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21/12/2023 | FRANCE | N°21DA02105

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 décembre 2023, 21DA02105


Vu la procédure suivante :



Par une requête enregistrée le 24 août 2021 et des mémoires enregistrés les 16 février 2022, 4 avril 2022, 21 avril 2022 et 7 juin 2022, les communes de Tourville-la-Campagne, de La Haye-du-Theil, du Bosc-du-Theil et du Troncq, représentées par Me Francis Monamy, demandent à la cour :



1°) d'annuler les cinq arrêtés du 26 février 2021 par lesquels le préfet de l'Eure a délivré les permis de construire quatre aérogénérateurs et un poste de livraison sur les parcelles cadastrées ZE nos 1 et 2 à Tourvill

e-la-Campagne et les parcelles cadastrées ZA nos 10 et 14 à Saint-Meslin-du-Bosc, ensemble la...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 24 août 2021 et des mémoires enregistrés les 16 février 2022, 4 avril 2022, 21 avril 2022 et 7 juin 2022, les communes de Tourville-la-Campagne, de La Haye-du-Theil, du Bosc-du-Theil et du Troncq, représentées par Me Francis Monamy, demandent à la cour :

1°) d'annuler les cinq arrêtés du 26 février 2021 par lesquels le préfet de l'Eure a délivré les permis de construire quatre aérogénérateurs et un poste de livraison sur les parcelles cadastrées ZE nos 1 et 2 à Tourville-la-Campagne et les parcelles cadastrées ZA nos 10 et 14 à Saint-Meslin-du-Bosc, ensemble la décision du 26 juin 2021 rejetant leur recours gracieux contre ces arrêtés ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Ferme éolienne du Torpt la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- elles ont intérêt pour agir ;

- les arrêtés attaqués conservent leur objet ;

- les accords du ministre chargé de l'aviation civile sont irréguliers ;

- les demandes de permis de construire sont lacunaires ;

- les arrêtés attaqués méconnaissent l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme ;

- ils méconnaissent l'article R. 111-26 du même code ;

- ils méconnaissent l'article R. 111-27 du même code ;

- ils méconnaissent l'article L. 425-14 du même code ;

- ils méconnaissent l'article 38 du règlement de voirie départementale de l'Eure ;

- ils méconnaissent les articles A2, A6 et A11 du règlement du plan local d'urbanisme de Tourville-la-Campagne ;

- ils méconnaissent les articles Ap 2 et Ap 13 du règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Meslin-du-Bosc ;

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 février 2022 et 11 mai 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 15 mars 2022 et 25 avril 2022, la société Ferme éolienne du Torpt, représentée par M. A... B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérantes de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les arrêtés attaqués ont perdu leur objet ;

- les requérantes ne justifient pas d'un intérêt pour agir ;

- les moyens contenus dans la requête ne sont pas fondés.

Par un courrier du 13 octobre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'autorité de chose jugée qui s'attache au point 32 de l'arrêt n° 19DA00520 du 29 décembre 2020 de la cour.

Par un mémoire du 20 octobre 2023, la commune de Tourville-la-Campagne et autres, représentées par Me Francis Monamy, ont présenté des observations en réponse au courrier du mentionné ci-dessus.

Par un courrier du 17 novembre 2023, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur l'éventuelle régularisation du moyen tiré de la méconnaissance des articles Ap1 et Ap2 du règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Meslin-du-Bosc.

Par un mémoire du 21 novembre 2023, la société Ferme éolienne du Torpt, représentée par Me A... B..., a présenté des observations en réponse au courrier du 17 novembre 2023 mentionné ci-dessus.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n°2016-354 du 25 mars 2016 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

- le décret n° 2008-1299 du 11 décembre 2008 ;

- l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stéphane Eustache, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Anne-Marie Mazetier représentant les communes de Tourville-la-Campagne, de La Haye-du-Theil, du Bosc-du-Theil et du Troncq, et de Me A... B... représentant la société Ferme éolienne du Torpt.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ferme éolienne du Torpt a déposé le 3 mai 2013 six demandes de permis de construire cinq aérogénérateurs et un poste de livraison sur les parcelles cadastrées ZE nos 1 et 2 à Tourville-la-Campagne et les parcelles cadastrées ZA nos 10 et 14 à Saint-Meslin-du-Bosc. Par des arrêtés du 26 février 2021, le préfet de l'Eure a délivré les permis de construire les aérogénérateurs E1 à E4 et un poste de livraison. Les communes de Tourville-la-Campagne, de La Haye-du-Theil, du Bosc-du-Theil et du Troncq demandent l'annulation de ces arrêtés.

