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20/12/2023 | FRANCE | N°22PA05442

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 20 décembre 2023, 22PA05442


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 22 mai 2019 portant tableau d'avancement au grade de commandant de la police nationale au titre de l'année 2019 en tant que son nom n'y figure pas, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de prononcer son inscription rétroactive au tableau d'avancement et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts

au taux légal à compter du 13 août 2019 et de leur capitalisation à compter du 13 aoû...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 22 mai 2019 portant tableau d'avancement au grade de commandant de la police nationale au titre de l'année 2019 en tant que son nom n'y figure pas, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de prononcer son inscription rétroactive au tableau d'avancement et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 août 2019 et de leur capitalisation à compter du 13 août 2020.

Par un jugement n° 1926786 du 21 octobre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 21 décembre 2022, 4 janvier, 26 juin et 31 octobre 2023, Mme A..., représentée en dernier lieu par

Me Dugoujon, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1926786 du 21 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris, ensemble l'arrêté du 22 mai 2019 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 91 432 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 août 2019 et de leur capitalisation à compter du 13 août 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement est irrégulier pour n'avoir pas statué sur les moyens soulevés dans le mémoire du 5 septembre 2022, enregistré dans le délai que le tribunal lui avait accordé, par courrier du 28 juillet 2022, pour répondre au mémoire en défense de l'administration.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

- elle justifie de mérites supérieurs à ceux des derniers agents inscrits au tableau d'avancement, à savoir MM. Frédéric Andrzejewsk, Raphaël Morel Biron et Bertrand Tenias, en sorte que ce tableau est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une discrimination en raison de l'âge ;

- cette illégalité fautive lui a causé un préjudice financier lié à la perte relative au traitement net de 8 100 euros, un préjudice financier lié à la perte sur sa pension de retraite de 73 332 euros, et un préjudice moral de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 octobre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation dès lors que la Cour a annulé le tableau d'avancement attaqué dans un arrêt du 17 mars 2023 n° 21PA03405-21PA03413 et au rejet du surplus de la requête en faisant valoir que les moyens qu'y soulève Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984,

- le décret n° 2005-1090 du 1er septembre 2005,

- l'arrêté du 28 janvier 2019 fixant pour l'années 2019 les taux de promotion pour l'avancement de grade de commandant de police dans le corps de commandement de la police nationale du ministère de l'intérieur pour l'année 2019,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Perroy,

- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., entrée dans la police nationale le 12 janvier 1976, est titulaire du grade de capitaine de police depuis le 1er septembre 1995. Depuis le 1er juin 2018, elle est affectée à la direction départementale de la sécurité publique de la Réunion. Par un arrêté du 22 mai 2019, le ministre de l'intérieur a fixé le tableau d'avancement pour l'accès au grade de commandant de police au titre de l'année 2019 et a promu à ce grade les agents concernés. Estimant ne pas avoir été, à tort, inscrite à ce tableau d'avancement au titre de l'année 2019, Mme A... a, par un courrier du 9 août 2019, reçu le 13 août 2019, formé un recours gracieux tendant à obtenir le réexamen de son dossier et a sollicité l'indemnisation, à hauteur d'une somme de 100 000 euros, des préjudices résultant de sa non-inscription au tableau d'avancement. Par sa requête, Mme A... demande à la Cour, d'une part, d'annuler le jugement n° 1926786 du 21 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 22 mai 2019 et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis et, d'autre part, demande de condamner l'Etat à réparer ses préjudices à hauteur d'une somme de 91 432 euros.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort de l'examen du jugement attaqué que s'il mentionne la réception d'un mémoire produit par Mme A... le 5 septembre 2022, il n'en vise pas les moyens nouveaux qui y étaient soulevés, relatifs notamment à la critique de la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions en excès de pouvoir et à ce que les trois derniers agents inscrits au tableau d'avancement avaient des mérites inférieurs aux siens, moyens auxquels il ne répond pas davantage. Il s'en déduit, alors que le jugement mentionne qu'une ordonnance du 22 juillet 2022 a fixé la clôture de l'instruction le 22 août 2022, que les premiers juges ont considéré que le mémoire avait été enregistré après la clôture de l'instruction. Or, il ressort des pièces de la procédure qu'à réception de l'ordonnance du 22 juillet 2022, Mme A... a sollicité un délai pour répondre aux écritures du ministre de l'intérieur, et que, par courrier du 28 juillet 2022, le magistrat instructeur lui a accordé un délai supplémentaire courant jusqu'au 5 septembre 2022. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir qu'en maintenant la clôture fixée par ordonnance du 22 juillet 2022 au 22 août 2022 et en ne statuant pas sur les nouveaux moyens exposés dans le mémoire du 5 septembre 2022, produit dans les délais que le tribunal lui avait accordés le 28 juillet 2022, le tribunal a commis une irrégularité de nature à avoir préjudicié à ses intérêts.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2019 :

