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21/12/2023 | FRANCE | N°20NC02453

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chbre / 3ème chbre réunies, 21 décembre 2023, 20NC02453


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association " Les amis du patrimoine et de l'environnement de Sermange " ainsi que M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la délibération du 15 décembre 2016 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes Jura Nord (CCJN) a déclaré d'intérêt général le projet d'implantation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Sermange et mis en compatibilité le plan local d'urbanisme de cette commune, ainsi que la

décision implicite de rejet de leur recours gracieux.



Par un jugement n° 17010...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Les amis du patrimoine et de l'environnement de Sermange " ainsi que M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la délibération du 15 décembre 2016 par laquelle le conseil communautaire de la communauté de communes Jura Nord (CCJN) a déclaré d'intérêt général le projet d'implantation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Sermange et mis en compatibilité le plan local d'urbanisme de cette commune, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1701063 du 30 janvier 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 août 2020, l'association " Les amis du patrimoine et de l'environnement de Sermange " et M. et Mme B..., représentés par Me Monamy, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 30 janvier 2020 ;

2°) d'annuler la délibération du 15 décembre 2016 prise par le conseil communautaire de la communauté de communes Jura Nord portant déclaration d'intérêt général du projet d'implantation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Sermange et mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de cette commune, ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Jura Nord la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué, qui écarte par une motivation insuffisante le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 123-19 du code de l'environnement et n'a pas répondu au moyen tiré du défaut d'impartialité du commissaire enquêteur, est irrégulier ;

- l'avis du commissaire enquêteur est irrégulier dès lors qu'il n'a pas pris en compte les observations du public défavorables au projet, qu'il a insuffisamment motivé son avis et manqué à son obligation d'accomplir avec impartialité sa mission ;

- le rapport de présentation est insuffisant au regard de l'article R. 123-2 du code de l'urbanisme ;

- aucune évaluation des incidences n'a été réalisée, en méconnaissance des articles L. 121-10 et R. 123-2-1 du code de l'urbanisme ;

- le rapport de présentation n'est pas cohérent avec le plan d'aménagement et de développement durables et le règlement du plan local d'urbanisme modifiés à la suite de la mise en compatibilité ;

- le projet objet de la déclaration ne présente pas un caractère d'intérêt général.

La communauté de communes du Jura Nord, à laquelle la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire en défense.

Par un courrier du 11 octobre 2023, la cour a informé les parties qu'elle est susceptible de surseoir à statuer pour permettre la régularisation des vices affectant la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme, tenant à l'irrégularité de l'avis du commissaire enquêteur et au caractère incomplet du rapport de présentation concernant les aspects relatifs à l'évaluation environnementale, et les a invitées à fournir leurs observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Monamy, représentant l'association " Les amis du patrimoine et de l'environnement de Sermange " et M. et Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 11 décembre 2014, la communauté de communes Jura Nord a engagé une procédure de déclaration de projet emportant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune de Sermange pour permettre la réalisation d'un parc de onze éoliennes sur le territoire des communes de Gendrey (six éoliennes), Saligney (une éolienne) et Sermange (quatre éoliennes). A l'issue de l'enquête publique, par une délibération du 15 décembre 2016, le conseil communautaire de cet établissement public a déclaré ce projet d'intérêt général et a, en conséquence, approuvé la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune de Sermange. Par un courrier du 14 février 2017, M. et Mme B... ainsi que l'association " Les amis du patrimoine et de l'environnement de Sermange " ont sollicité le retrait de cette délibération. A la suite du rejet implicite de ce recours gracieux, ils ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la délibération du 15 décembre 2016 ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux. Par un jugement du 30 janvier 2020, dont l'association " Les amis du patrimoine et de l'environnement de Sermange " et M. et Mme B... font appel, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, il ressort des motifs mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment répondu à l'ensemble des branches développées par les requérants au soutien du moyen tiré de l'irrégularité de l'avis et du rapport du commissaire enquêteur.

3. D'autre part, si le tribunal n'a pas expressément mentionné que le commissaire enquêteur n'avait pas manqué à son obligation d'impartialité dans l'exercice de sa mission, il a relevé les éléments permettant de regarder celui-ci comme ayant accompli sa mission sans partialité. Dès lors, le tribunal a suffisamment répondu à cette branche du moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du commissaire enquêteur.

4. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) ".