Sur l'exception de non-lieu :

2. D'une part, aux termes du 1° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 visée ci-dessus : " Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance (...) avant le 1er mars 2017, ainsi que les permis de construire en cours de validité à cette même date autorisant les projets d'installation d'éoliennes terrestres sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code (...) ".

3. En outre, le 2° du même article dispose : " Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ".

4. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article R. 425-29-2 du code de l'urbanisme, créé par le 4° de l'article 11 du décret n°2017-81 du 26 janvier 2017 pris pour l'application de l'ordonnance du même jour visée ci-dessus : " Lorsqu'un projet d'installation d'éoliennes terrestres est soumis à autorisation environnementale en application du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement, cette autorisation dispense du permis de construire ". Les dispositions de ce décret sont entrées en vigueur le 1er mars 2017, sous réserves des cas prévus aux 1° et 2° de son article 17, qui ne sont pas applicables en l'espèce.

5. En premier lieu, dès lors que les permis de construire litigieux n'étaient pas en cours de validité au 1er mars 2017, ils ne peuvent pas être considérés, sur le fondement du 1° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 visée ci-dessus, comme des autorisations environnementales au sens du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement, alors même que ces permis ont pour objet la construction d'un parc éolien terrestre.

6. En second lieu, il est vrai qu'en vertu des dispositions précitées du premier alinéa de l'article R. 425-29-2 du code de l'urbanisme, les projets de parc éoliens terrestres soumis à " autorisation environnementale " au sens du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement sont dispensés de permis de construire.

7. Toutefois, conformément au 2° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, la demande d'autorisation d'exploiter un parc éolien terrestre, présentée le 17 mai 2013 par la société Ferme éolienne du Torpt, a été instruite au regard des dispositions du code de l'environnement antérieures à l'entrée en vigueur de cette ordonnance et l'autorisation accordée le 29 novembre 2021 par le préfet de l'Eure a été délivrée en application de ces mêmes dispositions du code de l'environnement.

8. La circonstance, intervenue après l'introduction de la requête, qu'en vertu des dispositions combinées des 1° et 2° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, cette autorisation a été soumise, après sa délivrance le 29 novembre 2021, au régime de " l'autorisation environnementale " au sens du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement n'a eu pour effet ni de rendre applicable à l'installation la dispense de permis de construire prévue à l'article R. 425-29-2 du code de l'urbanisme, ni d'abroger ou de retirer implicitement les permis de construire antérieurement délivrés par le préfet de l'Eure.

9. Dans ces conditions, les arrêtés attaqués, qui ne revêtent pas de " caractère superfétatoire " comme le soutiennent les requérants, conservent leur objet et l'exception de non lieu doit être écartée.

Sur la fin de non-recevoir :

10. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, l'aérogénérateur n° 1 et le poste de livraison et, d'autre part, l'aérogénérateur E4 seront édifiés sur le territoire de la commune de Tourville-la-Campagne, respectivement sur des parcelles cadastrées ZE 1 et ZE 2. Par suite, cette commune d'implantation justifie d'un intérêt suffisant pour contester les arrêtés autorisant la construction de ces deux aérogénérateurs et du poste de livraison.

11. En second lieu, s'il est prévu que les aérogénérateurs E2 et E3 seront édifiés sur le territoire de la commune de Saint-Meslin-du-Bosc, il ressort des pièces du dossier qu'ils seront situés à environ 1,6 kilomètres d'un site classé comprenant l'église de Tourville-la-Campagne. Eu égard à la hauteur de ces constructions, qui culmineront à 150 mètres, et à la faible distance les séparant de ce site classé, la commune de Tourville-la-Campagne justifie, en se prévalant des incidences visuelles du projet sur ce site, d'un intérêt suffisant pour contester les arrêtés autorisant la construction de ces deux aérogénérateurs.

12. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'intérêt pour agir des autres requérantes, la fin de non-recevoir tirée d'un défaut d'intérêt pour agir doit être écartée.

Sur les dispositions d'urbanisme applicables :

En ce qui concerne le cadre juridique :

13. D'une part, aux termes de l'articles L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".

14. Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ".