4. L'annulation du tableau d'avancement attaqué par un jugement n° 1920084 du tribunal administratif de Paris ayant été confirmée par un arrêt n° 21PA03405-21PA03413 du 17 mars 2023 de la Cour administrative d'appel de Paris, lequel est irrévocable, le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à conclure au non-lieu sur les conclusions en excès de pouvoir présentées devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les conclusions indemnitaires :

5. Aux termes de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 : " (...) Sauf pour les emplois laissés à la décision du Gouvernement, l'avancement de grade a lieu, selon les proportions définies par les statuts particuliers, suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : / 1° Soit au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents (...) ". Aux termes de l'article 17 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " Pour l'établissement du tableau d'avancement de grade qui est soumis à l'avis des commissions administratives paritaires, il est procédé à un examen approfondi de la valeur professionnelle des agents susceptibles d'être promus compte tenu des notes obtenues par les intéressés, des propositions motivées formulées par les chefs de service et de l'appréciation portée sur leur manière de servir. Cette appréciation prend en compte les difficultés des emplois occupés et les responsabilités particulières qui s'y attachent ainsi que, le cas échéant, les actions de formation continue suivies ou dispensées par le fonctionnaire et l'ancienneté ". Aux termes de l'article 13 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " Les fonctionnaires sont inscrits au tableau par ordre de mérite. Les candidats dont le mérite est jugé égal sont départagés par l'ancienneté dans le grade ".

6. Mme A... soutient que ses mérites sont supérieurs aux trois derniers fonctionnaires inscrits au tableau principal d'avancement de sorte que l'arrêté du 22 mai 2019 serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une discrimination en raison de son âge, vices constitutifs d'une illégalité fautive. Il ressort toutefois des pièces produites par le ministre devant le tribunal administratif que Mme A... a eu, au cours de la période 2016-2018, des notes cumulées inférieures à celles des trois autres agents, lesquels ont par ailleurs reçu, comme elle, des lettres de félicitation ou la médaille d'honneur de la police nationale. Si la notation ne constitue en effet qu'un des éléments de l'appréciation des mérites comparés des différents candidats promouvables, Mme A... ne se prévaut pour autant pas d'éléments spécifiques relatifs à ses états de service ou à ses missions, ni ne verse aux débats ses évaluations administratives qui établiraient qu'alors que ses notes administratives cumulées sur la période triennale précédant l'établissement du tableau d'avancement sont inférieures à celles des derniers promus, ses appréciations ou le caractère remarquable ou particulièrement exposé de ses services justifieraient malgré tout que ses mérites professionnels étaient supérieurs. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'illégalité fautive.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'administration n'a commis aucune faute en n'inscrivant pas Mme A... sur le tableau d'avancement au grade de commandant de police au titre de l'année 2019. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par Mme A... doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1926786 du 21 octobre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du ministre de l'intérieur du 22 mai 2019 portant tableau d'avancement pour l'accès au grade de commandant de police au titre de l'année 2019.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A... devant le tribunal administratif et la Cour est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2023.

Le rapporteur,

G. PERROY

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA0544202


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05442
Date de la décision : 20/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : DUGOUJON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-20;22pa05442 ?
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