6. Si ces dispositions n'imposent pas au commissaire enquêteur de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de cet avis.

7. Il ressort des pièces du dossier que le commissaire enquêteur a mentionné dans son rapport, par thème et chronologiquement, les observations portées par le public sur le registre prévu à cet effet ou reçues par courrier et qu'il les a analysées puis transmises au maître d'ouvrage pour qu'il y apporte une réponse. Toutefois, pour plusieurs de ces observations, relatives en particulier au cadre de vie et à la santé, le commissaire enquêteur a précisé qu'elles ne concernaient pas l'enquête dont il était saisi mais celle qui serait conduite dans le cadre de la demande d'autorisation unique pour le parc éolien. De même, dans la partie relative à son avis personnel, il a, de nouveau, mentionné que les enjeux négatifs du projet dont il était saisi n'étaient pas directement liés à l'objet de l'enquête mais à la réalisation du projet lui-même soumis à une autre enquête publique et qu'il ne lui appartenait pas " de porter un avis sur les aspects techniques du projet éolien et ses enjeux positifs ou négatifs ".

8. Dans ces conditions, eu égard aux limites qu'il a fixées à l'enquête dont il était saisi, le commissaire enquêteur ne peut être regardé comme ayant rendu un avis motivé en ayant pris en considération l'ensemble des avantages et inconvénients du projet soumis à déclaration et emportant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme. Un tel vice, compte tenu de l'importance de l'avis du commissaire enquêteur, est de nature à avoir exercé une influence sur le sens de la délibération adoptée par le conseil communautaire de la communauté de communes Jura Nord. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 123-19 du code de l'environnement doit, par suite, être accueilli.

9. En deuxième lieu, il résulte des termes du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur qu'après avoir analysé, ainsi qu'il a été indiqué au point 7, chacune des observations émises par le public, il a rendu un avis motivé, personnel et objectif. S'il a pris le parti de ne pas retenir certains aspects positifs et négatifs du projet, cette seule circonstance n'est pas, en l'espèce, de nature à révéler un manque d'impartialité de sa part dans l'accomplissement de sa mission.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 123-2-1 du code de l'urbanisme, applicable en vertu du VI de l'article 12 du décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 : " Lorsque le plan local d'urbanisme doit faire l'objet d'une évaluation environnementale conformément aux articles L. 121-10 et suivants, le rapport de présentation : / 1° Expose le diagnostic prévu au deuxième alinéa de l'article L. 123-1-2 et décrit l'articulation du plan avec les autres documents d'urbanisme et les plans ou programmes mentionnés à l'article L. 122-4 du code de l'environnement avec lesquels il doit être compatible ou qu'il doit prendre en considération ; / 2° Analyse l'état initial de l'environnement et les perspectives de son évolution en exposant, notamment, les caractéristiques des zones susceptibles d'être touchées de manière notable par la mise en œuvre du plan ; / 3° Analyse les incidences notables prévisibles de la mise en œuvre du plan sur l'environnement et expose les conséquences éventuelles de l'adoption du plan sur la protection des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement, en particulier l'évaluation des incidences Natura 2000 mentionnée à l'article L. 414-4 du code de l'environnement ; / 4° Explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, au regard notamment des objectifs de protection de l'environnement établis au niveau international, communautaire ou national, et, le cas échéant, les raisons qui justifient le choix opéré au regard des solutions de substitution raisonnables tenant compte des objectifs et du champ d'application géographique du plan. Il expose les motifs de la délimitation des zones, des règles qui y sont applicables et des orientations d'aménagement. Il justifie l'institution des secteurs des zones urbaines où les constructions ou installations d'une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement sont interdites en application du a de l'article L. 123-2 ; / 5° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser, s'il y a lieu, les conséquences dommageables de la mise en œuvre du plan sur l'environnement ; / 6° Définit les critères, indicateurs et modalités retenus pour l'analyse des résultats de l'application du plan prévue par l'article L. 123-12-2. Ils doivent permettre notamment de suivre les effets du plan sur l'environnement afin d'identifier, le cas échéant, à un stade précoce, les impacts négatifs imprévus et envisager, si nécessaire, les mesures appropriées ; / 7° Comprend un résumé non technique des éléments précédents et une description de la manière dont l'évaluation a été effectuée. / Le rapport de présentation est proportionné à l'importance du plan local d'urbanisme, aux effets de sa mise en œuvre ainsi qu'aux enjeux environnementaux de la zone considérée. / En cas de modification, de révision ou de mise en compatibilité dans les cas prévus aux articles R. 123-23-1, R. 123-23-2, R. 123-23-3, R. 123-23-4 et R. 300-15 à R. 300-27, du plan local d'urbanisme, le rapport de présentation est complété par l'exposé des motifs des changements apportés. / Le rapport de présentation peut se référer aux renseignements relatifs à l'environnement figurant dans d'autres études, plans ou documents. (...) En cas de modification, de révision ou de mise en compatibilité dans les cas prévus aux articles R. 123-23-1, R. 123-23-2, R. 123-23-3, R. 123-23-4 et R. 300-15 à R. 300-27, du plan local d'urbanisme, le rapport de présentation est complété par l'exposé des motifs des changements apportés ".