15. D'autre part, aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol (...) régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation (...) confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire ".

16. Il résulte en premier lieu de ces dispositions que lorsqu'une juridiction, à la suite de l'annulation d'un refus opposé à une demande de permis de construire, fait droit à des conclusions aux fins d'injonction sur le fondement de l'article L. 911-1 ou de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, ces conclusions du requérant doivent être regardées comme confirmant sa demande initiale de permis de construire. Par suite, la condition posée par l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme imposant que la demande soit confirmée " dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire " doit être regardée comme remplie lorsque la juridiction enjoint à l'autorité administrative de réexaminer la demande de permis de construire ou de délivrer l'autorisation d'urbanisme sollicitée.

17. Il résulte en deuxième lieu de ces dispositions que lorsqu'un refus de permis de construire a été annulé par une décision juridictionnelle et que le pétitionnaire a confirmé sa demande dans les conditions énoncées ci-dessus, l'autorité administrative compétente ne peut rejeter la demande de permis, dont elle se trouve ainsi ressaisie, ou assortir sa décision de prescriptions spéciales en se fondant sur des dispositions d'urbanisme postérieures à la date du refus annulé. Toutefois, le pétitionnaire ne peut bénéficier de façon définitive du mécanisme institué par l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme que si l'annulation juridictionnelle de la décision de refus est elle-même devenue définitive, c'est-à-dire, au sens et pour l'application de ces dispositions, si la décision juridictionnelle prononçant cette annulation est devenue irrévocable.

18. Il résulte en troisième lieu de ces dispositions que lorsque, pour l'exécution d'une injonction prononcée sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative à la suite de l'annulation d'un refus de permis de construire, l'autorité administrative délivre le permis sollicité, celui-ci peut être contesté par les tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes de la décision juridictionnelle ayant annulé la décision de refus de permis de construire.

En ce qui concerne le droit applicable en l'espèce :

19. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un jugement n° 1404526 du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé les décisions implicites du 30 juillet 2014 par lesquelles le préfet de l'Eure avait refusé les demandes de permis de construire présentées le 3 mai 2013 par la société Ferme éolienne du Torpt et, d'autre part, fait droit aux conclusions de cette dernière en enjoignant au préfet de l'Eure de réexaminer ses demandes. Pour l'exécution de ce jugement, le préfet de l'Eure a, par des arrêtés du 2 août 2017, rejeté à nouveau les demandes de permis de construire.

20. Alors même que ce jugement du 20 juin 2017 n'était pas devenu irrévocable à la date d'édiction de ces arrêtés du 2 août 2017, le préfet de l'Eure était tenu de réexaminer les demandes de permis de construire, que la pétitionnaire avait confirmées par la présentation devant le tribunal administratif de conclusions aux fins d'injonction, au regard des dispositions d'urbanisme en vigueur à la date des arrêtés du 30 juillet 2014, qui avaient été annulés par ce jugement.

21. En second lieu, par un jugement n°1703033 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les recours formés par la société Ferme éolienne du Torpt tendant à l'annulation des arrêtés du 2 août 2017 mentionnés ci-dessus. Or, par un arrêt n° 19DA00520 du 29 décembre 2020, la cour a, d'une part, réformé ce jugement et annulé ces arrêtés du 2 août 2017 et, d'autre part, fait droit aux conclusions de la société Ferme éolienne du Torpt en enjoignant au préfet de l'Eure de délivrer les permis sollicités dans un délai de deux mois. Pour l'exécution de cet arrêt, le préfet de l'Eure a, par les arrêtés attaqués du 26 février 2021, délivré les permis de construire.

22. Alors même que cet arrêt du 29 décembre 2020, à l'encontre duquel a été formé le 26 février 2021 un pourvoi qui a été rejeté par une décision n°450161 du 25 janvier 2023 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, n'était pas devenu irrévocable à la date d'édiction des arrêtés attaqués, le préfet de l'Eure était tenu de faire droit aux demandes de permis de construire, que la pétitionnaire avait confirmées par la présentation devant la cour de conclusions aux fins d'injonction, en faisant application des dispositions d'urbanisme applicables à la date des arrêtés du 2 août 2017, qui avaient été annulés par cet arrêt.

