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21/12/2023 | FRANCE | N°21BX03540

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 21 décembre 2023, 21BX03540


Vu la procédure suivante :



I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 21BX03540 les 27 août 2021, 28 octobre 2022, 12 avril 2023, 14 avril 2023 et 27 septembre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, et un mémoire en production de pièces, enregistré le 18 septembre 2023, la société par actions simplifiée Pew Anzème, représentée par Me Marais, demande à la cour :



1°) de déclarer irrecevable l'intervention de la commune d'Anzème ;



2°) de donner acte à la société Pew Saint-F

iel de l'abandon de son projet de parc éolien sur la commune de Saint-Fiel ;



3°) de donner acte de ...

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 21BX03540 les 27 août 2021, 28 octobre 2022, 12 avril 2023, 14 avril 2023 et 27 septembre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, et un mémoire en production de pièces, enregistré le 18 septembre 2023, la société par actions simplifiée Pew Anzème, représentée par Me Marais, demande à la cour :

1°) de déclarer irrecevable l'intervention de la commune d'Anzème ;

2°) de donner acte à la société Pew Saint-Fiel de l'abandon de son projet de parc éolien sur la commune de Saint-Fiel ;

3°) de donner acte de la suppression des éoliennes E3 et E4 du projet de parc éolien sur la commune d'Anzème et des mesures d'évitement supplémentaires ;

4°) d'annuler l'arrêté du 29 juin 2021 par lequel la préfète de la Creuse a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune d'Anzème ;

5°) de lui délivrer l'autorisation d'exploitation du parc éolien, le cas échéant assorti de prescriptions complémentaires ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué a porté gravement atteinte à ses droits dès lors que la préfète de la Creuse n'a pas pris en compte ses différentes observations émises dans le cadre de l'instruction du dossier ;

- la procédure contradictoire n'a pas été respectée ;

- il est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article R. 181-46 du code de l'environnement, dès lors que ces dispositions ne s'appliquent pas aux demandes d'autorisation en cours d'instruction ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que la suppression des éoliennes E3 et E4 résulte des recommandations de l'enquête publique formulées par le commissaire enquêteur et cette modification ne remet pas en cause l'économie générale du projet ;

- il est entaché d'erreur de fait dès lors que le projet n'entraîne pas un effet d'encerclement des hameaux de Chignaroche et Valette ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que l'étude d'impact n'est pas insuffisante ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la préfète de la Creuse ne pouvait rejeter sa demande sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'environnement sans prendre en compte les mesures d'évitement, de réduction et de compensation afin d'évaluer l'impact final du projet sur l'avifaune et les chiroptères et de fixer une prescription complémentaire notamment en ce qui concerne la période des travaux ;

- la commune d'Anzème ne justifie pas d'un intérêt à intervenir.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 février 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 22 février 2023, la commune d'Anzème intervient au soutien de la défense et conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- elle a qualité pour intervenir dans le cadre de la présente instance ;

- l'arrêté méconnait les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, dès lors que le projet porte atteinte à l'avifaune, aux chiroptères ainsi qu'aux paysages environnants.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 21BX03541 les 27 août 2021 et 20 septembre 2023, la société Pew Saint-Fiel, représentée par Me Marais, demande à la cour :

1°) de donner acte de l'abandon de son projet de parc éolien situé sur la commune de Saint-Fiel, de la suppression par la société Pew Anzème des éoliennes E3 et E4 du parc éolien situé sur la commune d'Anzème et des mesures d'évitement supplémentaires proposées dans sa lettre d'observation du 17 juin 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 juin 2021 par lequel la préfète de la Creuse a refusé de délivrer à la société Pew Anzème une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune d'Anzème ;

3°) de délivrer à la société Pew Anzème l'autorisation d'exploitation du parc éolien situé sur le territoire de la commune d'Anzème, le cas échéant assorti de prescriptions complémentaires ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir au soutien du projet de parc éolien situé sur la commune d'Anzème dès lors qu'elle fait partie du même groupe Eco Delta que la société Pew Anzème, chacune des deux sociétés ayant comme actionnaires majoritaires la société Delta Wind dont l'actionnaire unique est la société Eco Delta ;

- il est demandé à la cour de donner acte de l'abandon de son projet de parc éolien situé sur la commune de Saint-Fiel, proposé dans son courrier du 17 juin 2021 adressé à la préfète de la Creuse ;

- il est demandé à la cour de donner acte de la suppression des éoliennes E3 et E4 du parc éolien d'Anzème ;

- il est demandé à la cour de donner acte des mesures d'évitement supplémentaires proposées dans la lettre du 17 juin 2021 ;

