Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2217240 du 5 avril 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 mai 2023, M. B... A..., représenté par Me Doucerain, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2217240 du 5 avril 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2022 du préfet des Hauts-de-Seine ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation et de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une omission à statuer pour n'avoir pas répondu au moyen tiré du défaut de saisine préalable de la commission du titre de séjour.
Sur le bien-fondé du jugement :
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de l'arrêté attaqué.
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle n'est pas motivée ;
- elle est illégale faute, pour le préfet, d'avoir préalablement saisi pour avis la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- elle n'est pas motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle n'est pas motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 42 du règlement (CE) n° 1987/2006 du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2023, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Perroy a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., né le 2 août 1994, de nationalité égyptienne, est entré en France en 2012 selon ses déclarations. Par un arrêté du 24 novembre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a informé qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour. M. A... relève appel du jugement du 5 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. En premier lieu, si M. A... fait grief au jugement de n'avoir pas analysé les preuves de présence en France produites à l'appui de sa demande, le tribunal a exposé, au point 7 de son jugement, les motifs, en ceux compris la durée de présence en France de l'intéressé, au vu desquels il a écarté les moyens, tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au soutien desquels le requérant s'était prévalu de l'ancienneté de son séjour sur le territoire national. Le moyen ne peut, par suite, qu'être écarté.
4. En second lieu, si le requérant soutient que le magistrat désigné n'a pas statué sur le moyen tiré du défaut de saisine de la commission du titre de séjour, il résulte du point 2 du jugement que ce moyen a été écarté pour venir au soutien de conclusions irrecevables, de sorte que le moyen développé en appel et tiré d'une omission à statuer manque en fait. En tout état de cause, à supposer que M. A... ait également entendu soutenir que le jugement serait irrégulier dès lors que les conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour étaient en réalité recevables, l'arrêté attaqué a seulement prononcé une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que M. A... ne pouvait justifier être entré régulièrement sur le territoire français et s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, la circonstance qu'il ait déposé, le même jour, une demande de titre de séjour n'ayant pas eu pour effet de faire naître une décision de refus de titre.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la portée de l'arrêté du 24 novembre 2022 :
5. M. A... soutient que l'arrêté du 24 novembre 2022 est, en tant qu'il porte refus de titre de séjour, insuffisamment motivé, illégal en l'absence de saisine préalable de la commission du titre de séjour, contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 4 qu'une telle décision est inexistante de sorte que ces moyens ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne la compétence du signataire de l'arrêté attaqué :
6. L'arrêté litigieux a été signé par Mme D..., adjointe au chef du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement qui avait reçu, par un arrêté n° 2022-093 du 13 octobre 2022, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de l'Etat dans les Hauts-de-Seine du 17 octobre 2022, une délégation à l'effet de signer les obligations de quitter le territoire assortie ou non d'un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi, ainsi que les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme C..., directrice des migrations et de l'intégration, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle n'a pas été absente ou empêchée lors de la signature de l'acte attaqué. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées ne peut, par suite, qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, la décision attaquée, prise au visa du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que si M. A... déclare être entré en France irrégulièrement en 2012, il n'apporte pas la preuve de son entrée en France ni de sa présence continue sur le territoire sur cette période, et qu'il s'est maintenu en situation irrégulière sur le territoire national sans accomplir de démarches en vue de la régularisation de sa situation administrative. Le préfet des Hauts-de-Seine a au surplus examiné la situation personnelle de l'intéressé au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut, au regard de l'ensemble de ces mentions, qu'être écarté.
8. En deuxième lieu, si le préfet des Hauts-de-Seine, se fondant sur les mentions du procès-verbal d'audition de M. A..., signé par ce dernier le 24 novembre 2022, a indiqué dans son arrêté que le requérant était né le 2 août 1994 à Gherbya alors qu'il est né le 1er septembre 1994 à Gharbeya, ces erreurs de plume, en l'absence de tout doute sur l'identité de la personne visée par la décision attaquée, sont sans incidence sur la légalité de la mesure d'éloignement.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... établit être entré en France au cours de l'année 2012 et avoir sporadiquement encaissé des chèques justifiant de ce qu'il exerce sans autorisation et de manière intérimaire une activité salariée. Toutefois, ces seules circonstances, alors qu'il est célibataire, sans charge de famille en France et n'établit pas être dépourvu d'attaches en Egypte, ne sont pas de nature à établir que le préfet des Hauts-de-Seine aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en prononçant à son encontre une mesure d'éloignement.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
10. En premier lieu, la décision attaquée comportant les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
11. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré sur le territoire français en situation irrégulière, qu'il n'atteste pas avoir sollicité un titre de séjour antérieurement à la décision attaquée et qu'il a déclaré, lors de son audition préalable, ne pas avoir l'intention de quitter le territoire français. Par suite, et alors que le requérant ne justifie d'aucune circonstance particulière pour s'être maintenu irrégulièrement sur le territoire, le préfet des Hauts-de-Seine ne peut être regardé comme ayant entaché son refus d'accorder un délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire d'une erreur d'appréciation.
Sur la décision fixant pays de destination :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la mesure d'éloignement, ne peut qu'être écarté.
14. En second lieu, la décision attaquée mentionne que son adoption ne contrevient pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales de sorte que le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
16. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) " Aux termes de l'article L. 612-10 de ce même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
17. En deuxième lieu, pour faire interdiction à M. A... de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an, le préfet des Hauts-de-Seine a relevé qu'alors que l'intéressé ne justifie d'aucune circonstance humanitaire particulière, il se borne à faire valoir être entré en France en 2012 sans faire état de fortes attaches sur le territoire. Cette décision est, ce faisant, suffisamment motivée.
18. En troisième lieu, il ne ressort pas des éléments de fait qui viennent d'être exposés, alors que M. A... ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle à son prononcé, que la décision attaquée serait entachée d'une erreur d'appréciation.
19. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 613-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (UE) n° 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n° 1987/2006 / Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire ".
20. La circonstance que M. A... n'aurait pas été destinataire de l'information prévue par l'article 42 du règlement n° 1987/2006, conformément aux exigences de la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, alors au demeurant qu'il a été informé, aux termes de l'article 3 de l'arrêté attaqué, qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, est sans incidence sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français.
21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 24 novembre 2022. Le surplus de ses conclusions à fin d'injonction ne peut, par suite, qu'être rejeté.
Sur les frais de l'instance :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse au requérant la somme qu'il lui réclame sur leur fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente assesseure,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Perroy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2023.
Le rapporteur,
G. PERROYLa présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA01904 2