23. Or, par l'effet de la cristallisation mentionnée au point 20, dont la pétitionnaire bénéficiait d'ailleurs de manière définitive à la date d'édiction des arrêtés attaqués, les dispositions d'urbanisme applicables au projet à la date des arrêtés du 2 août 2017 étaient celles en vigueur au 30 juillet 2014. Il s'ensuit qu'alors même que les motifs de l'arrêt du 29 décembre 2020, par lesquels ont été annulés les arrêtés du 2 août 2017, ne sont pas opposables aux requérantes en leur qualité de tiers conformément à la règle mentionnée au point 18, la légalité des arrêtés attaqués doit être examinée dans la présente instance au regard des dispositions d'urbanisme en vigueur au 30 juillet 2014.

Sur la légalité des arrêtés attaqués :

En ce qui concerne le projet architectural :

24. D'une part, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " [le projet architectural] indique (...), le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement (...) ".

25. D'autre part, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

26. Il ressort des pièces du dossier que le plan de masse annexé au projet architectural représente le réseau des câbles électriques reliant le poste de livraison à chaque éolienne, sans toutefois indiquer le point de raccordement de ce réseau au réseau public de distribution d'électricité. Toutefois, la notice fournie dans les demandes de permis de construire indique que " le raccordement électrique extérieur se fera uniquement sur le domaine public départemental ". Cette indication a permis d'éclairer d'une manière suffisamment précise l'autorité administrative sur les modalités de raccordement du projet au réseau public de distribution d'électricité, alors que ce raccordement se rattache à une opération distincte de la construction de l'installation. Par suite, le moyen tiré de l'incomplétude du projet architectural doit être écarté.

En ce qui concerne l'autorisation du ministre chargé de l'aviation civile :

27. D'une part, aux termes de l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense ".

28. D'autre part, aux termes de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense (...) ".

29. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 25 juillet 1990 visé ci-dessus : " Les installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé des armées comprennent : / a) En dehors des agglomérations, les installations dont la hauteur en un point quelconque est supérieure à 50 mètres au-dessus du niveau du sol ou de l'eau (...) ".

30. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 30 mai 2013, M. C... D..., délégué Basse-Normandie et Haute-Normandie au sein de la direction de la sécurité et de l'aviation civile, a donné son accord au projet au nom du ministre chargé de l'aviation civile. En vertu de l'article 8 d'une décision du 11 janvier 2013 de la directrice de la sécurité et de l'aviation civile, publiée le 22 janvier 2013 au Journal officiel de la République française, M. D... bénéficiait d'une délégation " à l'effet de signer, au nom du ministre chargé des transports, tous actes et décisions, à l'exception des décrets et arrêtés, dans la limite des attributions de la délégation Basse et Haute-Normandie de la direction de la sécurité de l'aviation civile ouest et dans la limite de leurs attributions respectives ".

31. En premier lieu, la directrice de la sécurité et de l'aviation civile a pu légalement procéder à cette délégation de signature sur le fondement de l'article 5 du décret du 11 décembre 2008 visé ci-dessus, aux termes duquel : " Le directeur de la sécurité de l'aviation civile peut donner délégation de signature aux agents de l'échelon central et des échelons locaux relevant de son autorité, y compris aux fonctionnaires de catégorie B et aux agents contractuels de niveau équivalent ".

32. En deuxième lieu, en vertu de l'article 2 du décret du 11 décembre 2008 créant la direction de la sécurité de l'aviation civile, cette direction veille au respect " des dispositions législatives et réglementaires nationales, en matière de sécurité, de sûreté et d'environnement ". En outre, comme en dispose l'article 6 de l'arrêté du 12 janvier 2009 portant organisation de la direction de la sécurité de l'aviation civile ouest, " les délégations Basse-Normandie et Haute-Normandie, (...) sont chargées (...) des affaires techniques pour les missions de surveillance et de régulation qui leur sont confiées ". Il s'ensuit que la délivrance de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile relevait des attributions de la délégation de Basse-Normandie et de Haute-Normandie pour les projets situés dans son ressort géographique.

33. En troisième lieu, en vertu d'une note de service du 4 janvier 2013 du directeur de la sécurité de l'aviation civile ouest, M. D... était chargé, au sein de la délégation de Basse-Normandie et de Haute-Normandie, de délivrer les autorisations requises par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile.

34. Dans ces conditions et alors que le projet est situé dans le département de l'Eure, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que ne relevait pas des attributions de M. D... de délivrer l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'autorisation délivrée le 30 mai 2013 doit être écarté.