- il est demandé à la cour d'annuler l'arrêté du 29 juin 2021 portant refus d'autorisation d'exploiter un parc éolien pris à l'encontre de la société Pew Anzème.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la société ne justifie d'aucune qualité à agir contre le refus d'autorisation d'exploiter le projet de parc éolien sur la commune d'Anzème pris à l'encontre de la société Pew Anzème, distinct de celui que porte la société requérante ; la requête est dépourvue de toute conclusion dirigée contre l'arrêté du 29 juin 2021 refusant l'autorisation d'exploiter qu'elle avait elle-même sollicitée ;

- à aucun moment la société requérante n'a fait part à la préfète de la Creuse de l'abandon de son projet de parc éolien sur la commune de Saint-Fiel au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement ; la société n'a pas retiré sa demande d'autorisation, et ne s'est pas désistée de son recours dirigé contre l'arrêté du 29 juin 2021 portant refus d'autorisation d'exploitation ; il n'y a dès lors pas lieu de donner acte de l'abandon du projet éolien dont la société requérante se prévaut.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 16 octobre 2023, la société Delta Wind et la société Eco Delta, représentées par Me Marais, demandent à la cour :

1°) de déclarer leur intervention recevable ;

2°) de donner acte à la société Pew Saint-Fiel de l'abandon de son projet de parc éolien situé sur le territoire de la commune de Saint Fiel ;

3°) de donner acte à la société Pew Anzème de la suppression des éoliennes E3 et E4 de son projet de parc éolien situé à Anzème et des mesures d'évitement supplémentaires ;

4°) d'annuler l'arrêté du 29 juin 2021 par lequel la préfète de la Creuse a refusé de délivrer à la société Pew Anzème une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien sur le territoire de la commune d'Anzème ;

5°) de délivrer à la société Pew Anzème l'autorisation d'exploitation du parc éolien situé sur le territoire de la commune d'Anzème, le cas échéant assorti de prescriptions complémentaires.

Elles font valoir que :

- leur intervention est recevable ;

- elles s'associent aux demandes de la société Pew Saint-Fiel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Pauline Reynaud,

- les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique,

- les observations de Me Marais, représentant la société Pew Anzème, la société Pew Saint-Fiel, la société Delta Wind et la société Eco Delta, et les observations de Me Saint Martin, représentant la commune d'Anzème.

Une note en délibéré présentée sous le n° 21BX03540 par la société Pew Anzème a été enregistrée le 6 décembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La société Pew Anzème et la société Pew Saint-Fiel sont deux filiales du groupe Eco Delta. La société Pew Anzème a déposé le 29 décembre 2015 une demande d'autorisation pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien composé de huit aérogénérateurs et de deux postes de livraison, sur le territoire de la commune d'Anzème. La société Pew Saint-Fiel a quant à elle, déposé le 27 janvier 2016 une demande d'autorisation pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et d'un poste de livraison, sur le territoire de la commune de Saint-Fiel. Par deux arrêtés du 29 juin 2021, la préfète de la Creuse a rejeté les demandes d'autorisation des deux sociétés. Par une requête n° 21BX03540, la société Pew Anzème demande à la cour d'annuler l'arrêté du 29 juin 2021 de refus d'autorisation d'exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune d'Anzème. Par une requête n° 21BX03541, la société Pew Saint-Fiel demande à la cour de lui donner acte de l'abandon du projet de parc éolien sur la commune de Saint-Fiel, et d'annuler l'arrêté du 29 juin 2021 de refus d'autorisation d'exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune d'Anzème opposé à la société Pew Anzème.

2. Les requêtes visées ci-dessus présentent à juger des mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre afin qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur la recevabilité des conclusions présentées par la société Pew Saint-Fiel :

3. En premier lieu, la société Pew Saint-Fiel demande à la cour, d'une part, d'annuler l'arrêté du 29 juin 2021 par lequel la préfète de la Creuse a refusé d'autoriser la société Pew Anzème à exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune d'Anzème, d'autre part, de délivrer l'autorisation sollicitée. La société Pew Saint-Fiel ne justifie toutefois pas d'un intérêt à agir contre cet arrêté, lequel porte sur un projet de parc éolien distinct, en se bornant à invoquer la circonstance que la société Pew Anzème appartient comme elle au groupe Eco Delta, et qu'elle a également pour actionnaire majoritaire la société Delta Wind. Dans ces conditions, les conclusions présentées par la société Pew Saint-Fiel tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juin 2021 par lequel la préfète de la Creuse a refusé d'autoriser la société Pew Anzème à exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune d'Anzème et à ce que la cour délivre l'autorisation sollicitée, doivent être écartées comme étant irrecevables.

4. En deuxième lieu, il n'appartient pas à la cour de donner acte de la suppression des éoliennes E3 et E4 du projet de parc éolien sur le territoire de la commune d'Anzème, ni des mesures d'évitement supplémentaires relatives à ce projet.