11. Les requérants soutiennent que, bien que la déclaration de projet soit soumise à une évaluation environnementale, ni le rapport de présentation, ni la notice de présentation du projet soumis à déclaration emportant mise en compatibilité du plan local d'urbanisme ne comportent les éléments prévus par l'article R. 123-2-1 du code de l'urbanisme.

12. Il résulte du a du 1° du II de l'article L. 121-10 du code de l'environnement, alors en vigueur, et il n'est pas contesté que la déclaration de projet en litige devait faire l'objet d'une évaluation environnementale. Le rapport de présentation ou le document assimilable à celui-ci doit, dès lors, satisfaire aux exigences de l'article R. 123-2-1 du code de l'urbanisme. En l'espèce, si la notice de présentation, qui peut être regardée comme un additif au rapport de présentation, dresse un état des lieux suffisant au regard des modifications apportées au plan local d'urbanisme, il en ressort toutefois que seuls les effets du projet éolien sur l'environnement ont été appréciés et non les incidences induites par les modifications réglementaires apportées au plan qui autorisent plus largement à l'avenir toutes les constructions et installations nécessaires à la mise en œuvre et à l'exploitation de ressources locales d'énergies renouvelables notamment en zone N. A cet égard, les photomontages établissent clairement que seules les incidences du projet éolien objet de la déclaration de projet et, notamment, celles concernant le patrimoine et le paysage ont été examinées. De même, seuls les effets des éoliennes sur les sites Natura 2000 et leurs espèces ont été pris en considération. Ainsi, la notice de présentation ne satisfait pas au 3° de l'article R. 123-2-1 du code de l'urbanisme. Enfin, si la notice justifie suffisamment de la délimitation de la zone et de la modification des orientations, les mesures d'évitement, de réduction et de compensation exigées par le 5° de l'article R. 123-2-1 du code de l'urbanisme ont été envisagées uniquement au regard du parc éolien projeté dans la zone et non de la mise en œuvre des dispositions du plan modifié. Dans ces conditions, eu égard à la nature des modifications du plan local d'urbanisme, les requérants sont fondés à soutenir que la notice de présentation comporte des insuffisances au titre de l'évaluation environnementale.

13. En quatrième lieu, dès lors que, comme il a été dit au point 12, la modification du plan local d'urbanisme devait être soumise à une évaluation environnementale dont les éléments doivent figurer dans le rapport de présentation prévu par l'article R. 123-2-1 du code de l'urbanisme, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des insuffisances du rapport de présentation, complété par la notice de présentation, au regard des dispositions de l'article R. 123-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige.

14. En cinquième lieu, il ressort des termes du rapport de présentation que les auteurs du plan local d'urbanisme de la commune de Sermange ont, dans le parti d'aménagement, mentionné leur intention de ne pas étendre l'urbanisation à l'entrée du village depuis la route de Gendrey afin notamment de ne pas porter préjudice à la qualité des paysages et à la proximité immédiate du château et de classer en zone N, entre autres, les terrains situés face à celui-ci pour des motifs d'ordre paysager. La modification, dans le cadre de la mise en compatibilité, du règlement de la zone N, consistant à autoriser " les constructions et installations nécessaires à la mise en œuvre et à l'exploitation de ressources locales d'énergies renouvelables (éoliens solaires ...) compatibles avec la sauvegarde des espaces naturels " n'est pas en contradiction avec les considérations générales du rapport de présentation dès lors que les constructions et installations ne devront pas porter atteinte à la préservation des points de vue identifiés dans le cadre du plan d'aménagement et de développement durables, dont le château de Sermange.