En ce qui concerne la consultation des communes limitrophes :

35. D'une part, aux termes du XI de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 visée ci-dessus : " Pour les projets éoliens dont les caractéristiques les soumettent à des autorisations d'urbanisme, les communes et établissements de coopération intercommunale limitrophes du périmètre de ces projets sont consultés pour avis dans le cadre de la procédure d'instruction de la demande d'urbanisme concernée ".

36. D'autre part, aux termes de l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : "Dans le cas d'un projet éolien soumis à permis de construire et situé en dehors d'une zone de développement de l'éolien définie par le préfet, l'autorité compétente recueille, conformément aux dispositions prévues au XI de l'article 90 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, l'avis des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme ou d'autorisations d'urbanisme limitrophes de l'unité foncière d'implantation du projet ".

37. Enfin, aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est transmise de manière dématérialisée ou, si les conseillers municipaux en font la demande, adressée par écrit à leur domicile ou à une autre adresse ". Aux termes de l'article L. 2121-11 du même code : " Dans les communes de moins de 3 500 habitants, la convocation est adressée trois jours francs au moins avant celui de la réunion (...) ".

38. En premier lieu, en limitant les consultations prévues par les dispositions du XI de l'article 90 de la loi du 12 juillet 2010 aux collectivités et établissements limitrophes de l'unité foncière d'implantation du projet, l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme n'a pas méconnu ces dispositions. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le préfet de l'Eure n'était donc pas tenu d'écarter l'application de cet article R. 423-56-1.

39. En deuxième lieu, dès lors que les communes d'Amfreville-Saint-Amand, de Saint-Pierre-du-Bosguirard, de la Pyle, du Thuit-de-L'Oison et du Bosc-du-Theil ne sont pas limitrophes de l'unité foncière d'implantation du projet, le préfet de l'Eure n'était pas tenu de les consulter sur le fondement de l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme, contrairement à ce que soutiennent les requérantes.

40. En troisième lieu, lors d'une séance du 19 septembre 2014, le conseil municipal de Saint-Meslin-du-Bosc a émis un avis favorable sur le projet. Si les requérantes soutiennent que les conseillers municipaux n'ont pas été régulièrement convoqués à cette séance, elles ne produisent aucun élément précis et circonstancié à l'appui de leurs allégations, notamment aucune observation d'un conseiller municipal en ce sens, alors que la délibération du 19 septembre 2014 mentionne que les conseillers ont été régulièrement convoqués le 5 septembre 2014 et que le maire a rappelé durant cette séance l'objet des arrêtés litigieux.

41. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article R. 423-56-1 du code de l'urbanisme et des articles L. 2121-10 et suivants du code général des collectivités territoriales doivent être écartés.

En ce qui concerne la protection de l'avifaune :

42. Aux termes de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement ".

43. Il résulte de ces dispositions qu'elles ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, telles que celles relatives à l'implantation ou aux caractéristiques des bâtiments et de leurs abords, si le projet de construction est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. A ce titre, s'il n'appartient pas à cette autorité d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être.

44. En l'espèce, si les requérantes soutiennent que les arrêtés attaqués devaient comporter des prescriptions assurant la protection de l'avifaune, elles ne produisent aucun élément précis et probant à l'appui de leurs allégations, alors que l'étude d'impact a conclu de manière circonstanciée à l'absence de risque pour l'avifaune eu égard, notamment, à l'implantation du projet sur des terres cultivées et aux distances d'éloignement prévues entre les aérogénérateurs.

45. En outre, il appartenait au préfet de l'Eure de tenir compte des prescriptions susceptibles d'assortir l'autorisation d'exploiter le parc éolien en cause. A ce titre, l'arrêté du 29 novembre 2021 délivrant cette autorisation prescrit, " afin de respecter la période de reproduction et de nidification de l'avifaune ", que les travaux de terrassement et d'enfouissement des réseaux devront débuter " entre le 15 août et le 1er mars de chaque année " et que les autres travaux ne pourront être réalisés qu'après " le passage sur site d'un bureau d'études spécialisé qui se positionne sur l'acceptabilité de ces travaux sur la période considérée ".

46. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de prescriptions spéciales protégeant l'avifaune doit être écarté.