5. En troisième et dernier lieu, il n'appartient pas davantage à la cour de donner acte de l'abandon du projet de parc éolien sur le territoire de la commune de Saint-Fiel, qui ne résulte au demeurant pas des pièces produites par la société Pew Saint-Fiel. Par suite, de telles conclusions ne peuvent qu'être rejetées comme étant irrecevables.

Sur la recevabilité des interventions :

En ce qui concerne l'intervention des sociétés EcoDelta et Delta Wind :

6. L'intervention des sociétés EcoDelta et Delta Wind est présentée à l'appui de la requête de la société Pew Saint-Fiel. Cette requête étant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, irrecevable, l'intervention n'est en conséquence pas recevable.

En ce qui concerne l'intervention de la commune d'Anzème :

7. Il résulte de l'instruction que la zone d'implantation du projet de parc éolien en litige se situant sur le territoire de la commune d'Anzème, cette dernière justifie d'un intérêt suffisant à intervenir au soutien des conclusions du ministre tendant au rejet de la demande d'annulation du refus d'autorisation en litige. Par suite, l'intervention de la commune d'Anzème doit être accueillie.

Sur la légalité de l'arrêté du 29 juin 2021 portant refus d'autorisation du projet éolien situé sur le territoire de la commune d'Anzème :

En ce qui concerne la légalité externe :

8. Aux termes de l'article R. 512-26 du code de l'environnement : " Le projet d'arrêté statuant sur la demande est porté par le préfet à la connaissance du demandeur, auquel un délai de quinze jours est accordé pour présenter éventuellement ses observations par écrit au préfet, directement ou par mandataire (...) ".

9. Il ne résulte pas de l'instruction que le délai laissé à la société Pew Anzème entre le 26 mai 2021, date à laquelle la société a été convoquée pour faire valoir ses observations auprès de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites de la Creuse, et le 3 juin 2021, date à laquelle s'est tenue cette commission, n'aurait pas été suffisant pour lui permettre de se préparer utilement. La société requérante n'indique par ailleurs pas quelles informations elle n'aurait pas été à même de faire valoir dans le cadre de l'instruction de son dossier de demande, alors qu'il ressort des pièces du dossier que par courrier du 17 juin 2021, elle a transmis à la préfète de la Creuse ses observations relatives au projet de refus d'autorisation d'exploiter le parc éolien en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la procédure contradictoire doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

10. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige : " I.- Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. II.- L'étude d'impact présente : / 2° Une analyse de l'état initial de la zone et des milieux susceptibles d'être affectés par le projet, portant notamment sur la population, la faune et la flore, les habitats naturels, les sites et paysages, les biens matériels, les continuités écologiques telles que définies par l'article L. 371-1, les équilibres biologiques, les facteurs climatiques, le patrimoine culturel et archéologique, le sol, l'eau, l'air, le bruit, les espaces naturels, agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que les interrelations entre ces éléments ; / 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux ; (...) / 7° Les mesures prévues par le pétitionnaire ou le maître de l'ouvrage pour : / -éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / -compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité (...) ".

11. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

12. Il appartient au pétitionnaire qui sollicite une autorisation d'exploiter une installation susceptible de porter atteinte à l'environnement de faire apparaître, dans sa demande, tous les éléments d'informations disponibles sur l'existence de ce risque d'atteinte et sur sa nature. En particulier, l'étude d'impact jointe à la demande d'autorisation doit faire apparaître l'existence éventuelle d'espèces protégées dans la zone concernée par le projet et les risques auxquels peuvent être exposés ces espèces protégées et leurs habitats en vue de permettre au service instructeur de se prononcer en connaissance de cause sur la demande au regard des intérêts protégés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et de la nécessité d'accompagner le cas échéant cette demande d'une dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées ou de leurs habitats prévue à l'article L. 411-2 du même code.

13. Pour refuser de délivrer l'autorisation sollicitée, la préfète de la Creuse s'est fondée sur le motif tiré de ce que les éléments apportés en réponse à l'avis de l'autorité environnementale par la pétitionnaire, dans l'étude d'impact du projet éolien dans sa version de janvier 2019 et dans le volet faune/flore dans sa version de décembre 2018, " ne répondent pas pleinement aux remarques soulevées et font d'ailleurs naître d'autres observations, lacunes ou incohérences ". La préfète estime ainsi que plusieurs motifs " entachent fortement de doutes les conclusions de l'étude d'impact et ne permettent pas de les partager sur les conséquences du projet en particulier sur l'avifaune et les chiroptères ".

