Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 1er janvier 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois.
Par une ordonnance n° 2301021 du 25 janvier 2023, le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 janvier et 30 septembre 2023, M. B..., représenté par Me Demars, demande à la Cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler l'ordonnance n° 2301021 du 25 janvier 2023 du président du tribunal administratif de Montreuil ;
3°) à titre principal, de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Montreuil ;
4°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 1er janvier 2023 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
5°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de sept jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
6°) à défaut, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quarante-huit heures, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
7°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de procéder à l'effacement de tout signalement aux fins de non-admission dans le système d'information " Schengen " dans un délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
8°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, de lui verser directement cette somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a irrégulièrement omis de viser ses conclusions tendant à prononcer son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à enjoindre à l'administration de communiquer l'entier dossier relatif à sa situation administrative et à annuler la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a informé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
- le jugement est irrégulier en ce qu'il est entaché d'un vice de procédure en rejetant la demande de première instance pour tardiveté ;
- sa demande de première instance est recevable dès lors qu'en l'absence de notification régulière de l'arrêté attaqué, le délai de recours ne lui était pas opposable et sa demande ne pouvait ainsi être regardée comme tardive.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors que son droit à être entendu, garanti par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors que son droit à être entendu, garanti par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dans l'application du 1° et du 3° de l'article L. 612-2 et des 1°, 4° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
Sur la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée de l'incompétence de son signataire.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors que son droit à être entendu, garanti par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu ;
- elle est entachée d'erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dans l'application de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est disproportionnée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
Sur la décision portant signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français ;
- elle est entachée de l'incompétence de son signataire ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 231-9 du code de la sécurité intérieure.
Par une décision en date du 22 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. B....
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Dubois a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 1er janvier 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. B..., ressortissant tunisien né le 21 mai 1992, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de douze mois. Par une ordonnance du 25 janvier 2023, le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté, comme étant tardive et par suite irrecevable, la demande de M. B.... M. B... demande l'annulation de cette ordonnance et, à titre principal, de renvoyer l'affaire au tribunal administratif, à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 1er janvier 2023.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Par une décision en date du 22 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. B.... Dans ces conditions, il n'y pas lieu de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, nonobstant le dépôt d'une nouvelle demande d'aide juridictionnelle.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. En premier lieu, il appartient au juge d'appel d'apprécier, au vu des moyens invoqués par les parties et des moyens d'ordre public, la régularité du jugement de première instance. En revanche, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, ce juge est saisi du litige et doit se prononcer non sur les motifs du jugement mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé de la décision en litige. Par suite, M. B... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de ce que le jugement attaqué serait entaché d'un " vice de procédure " en rejetant sa requête pour tardiveté.
4. En second lieu, l'article R. 741-2 du code de justice administrative dispose que la décision " contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ".
5. D'une part, le juge administratif n'est pas tenu, à peine d'irrégularité de sa décision, de viser des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de produire dans l'instance, dans le cadre de l'instruction de l'affaire, diverses pièces. M. B... ne peut ainsi utilement soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité faute d'avoir visé ses conclusions tendant à obtenir la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles l'arrêté contesté a été pris.
6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment de la requête introductive d'instance présentée devant le tribunal par M. B... que celui-ci avait demandé le bénéfice de l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, ainsi que l'annulation de la décision portant signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Ses conclusions n'ayant été ni visées ni analysées dans l'ordonnance attaquée, M. B... est fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'une omission à statuer et doit, pour ce motif, être annulée en tant qu'elle a omis de viser lesdites conclusions.
7. Par suite, il y a lieu pour la Cour d'évoquer dans cette seule mesure l'affaire, et de se prononcer, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, sur le reste du litige qui lui est soumis.
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle devant le tribunal :
8. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président. / (...) ". Aux termes de l'article 61 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'admission provisoire peut être accordée dans une situation d'urgence, notamment lorsque la procédure met en péril les conditions essentielles de vie de l'intéressé (...) / L'admission provisoire est accordée par (...) le président de la juridiction saisie, soit sur une demande présentée sans forme par l'intéressé, soit d'office si celui-ci a présenté une demande d'aide juridictionnelle (...) sur laquelle il n'a pas encore été statué ".
9. M. B..., qui était représenté par un avocat devant le tribunal, n'établit pas avoir formé de demande d'aide juridictionnelle préalablement à la saisine de ce tribunal et ne s'est prévalu d'aucune urgence particulière à même de justifier que lui soit accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire. Il en résulte que la demande du requérant tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire devant le tribunal doit être rejetée.
En ce qui concerne la décision portant signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :
10. Aux termes de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français, aux articles L. 614-4 ou L. 614-5 ". Aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " (...) II. - Conformément aux dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 1er janvier 2023 attaqué par M. B... l'informant en son article 4 qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen lui a été notifié le jour même. M. B... soutient néanmoins que la notification de l'arrêté du 1er janvier 2023 était irrégulière en ce que, si elle comportait les voies et délais de recours, elle mentionnait une date de notification illisible faisant obstacle à l'opposabilité au délai de recours de quarante-huit heures. Toutefois, s'il est vrai que l'arrêté contesté indique sous la case " reçu notification le (date) " la date " 01.01.03 " au lieu de " 01.01.23 ", cette erreur de plume, pour regrettable qu'elle soit, est sans incidence sur le point de départ du délai de recours contentieux, dès lors qu'elle n'a pu avoir pour effet d'induire en erreur son destinataire. Dans ces conditions, la requête de M. B... introduite devant le tribunal le 24 janvier 2023 à 15h58 était tardive et, par suite, irrecevable.
12. Il ressort de ce qui précède que les conclusions de la requête de M. B... à fin d'annulation de la décision portant inscription au fichier d'information Schengen ne peuvent qu'être rejetées.
13. Ainsi qu'il a été dit au point 7, il appartient à la Cour, saisie dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, de ses prononcer sur le reste du litige.
Sur le bien-fondé du jugement statuant sur les conclusions d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français :
14. Il résulte de ce qui a été dit au point 11 du présent arrêt que la requête de M. B... dirigée contre l'arrêté du 1er janvier 2023 notifié le même jour n'a été enregistrée au greffe du tribunal que le 24 janvier 2023, soit après l'expiration du délai de recours contentieux. M. B... n'est ainsi pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête comme irrecevable.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à obtenir l'annulation de l'ordonnance n° 2301021 du 25 janvier 2023 du président du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'elle n'a pas statué sur ses conclusions visant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et à l'annulation de l'inscription au fichier d'information Schengen. Il n'est en revanche pas fondé à soutenir que c'est à tort que cette ordonnance a rejeté sa requête pour tardiveté. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu d'admettre provisoirement M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : L'ordonnance n° 2301021 du 25 janvier 2023 du président du tribunal administratif de Montreuil est annulée en tant qu'elle a omis de statuer sur les conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle et sur celles tendant à l'annulation de la décision d'inscription au fichier d'information Schengen.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba présidente-assesseure,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 20 décembre 2023.
Le rapporteur,
J. DUBOISLa présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 23PA00380 2