En ce qui concerne les incidences sur la commodité du voisinage :

47. Les requérantes ne peuvent pas utilement soutenir que les arrêtés attaqués portent atteinte à la commodité du voisinage en méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, dès lors que ces dispositions ne sont pas opposables à une demande de permis de construire. Ce moyen doit ainsi être écarté comme inopérant.

48. Les requérantes ne peuvent pas non plus se prévaloir d'une telle atteinte sur le fondement de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dont les dispositions ont été reprises à l'article R. 111-27 du même code, dès lors que ces dispositions n'ont pas trait à la protection de la commodité du voisinage. Ce moyen doit ainsi être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne les incidences sur les paysages :

49. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

50. Pour apprécier si un projet de construction porte atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

51. D'une part, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'étude d'impact que le projet prendra place au nord du plateau de Neubourg, au sein de la " sous-entité paysagère le Roumois ", dans un secteur agricole ouvert, émaillé par un réseau régulier de villages et marqué, au sud et à l'ouest, par des zones boisées.

52. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des photomontages produits que le projet serait susceptible de porter atteinte au paysage naturel, lequel ne fait pas l'objet d'une protection réglementaire et ne présente pas d'intérêt particulier. En outre, même si le projet est situé à proximité des villages de Tourville-la-Campagne, de Saint-Meslin-du-Bosc et de La Hay-du-Theil, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait susceptible de préjudicier au site classé comprenant l'église de Tourville-la-Campagne, aux paysages urbains, aux lieux avoisinants ou à une perspective monumentale.

53. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme doit être écarté.

En ce qui concerne l'exécution des travaux :

54. En premier lieu, les requérants ne peuvent pas utilement se prévaloir à l'encontre des arrêtés attaqués, qui font droit à des demandes de permis de construire déposées le 3 mai 2013, de l'article L. 425-14 du code de l'urbanisme, dès lors que l'article 3 de l'ordonnance du 25 mars 2016 visée ci-dessus, qui a créé cet article L. 425-14, dispose que " Les dispositions de l'article 1er ne sont pas applicables aux projets pour lesquels les demandes de permis et les déclarations préalables ont été déposées antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la présente ordonnance ". Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit ainsi être écarté comme inopérant.

55. En second lieu, aux termes de l'article L. 512-2 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Si un permis de construire a été demandé, il peut être accordé mais ne peut être exécuté avant la clôture de l'enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du présent code ".

56. Conformément à ces dispositions, auxquelles ils se réfèrent expressément, les arrêtés attaqués disposent, en leur article 2, que les permis de construire ne pourront être exécutés " avant la clôture de l'enquête publique " organisée dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation d'exploiter présentée sur le fondement du code de l'environnement. Le moyen tiré de l'illégalité des dispositions des articles 2 des arrêtés attaqués doit ainsi être écarté.

En ce qui concerne la conformité au plan local d'urbanisme de Saint-Meslin-du-Bosc :

S'agissant de la conformité à l'article Ap 2 :

57. D'une part, aux termes de l'article R. 420-1 du code de l'urbanisme : " L'emprise au sol au sens du présent livre est la projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs inclus. / Toutefois, les ornements tels que les éléments de modénature et les marquises sont exclus, ainsi que les débords de toiture lorsqu'ils ne sont pas soutenus par des poteaux ou des encorbellements ".

58. D'autre part, aux termes de l'article Ap 1 du règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Meslin-du-Bosc dans sa rédaction applicable au litige : " Tout ce qui n'est pas autorisé à l'article Ap 2 est interdit ". Aux termes de l'article Ap 2 du même règlement : " Les constructions et installations nécessaires à l'installation et l'aménagement des voies et réseaux (eau potable, électricité, assainissement, voirie, gaz, traitement des eaux pluviales, aménagements routiers...) sous réserve de s'intégrer dans l'environnement et d'être compatibles avec le caractère de la zone (...) ".

59. En l'espèce, s'il est prévu qu'aucun des aérogénérateurs du projet ne sera implanté en zone Ap, il ressort des pièces du dossier et notamment du " plan des abords " que l'aérogénérateur E3 sera implanté sur le territoire de Saint-Meslin-du-Bosc à proximité de la limite séparant la parcelle n° 10, classée en zone A, et la parcelle n° 11, classée en zone Ap. Du fait de cette implantation et de l'envergure du projet, les pales de cet aérogénérateur surplomberont des terrains classés en zone Ap. En application des dispositions précitées de l'article R. 420-1 du code de l'urbanisme et en l'absence de disposition contraire du plan local d'urbanisme, l'emprise du projet doit ainsi être regardée comme s'étendant, dans cette mesure, en zone Ap.

