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21/12/2023 | FRANCE | N°21BX01344

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 21 décembre 2023, 21BX01344


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler son compte rendu d'entretien professionnel établi au titre de l'année 2018, de mettre à la charge de la commune du Vigen une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la commune du Vigen aux entiers dépens.

Par un jugement n° 1902131 du 28 décembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.



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me A... s'est pourvue le 26 février 2021 en cassation devant le Conseil d'État, qui par ordonnance d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler son compte rendu d'entretien professionnel établi au titre de l'année 2018, de mettre à la charge de la commune du Vigen une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la commune du Vigen aux entiers dépens.

Par un jugement n° 1902131 du 28 décembre 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.

Mme A... s'est pourvue le 26 février 2021 en cassation devant le Conseil d'État, qui par ordonnance du 26 mars 2021, a attribué sa requête à la Cour administrative d'appel de Bordeaux.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par un mémoire, enregistré le 31 janvier 2022, Mme A..., représentée par Me Galinet, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement rendu par le tribunal administratif de Limoges du 28 décembre 2020 ;

2°) d'annuler le compte-rendu d'entretien professionnel définitif établi par le maire du Vigen au titre de l'année 2018 ;

3°) de condamner la commune du Vigen à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en l'absence d'audience publique, le jugement est irrégulier ;

- le maire n'a pas informé la commission administrative paritaire (CAP) dans le délai d'un mois des motifs qui l'ont conduit à ne pas suivre son avis, contrairement aux dispositions de l'article 30 du décret du 17 avril 1989 ; les délais de trois mois pris par le maire pour adresser cette information à la CAP, puis de près d'un an pour lui notifier son compte-rendu ne sont pas raisonnables et l'ont privée d'une garantie, en ce que les éléments de bilan permettent de préparer les tableaux d'avancement, et que les motifs du maire devaient être portés à sa connaissance pour préserver les droits de la défense ; c'est donc à tort que le tribunal a neutralisé ce vice de procédure ;

- les reproches faits sur la qualité des informations données aux administrés sont infondés, tout comme l'absence de capacité à rendre compte ou la réalisation du travail de façon mécanique ; le commentaire de l'évaluateur sur l'utilisation des outils métier est déconnecté des critères à apprécier ; les justifications d'un besoin d'améliorer les relations professionnelles sont très floues ;

- la mention " année difficile " ne se réfère pas à la qualité de son travail mais aux difficultés médicales rencontrées à la suite d'une dégradation de ses conditions de travail, qui ont conduit à un arrêt de travail du 3 avril au 1er septembre 2018, avec reprise à mi-temps thérapeutique ;

- en qualité de fonctionnaire de catégorie C, elle ne pouvait être soumise à un objectif d'" être force de proposition au sein du service ", et l'adjoint à l'urbanisme ne s'est jamais plaint de ses interventions dans ce domaine ;

- son compte-rendu est donc entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que les appréciations de trois médecins n'établissaient pas le lien entre la dégradation de son état de santé et ses relations avec ses supérieurs hiérarchiques ; le compte-rendu, qui ne reflète pas sa valeur professionnelle, est entaché de détournement de pouvoir ;

Par un mémoire, enregistré le 10 novembre 2022, la commune du Vigen conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... d'une somme de 2 200 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 89-229 du 17 avril 1989 ;

- le décret n°2014-1526 du 16 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

- et les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., adjoint administratif principal de deuxième classe occupant le poste de secrétaire polyvalente de la commune du Vigen, a fait l'objet d'un entretien professionnel le 19 novembre 2018, et un compte rendu daté du 21 novembre 2018 lui a été communiqué le jour même. Elle en a sollicité la révision par le maire, et a obtenu de la commission administrative paritaire de catégorie C un avis favorable à cette révision en date du 21 mars 2019, mais son compte rendu d'entretien professionnel définitif lui a été notifié le 17 octobre 2019 sans changement. Mme A... a demandé l'annulation de son compte rendu d'entretien professionnel au tribunal administratif de Limoges, et relève appel du jugement du 28 décembre 2020 qui a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R.741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique. (...) ". Cette mention fait foi jusqu'à preuve contraire.

3. Si Mme A... avait fait valoir, dans la requête sommaire qui a été transmise à la cour, que l'audience du 16 décembre 2020 n'aurait pas été publique, elle n'apporte aucun élément de nature à corroborer cette affirmation, contredite par les mentions du jugement. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur la légalité du compte-rendu :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 76 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 : " L'appréciation, par l'autorité territoriale, de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct qui donne lieu à l'établissement d'un compte rendu. Les commissions administratives paritaires ont connaissance de ce compte rendu ; à la demande de l'intéressé, elles peuvent demander sa révision. Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. " Aux termes de l'article 7 du décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 relatif à l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires territoriaux : " I. - L'autorité territoriale peut être saisie par le fonctionnaire d'une demande de révision du compte rendu de l'entretien professionnel. / Cette demande de révision est exercée dans un délai de quinze jours francs suivant la notification au fonctionnaire du compte rendu de l'entretien. L'autorité territoriale notifie sa réponse dans un délai de quinze jours à compter de la date de réception de la demande de révision du compte rendu de l'entretien professionnel. II. - Les commissions administratives paritaires peuvent, à la demande de l'intéressé et sous réserve qu'il ait au préalable exercé la demande de révision mentionnée à l'alinéa précédent, proposer à l'autorité territoriale la modification du compte rendu de l'entretien professionnel. Dans ce cas, communication doit être faite aux commissions de tous éléments utiles d'information. Les commissions administratives paritaires doivent être saisies dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de la réponse formulée par l'autorité territoriale dans le cadre de la demande de révision. L'autorité territoriale communique au fonctionnaire, qui en accuse réception, le compte rendu définitif de l'entretien professionnel ". Enfin, l'article 30 du décret n° 89-229 du 17 avril 1989 relatif aux commissions administratives paritaires des collectivités territoriales et de leurs établissements publics énonce : " (...) / Lorsque l'autorité territoriale prend une décision contraire à l'avis ou à la proposition émis par la commission, elle informe dans le délai d'un mois la commission des motifs qui l'ont conduite à ne pas suivre cet avis ou cette proposition. (...) ".