14. Il résulte de l'instruction que, s'agissant de l'avifaune, l'étude d'impact comporte plusieurs incohérences, s'agissant tout d'abord des dates de passage mentionnées pour procéder aux écoutes de l'avifaune nicheuse, par rapport à celles indiquées dans la présentation détaillée du protocole correspondant, d'autant que les résultats de ces inventaires ne permettent pas de confirmer ces dates dans la mesure où ils sont présentés de manière globale. Il en va de même s'agissant des dates d'observation mentionnées qui ont été fournies lors de la présentation des résultats d'inventaires de l'avifaune en migration prénuptiale, par rapport à celles qui sont indiquées dans la méthodologie. Par ailleurs, la société pétitionnaire ne conteste pas que les résultats des observations réalisées en période de migration prénuptiale s'agissant de certaines espèces d'oiseaux comme le vanneau huppé, la cigogne blanche, le busard Saint-Martin, le milan noir et le milan royal, ne sont pas traités dans le volet faune/flore de décembre 2018, alors qu'il résulte des termes mêmes de ce document qu'il constitue l'élément de référence en ce qui concerne l'état initial, les impacts et mesures associés du volet faune et flore.

15. S'agissant des chiroptères, il résulte de l'instruction que la carte spécifique des enjeux liés aux corridors et territoires de chasse des chiroptères au niveau des haies et lisières, présentée dans le volet faune/flore initial ne figure pas dans le volet faune/flore dans sa version de décembre 2018 alors que des zones à enjeu fort figuraient dans le document initial, et que la société ne précise pas les raisons de cette évolution. Il est également constant que la société pétitionnaire n'a pas réalisé d'écoutes nocturnes dans la zone d'implantation du projet ouest s'agissant des chiroptères et de l'avifaune, ne permettant pas d'apprécier le niveau des enjeux les concernant dans cette zone.

16. Il résulte également de l'instruction que le projet, qui nécessite le défrichement d'une superficie de 5 259 m² de surfaces boisées, présente des incertitudes quant à l'impact que représentent ces coupes d'arbres. En effet, le volet faune/flore dans sa version de décembre 2018 qualifie l'impact sur l'habitat des chiroptères en phase travaux de nul, en raison de l'absence de coupe d'arbres présentant des potentialités de gîtes, et de coupes d'arbres marginales de bois jeunes sans potentialité de gîte observée, alors que le volet faune/flore initial indiquait que " le projet n'aurait pas d'effet négatif significatif sur les gîtes potentiels mais que toutefois, compte tenu de la présence de gîtes arboricoles potentiels, il y aura lieu de faire contrôler par un naturaliste les arbres devant être détruits lors du défrichement " et envisageait une mesure d'évitement et de réduction afin de réaliser un abattage d'arbres gîtes potentiels de moindre impact.

17. Il résulte d'ailleurs de l'instruction que la MRAE, dans son avis émis le 28 février 2018 a relevé les faiblesses de l'étude d'impact s'agissant de l'analyse de l'état initial concernant le milieu naturel, ne permettant pas de s'assurer de l'évaluation faite des niveaux des enjeux concernant l'avifaune et les chiroptères, ni d'évaluer la pertinence et la proportionnalité des mesures prévues au regard de ces enjeux. Afin de répondre à cet avis, la société pétitionnaire a produit un volet faune/flore mis à jour en décembre 2018, ainsi qu'une étude d'impact actualisée en janvier 2019. Il résulte toutefois du rapport de l'inspection des installations classées du 17 mai 2021 que les éléments alors apportés par la société " interrogent quant à la justesse de l'appréciation des enjeux, impacts et mesures d'évitement, de réduction et de compensation pour ce qui concerne l'avifaune ".

18. Il résulte de ce qui précède que les insuffisances et incohérences de l'étude d'impact n'ont pas permis à la préfète de la Creuse d'apprécier le niveau des enjeux et impacts s'agissant de l'avifaune et des chiroptères. Par suite, ce motif justifie à lui seul que soit opposé un refus de délivrance de l'autorisation sollicitée par la société pétitionnaire.

19. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 29 juin 2021 doivent être rejetées. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Pew Anzème doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes demandées par la société Pew Anzème et par la société Pew Saint-Fiel au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la commune d'Anzème est admise.

Article 2 : L'intervention des sociétés EcoDelta et Delta Wind n'est pas admise.

Article 3 : Les requêtes n° 21BX03540 et n° 21BX03541 présentées par les sociétés Pew Anzème et Pew Saint-Fiel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Pew Anzème, à la société par actions simplifiée Pew Saint-Fiel, à la commune d'Anzème, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et aux sociétés Delta Wind et Eco Delta.

Copie pour information en sera délivrée à la préfète de la Creuse.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Evelyne Balzamo, présidente de chambre,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

La rapporteure,

Pauline ReynaudLe président,

Luc Derepas Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX03540, 21BX03541 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03540
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : MONPION

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21bx03540 ?
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