60. Or cette zone est définie par le plan local d'urbanisme de Saint-Meslin-du-Bosc comme une zone de " protection agricole " et de " protection paysagère ", au sein de laquelle ne sont pas admis " les équipements collectifs ", à la catégorie desquels le projet litigieux appartient. En outre, s'il est prévu que l'électricité produite par le parc éolien sera transportée par le réseau public de distribution d'électricité, le projet ne peut être regardé comme une construction ou une installation nécessaire à " l'installation ou à l'aménagement " de ce réseau au sens des dispositions précitées de l'article Ap2 du règlement du plan local d'urbanisme.

61. Il s'ensuit que l'arrêté autorisant la construction de l'aérogénérateur E3 méconnaît, en tant que les pales de cet aérogénérateur survoleront des terrains classés en zone Ap, les dispositions précitées de l'article Ap 2 du règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Meslin-du-Bosc.

S'agissant de la conformité à l'article Ap 13 :

62. Aux termes de l'article Ap 13 du règlement du plan local d'urbanisme de Saint-Meslin-du-Bosc : " (...) Les parties de parcelles situées entre la façade des constructions nouvelles et la limite de la voie publique ou privée qui les borde peuvent être traitées en espaces verts (...) mais doit faire l'objet d'un aménagement paysager conçu en rapport avec le caractère de la voie qui les borde ".

63. Les requérantes ne peuvent pas utilement se prévaloir de ces dispositions à l'encontre de l'arrêté autorisant la construction de l'aérogénérateur E3, dès lors que cet arrêté ne prévoit pas la création d'une façade d'une construction nouvelle en zone Ap. En outre, ainsi qu'il a été dit, aucun autre aérogénérateur ni le poste de livraison ne seront implantés ou ne surplomberont la zone Ap. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article Ap 13 doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne les autres moyens :

64. En premier lieu, les requérantes ne peuvent pas utilement se prévaloir des dispositions du règlement de voirie départementale de l'Eure, dès lors que les arrêtés attaqués n'autorisent pas le projet au regard de ces dispositions, mais seulement au regard des règles d'urbanisme applicables. Par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant.

65. En second lieu, les requérantes ne peuvent pas utilement se prévaloir des dispositions du règlement du plan local d'urbanisme de Tourville-la-Campagne, qui a été approuvé le 24 novembre 2016, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions d'urbanisme applicables au projet sont celles en vigueur au 30 juillet 2014. Par suite, ce moyen doit être écarté comme inopérant.

66. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 26 février 2021 autorisant la construction des aérogénérateurs E1, E2 et E4 ainsi que du poste de livraison doivent être rejetées.

Sur la régularisation du vice entachant l'arrêté autorisant la construction de l'aérogénérateur E3 :

67. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux (...) ".

68. Le vice mentionné au point 61 est susceptible d'être régularisé par la délivrance d'un permis de construire modificatif. Cette régularisation pourra consister à modifier le lieu d'implantation du mât de l'aérogénérateur E3 au sein de la parcelle d'implantation du projet, de manière à ce que les pales de cet aérogénérateur ne survolent plus la zone Ap. Par suite, il y a lieu de surseoir à statuer pendant un délai de dix mois à compter de la notification du présent arrêt, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête tendant à l'annulation des arrêtés du 26 février 2021 par lesquels le préfet de l'Eure a autorisé la construction des aérogénérateurs E1, E2 et E4 ainsi que du poste de livraison sont rejetées.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 février 2021 par lequel le préfet de l'Eure a autorisé la construction de l'aérogénérateur E3, jusqu'à l'expiration d'un délai de dix mois dans les conditions prévues au point 68 du présent arrêt.

Article 3 : Tous droits et conclusions des parties sur lesquels il n'a pas été statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Tourville-la-Campagne, qui a été désignée à cette fin dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la société Ferme éolienne du Torpt, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 23 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Ghislaine Borot, présidente de chambre,

- Mme Isabelle Legrand, présidente-assesseure,

- M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. Eustache

La présidente de la 1ère chambre,

Signé : G. Borot

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

N°21DA02105 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21DA02105
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Stéphane Eustache
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : MONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21da02105 ?
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