5. Ni ces dispositions ni aucune autre n'imposent que l'information de la CAP, puis celle du fonctionnaire évalué, soient faites dans un délai sous peine d'illégalité du compte-rendu d'entretien professionnel. Dans ces conditions, les circonstances que le maire n'a adressé un courrier d'explications au président de la CAP que le 9 juillet 2019, plus de trois mois après l'avis du 21 mars, et qu'il n'a notifié le compte-rendu définitif à Mme A... que le 17 octobre 2019, ne peuvent être utilement invoquées pour demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'évaluation professionnelle en litige.

6. En deuxième lieu, Mme A... critique le bien-fondé des appréciations portées par son supérieur hiérarchique sur la qualité de son travail et de ses relations professionnelles. Elle fait valoir que depuis l'arrivée en 2017 d'une nouvelle directrice générale des services, ses conditions de travail se sont dégradées, qu'elle a été en arrêt de travail d'avril à septembre 2018, avec reprise à temps partiel thérapeutique, pour un symptôme dépressif que trois médecins ont reconnu imputable à son milieu professionnel, que le maire a manifesté une suspicion injustifiée concernant la dégradation de son état de santé, et que la prétendue dégradation de son comportement à la suite d'un refus de promotion interne ne reflète pas la réalité de sa manière de servir.

7. Aux termes de l'article 3 du décret du 16 décembre 2014 : " L'entretien professionnel porte principalement sur : / 1° Les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire eu égard aux objectifs qui lui ont été assignés et aux conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève ; / 2° Les objectifs assignés au fonctionnaire pour l'année à venir et les perspectives d'amélioration de ses résultats professionnels, compte tenu, le cas échéant, des évolutions prévisibles en matière d'organisation et de fonctionnement du service ; / 3° La manière de servir du fonctionnaire ; / 4° Les acquis de son expérience professionnelle ". L'article 4 du même décret prévoit que : " Les critères à partir desquels la valeur professionnelle du fonctionnaire est appréciée, au terme de cet entretien, sont fonction de la nature des tâches qui lui sont confiées et du niveau de responsabilité assumé. Ces critères, fixés après avis du comité technique, portent notamment sur : / 1° Les résultats professionnels obtenus par l'agent et la réalisation des objectifs ; / 2° Les compétences professionnelles et techniques ; / 3° Les qualités relationnelles ; / 4° La capacité d'encadrement ou d'expertise ou, le cas échéant, à exercer des fonctions d'un niveau supérieur. ".

8. Mme A... n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments de nature à démontrer que les insuffisances relevées en termes de recherche d'informations pour le public, de retour à l'autorité hiérarchique de la réalisation de tâches ou de recherche d'un terrain d'entente au sein de l'équipe reposeraient sur des faits inexacts ou une erreur manifeste d'appréciation. La circonstance que de tels reproches n'auraient jamais été formulés auparavant ou celle, pour regrettable qu'elle soit, que la formulation des commentaires puisse parfois être blessante, ne permettent pas davantage de les regarder comme infondés. En l'absence d'un droit au maintien du niveau des appréciations précédentes, la seule circonstance que plusieurs items aient fait l'objet simultanément d'une évaluation en recul ne démontre pas davantage que cette appréciation serait erronée, alors que le maire a expliqué à l'intéressée vouloir changer les pratiques en mettant l'accent sur la sincérité des évaluations. Enfin, comme l'a justement relevé le tribunal, si les métiers de la catégorie hiérarchique C de la fonction publique correspondent à des fonctions d'exécution, cette circonstance n'est pas incompatible avec la possibilité pour ces agents de devenir force de proposition et d'initiatives au sein du service, si bien que Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait être soumise à un tel objectif. Si elle indique avoir parfois fait des propositions afin d'améliorer le service, elle n'en donne aucune illustration. Ainsi, et alors même que la commune ne contredit pas devant la cour l'absence de toute doléance de l'adjoint à l'urbanisme, de nature à interroger sur l'absence d'atteinte des objectifs en la matière, il ne ressort pas des pièces du dossier que le compte-rendu d'évaluation serait globalement entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. En troisième lieu, si le médecin du travail a reconnu que le mal-être au travail pouvait concerner la moitié de l'effectif communal, il ressort des pièces du dossier que cette situation s'explique par une remise à plat des conditions de congés et de primes des agents, et que Mme A... n'est donc pas seule concernée. Par ailleurs, celle-ci n'explique pas en quoi la modification de sa fiche de poste la lèserait particulièrement, ne donne aucune précision sur l'altercation au cours de laquelle la directrice générale des services lui aurait fait des reproches en public de façon violente, qui semble en lien avec un malentendu sans gravité sur une remise de clés, et n'apporte pas d'éléments de nature à laisser penser qu'elle serait victime d'un harcèlement moral. Par suite, le moyen tiré d'un détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre que le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de son évaluation professionnelle pour l'année 2018.

Sur les frais liés au litige :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune du Vigen au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme C... A... et à la commune du Vigen.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 décembre 2023.

La présidente-assesseure

Anne MeyerLa présidente, rapporteure

Catherine B...

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX01344 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01344
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;21bx01344 ?
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