15. Il n'existe pas davantage d'incohérence entre le rapport de présentation et l'orientation n° 9 modifiée qui prévoit désormais, pour préserver les éléments remarquables du paysage, dont la vue sur le château de Sermange depuis le chemin rural " la vie d'âne ", des cônes de vue à l'intérieur desquels sont exclues toutes constructions. Ces modifications du plan d'aménagement et de développement durables et du règlement du PLU, qui traduisent les choix de leurs auteurs, ne sont pas de nature à révéler une incohérence avec le rapport de présentation, même si elles sont plus restrictives que les considérations générales de ce dernier. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de l'incohérence entre le rapport de présentation et les orientations du plan d'aménagement et de développement durables ou le règlement doit être écarté.

16. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 300-6 du code de l'urbanisme : " L'Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, se prononcer, par une déclaration de projet, sur l'intérêt général d'une action ou d'une opération d'aménagement au sens du présent livre ou de la réalisation d'un programme de construction. " Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité compétente d'établir, de manière précise et circonstanciée, sous l'entier contrôle du juge, l'intérêt général qui s'attache à la réalisation de l'opération constituant l'objet de la mise en compatibilité du plan local d'urbanisme, au regard notamment des objectifs économiques, sociaux et urbanistiques poursuivis par la collectivité publique intéressée.

17. Les requérants contestent l'intérêt général du projet de parc éolien en faisant valoir qu'il ne présente aucun intérêt ni au niveau local dès lors que les habitants de la commune de Sermange n'ont pas vocation à consommer l'électricité produite par les éoliennes, ni au niveau national compte tenu, notamment, de l'intermittence de l'énergie produite et de la faible contribution des parcs éoliens à la diminution de l'émission de gaz à effet de serre.

18. Le projet de parc éolien, objet de la déclaration de projet, est constitué de onze éoliennes, dont quatre situées sur le territoire de la commune de Sermange, d'une hauteur, à bout de pale, de 150 mètres. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la notice de présentation, que le projet en litige s'inscrit dans le cadre de la politique nationale de développement des énergies renouvelables consistant à développer un mix énergétique afin de permettre une réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation énergétique, conformément aux engagements français et internationaux. Ces engagements sont déclinés au niveau régional dans le schéma régional Climat Air Energie

de Franche-Comté (SRCAE), dont l'objectif de production d'énergie éolienne est de 600 MW en 2020 et de 1000 MW d'ici 2050. Le projet en litige doit contribuer à atteindre cet objectif en produisant annuellement 60 Gwh, soit l'équivalent de la consommation électrique domestique de 24 000 personnes, permettant d'économiser environ 18 000 tonnes par an de rejets de gaz carbonique dans l'atmosphère. Si ce projet est porté par une entreprise privée, ce que permet l'article L. 300-6 du code de l'urbanisme, et en admettant même que l'énergie produite ne sera pas utilisée par les habitants de la commune de Sermange, ces circonstances ne sont pas de nature à ôter au projet son caractère d'intérêt général au regard des objectifs qui viennent d'être rappelés. Les documents généraux produits par les requérants, notamment un article de l'Académie des sciences soulignant les limites de l'énergie renouvelable ou encore un rapport parlementaire mettant en avant le coût de l'éolien pour les finances publiques, ne retirent pas au projet de création d'un parc éolien son utilité publique. S'il est exact que la création d'emplois locaux induite par le projet est limitée, il n'est pas utilement contesté par les requérants que les communes d'implantation, dont celle de Sermange, bénéficieront de recettes fiscales et domaniales qui ne sont pas négligeables au regard de leur potentiel fiscal.

19. Les requérants se prévalent également des inconvénients du projet sur les chiroptères, les paysages et le patrimoine.

20. Toutefois, s'il est constant que la zone d'implantation du parc éolien se situe dans le périmètre d'exclusion de 5 kilomètres autour de la mine d'Ougney-Vitreux arrêté par le schéma régional éolien de Franche-Comté et que cette mine est répertoriée dans le réseau de cavités à Minioptères de Schreibers, classé Natura 2000, ces circonstances ne s'opposent pas, par elles-mêmes, à la réalisation d'un parc éolien en son sein dès lors que ce schéma n'a qu'une valeur indicative.

