre 2018, admis M. A... à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 15 novembre 2018. Par la présente requête, M. A... demande l'annulation du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté et du rejet de son recours gracieux, opposé le 17 décembre 2018.
Sur l'arrêté pris dans son ensemble :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ", tandis qu'aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. D'une part, si l'arrêté du 25 octobre 2018 mentionne comme unique motif de radiation des cadres, mais sans exposer la considération de fait qui le fonde, l'impossibilité de reclasser M. A..., le rejet de recours gracieux fait état de l'avis d'inaptitude absolue et définitive émis par la commission de réforme que s'est approprié le président du CCAS. D'autre part, la notification du renouvellement de la mise en disponibilité, concomitante à celle de l'arrêté de radiation des cadres, a permis à M. A... de comprendre la date d'effet de son admission à la retraite, alors même que l'arrêté de mise en disponibilité n'est pas visé. Enfin, les lois du 13 juillet 1983 et du 26 janvier 1984 et les décrets du 9 septembre 1965 et du 26 décembre 2003 dont il est fait application sont visés, alors même que ne sont pas mentionnées certaines dispositions de ces textes. Il suit de là qu'avant d'engager son action contentieuse M. A... a été mis à même de connaître et de contester utilement les considérations de droit et de fait qui fondent l'arrêté en litige, et que le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
En ce qui concerne la mise à la retraite :
4. Aux termes de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors applicable : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi (...) s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ". Aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut-être admis à la retraite (...) ".
5. S'il résulte d'un principe général du droit dont s'inspirent les règles statutaires précitées, que, lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un fonctionnaire se trouve définitivement atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il incombe à l'employeur public, avant de pouvoir prononcer sa radiation, d'inviter l'intéressé à présenter une demande de reclassement puis, sur sa demande, de chercher à le reclasser dans un emploi qui relève d'un autre cadre d'emploi et qui soit compatible avec son aptitude physique résiduelle, cette obligation cesse de s'appliquer lorsque tout reclassement est impossible en raison d'une inaptitude à l'exercice de toutes fonctions.
6. Or, et d'une part, il ressort des pièces du dossier qu'à l'épuisement de ses congés de maladie, la pathologie de M. A... persistait et faisait obstacle à une reprise de service, ainsi que l'établissent la demande d'admission en congés de longue maladie et le motif de rejet de cette demande fondé sur l'absence non sérieusement contestée de perspective de guérison. Il s'ensuit qu'en regardant M. A... comme étant dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer à exercer ses fonctions, le président du CCAS de Lantriac n'a pas méconnu l'article 30 précité du décret du 26 décembre 2003.
7. D'autre part et en conséquence de ce qui vient d'être dit, le comité médical, le comité médical supérieur départemental et la commission de réforme ont successivement constaté l'inaptitude de M. A... à exercer ses fonctions d'adjoint technique et toute autre fonction. Il suit de là que l'administration n'était pas tenue de l'inviter à présenter une demande de reclassement puis de chercher à le reclasser. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'obligation de reclassement doit être écarté.
En ce qui concerne le refus de reconnaissance d'imputabilité au service de l'inaptitude :
8. En vertu des articles 36 et 37 combinés du décret du 26 décembre 2003, le fonctionnaire qui a été mis dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmité résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peut être mis à la retraite par anticipation et est éligible avant même d'avoir atteint la limite d'âge à une pension de retraite et à une rente proportionnelle au taux d'invalidité imputable à l'accident ou à la maladie de service.
9. A cet égard, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher du service la survenance ou l'aggravation de cette maladie.
10. Si M. A... souffre d'une infirmité oculaire et d'une maladie psychique, il ressort des pièces du dossier que son infirmité, antérieure à son entrée dans la fonction publique, ne faisait pas obstacle à l'exercice de ses fonctions et ne s'est pas aggravée. Il s'ensuit que la cause de son inaptitude provient de sa maladie et qu'il y a lieu de rechercher si elle a été provoquée ou aggravée par le harcèlement moral que l'intéressé soutient avoir subi.
11. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible (...) d'altérer sa santé physique ou mentale (...) ".
12. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration à laquelle il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime en avoir été victime. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
13. A l'appui de ses allégations visant le comportement de la directrice de l'établissement, M. A... produit une plainte qu'il a déposée à la gendarmerie en décembre 2015, finalement classée sans suite, un courrier qu'il a adressé le même mois au président du CCAS de Lantriac et trois attestations de collègues. Ces documents, qui relatent des remontrances que le requérant aurait subies de la part de la directrice en raison de l'insuffisante qualité de son travail et une consigne qui lui aurait été donnée de balayer avec un balai d'intérieur, non pas toute la cour mais la périphérie de bacs à fleurs, font état en termes imprécis de faits invérifiables ne concernant pas tous M. A.... Il suit de là que les faits de harcèlement ne sont pas suffisamment circonstanciés pour faire présumer l'existence d'un harcèlement et que la maladie dont souffre M. A... ne peut être regardée comme ayant été contractée ou aggravée à l'occasion du service, au sens de l'article 36 du décret du 26 décembre 2003.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande et que les conclusions de sa requête tendant aux mêmes fins doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
15. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par M. A..., partie perdante, doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du CCAS de Lantriac.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le CCAS de Lantriac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre communal d'action sociale de Lantriac.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.
La rapporteure,
A. EvrardLe président,
Ph. Arbarétaz
Le greffier en chef,
C. Gomez
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mers ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
21LY036022