21. Par ailleurs, la délibération en litige a seulement pour objet de permettre la construction d'un parc éolien, sans préjuger de la décision que l'autorité administrative, chargée d'examiner la demande d'autorisation environnementale que nécessite le projet, pourra être amenée à prendre en édictant, au besoin, des prescriptions en complément des mesures déjà prévues pour éviter, réduire et, le cas échéant, compenser les effets du projet sur l'environnement. Si le Conseil national de la protection de la nature, saisi dans le cadre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, a émis, le 29 juin 2016, un avis défavorable, ce n'est qu'en raison des carences du protocole mis en œuvre pour répertorier les chiroptères susceptibles de fréquenter le site et en conséquence de l'impossibilité d'apprécier si les espèces protégées seront maintenues dans un bon état de conservation. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'implantation d'un parc éolien serait radicalement incompatible avec la protection des espèces protégées de chiroptères.

22. Dans ces conditions, alors que l'autorisation environnementale que nécessite le projet ne saurait être refusée en raison de la seule présence du parc éolien dans une zone d'exclusion prévue par le schéma régional éolien, mais en tenant compte des atteintes excessives aux intérêts protégés énoncés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, auxquelles l'autorité administrative ne pourrait pas remédier par des prescriptions, la présence du projet en litige à proximité du site d'un gîte à chiroptères et sa fréquentation par ces derniers n'enlèvent pas à celui-ci son caractère d'intérêt général.

23. Si la direction départementale des territoires et la direction régionale des affaires culturelles, consultées lors de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ont souligné la forte perception des éoliennes dans le paysage compte tenu de la topographie des lieux composés de plaines et de champs agricoles, ainsi que la proximité du château de Sermange, inscrit au titre des monuments historiques, l'autorité environnementale, dans son avis du 22 juillet 2016, a mentionné que le projet en litige aura essentiellement un impact pour le château de Sermange situé à proximité immédiate du projet et les villages proches dont celui de Sermange, mais sans retenir un effet de saturation visuelle ou de surplomb. Si le parc éolien peut présenter, selon le point de vue, une co-visibilité avec le château de Sermange, les orientations du plan d'aménagement et de développement durables ont été modifiées pour garantir la préservation de cônes de vue dépourvus de toute construction ou installation d'énergie renouvelable. Ainsi, l'atteinte portée au château de Sermange n'apparaît pas excessive au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi par le projet en litige.

24. Il résulte de ce qu'il précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les inconvénients du projet sont de nature à lui retirer son caractère d'intérêt général.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme :

25. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre (...) un plan local d'urbanisme (...), estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes: / 1° En cas d'illégalité autre qu'un vice de forme ou de procédure, pour (...) les plans locaux d'urbanisme, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité est susceptible d'être régularisée par une procédure de modification (...). / Si la régularisation intervient avant le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".

26. Seules les irrégularités mentionnées aux points 7, 8 et 12 du présent arrêt sont de nature à entacher d'illégalité la délibération en litige. Ces irrégularités sont susceptibles d'être régularisées par une nouvelle délibération du conseil communautaire de la communauté de communes Jura Nord. Les parties ont été mises en mesure de présenter leurs observations sur le principe de l'application des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de ces dispositions, de surseoir à statuer et d'impartir à la communauté de communes Jura Nord un délai de six mois, à compter de la notification du présent arrêt, aux fins de procéder à la régularisation de la délibération du 15 décembre 2016 portant déclaration d'intérêt général du projet d'implantation d'un parc éolien sur le territoire de la commune de Sermange et mise en compatibilité du plan local d'urbanisme de cette commune.

D E C I D E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête présentée par l'association " Les amis du patrimoine et de l'environnement de Sermange " et M. et Mme B... jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, imparti à la communauté de communes Jura Nord pour notifier à la cour la régularisation de sa délibération du 15 décembre 2016.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Les amis du patrimoine et de l'environnement de Sermange ", à M. et Mme A... B... et à la communauté de communes Jura Nord.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Rousselle, présidente de la cour,

- M. Wurtz, président,

- M. Wallerich, président,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Bauer, présidente-assesseure,

- M. Barteaux, premier conseiller,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. BARTEAUXLa présidente de la cour,

Signé : P. ROUSSELLE

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Jura, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 20NC02453 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chbre / 3ème chbre réunies
Numéro d'arrêt : 20NC02453
Date de la décision : 21/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : MONAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-21;20nc02453 ?
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