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20/12/2023 | FRANCE | N°22PA00460

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 20 décembre 2023, 22PA00460


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'Eurl Car Park Service a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2015 au 30 septembre 2017, celles des pénalités correspondantes et de l'amende prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts mise à sa charge au titre de la même période.



Par un jugement n° 1922318 du 8 décembre 2021 le tribunal administratif de Paris a re

jeté la requête de l'Eurl Car Park Service.



Procédure devant la Cour :



Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Eurl Car Park Service a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2015 au 30 septembre 2017, celles des pénalités correspondantes et de l'amende prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts mise à sa charge au titre de la même période.

Par un jugement n° 1922318 du 8 décembre 2021 le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de l'Eurl Car Park Service.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 1er février 2022, 6 mai et 11 juillet 2022, l'Eurl Car Park Service, représentée par Me Oger, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1922318 du tribunal administratif de Paris en date du 8 décembre 2021 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'Eurl Car Park Service soutient que :

- le jugement est entaché d'omission à statuer sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition tenant à l'absence de validité de la demande de souscription des déclarations de TVA ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que la demande de souscription des déclarations de TVA émise en décembre 2017 n'est pas valable puisqu'il s'agit d'un simple courrier sur formulaire qui ne renseigne pas sur le service auprès duquel les déclarations doivent être adressées, et qu'il a été adressé sans accusé réception contrairement à ce que prévoit la doctrine applicable en la matière ;

- les déclarations de TVA ont été remises tardivement en raison d'un renseignement erroné de la vérificatrice, de sorte que la majoration de 40% ne doit pas lui être appliquée ;

- la procédure d'imposition a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- les prestations qu'elles effectuent pour les clients de la société Uber ne sont pas assujetties à la TVA, dès lors qu'elle est complètement dépendante d'Uber ; en effet, les passagers qu'elle transporte sont les clients de la société Uber, elle ne peut modifier la course et elle est rémunérée non par les passagers mais par une commission versée par cette société à laquelle elle ne paie pas de commission contrairement à ce soutient l'administration ; le contrat type émis par la société Uber et sur lequel se fonde l'administration fiscale ne lui est pas opposable dès lors qu'elle n'est pas liée par ce contrat avec la société Uber , ainsi que cela ressort du jugement du 12 avril 2022 du tribunal de commerce de Paris ; n'est donc assujettie la TVA au taux de 10 % que la commission versée par la société Uber et non l'intégralité des paiements effectués par le client auprès d' Uber ;

- il ne peut lui être reproché de ne pas avoir auto-liquidé la TVA qui lui est demandée dès lors qu'elle ne dispose d'aucune facture d' Uber puisque les passagers dont elle assure le transport paient leur prestation auprès de cette dernière société ;

- en ce qui concerne la majoration, elle n'a pas commis de manquement délibéré faute de volonté d'éluder l'impôt puisqu'elle n'a jamais dissimulé les prestations accomplies et qu'elle pouvait légitimement penser être en conformité avec la réglementation dès lors que l'avis d'acompte de TVA de 68 900 euros reçu en juillet 2016 a fait l'objet d'un dégrèvement ;

- les intérêts de retard ne tiennent pas compte des crédits de TVA dont elle dispose pour un montant de 69 4226 euros, du dégrèvement obtenu et du règlement spontané effectué le 27 septembre 2017 à hauteur de 1 000 000 euros avant la proposition de rectification

Par des mémoires, enregistrés les 23 mars et 3 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir à titre principal que les moyens invoqués par l'EURL Car Park Service ne sont pas fondés et, à titre subsidiaire, concernant les pénalités, qu'il convient le cas échéant de substituer à la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du CGI la majoration de 40 % prévue au b de l'article 1728 ou, à titre très subsidiaire, la majoration de 10 % prévue au a du même article.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dubois ;

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Menette pour l'Eurl Car Park Service.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Car Park Service exerce une activité de transport de personnes, de location de véhicule et de voiturier. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité entre le 1er décembre 2017 et le 2 mai 2018, portant sur la période du 1er janvier 2015 au 30 septembre 2017. A l'issue de ce contrôle et faisant application de la procédure de taxation d'office du fait du défaut de souscription des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée de la société dans les délais légaux, le service vérificateur a émis une proposition de rectification portant rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre de cette période, pour un montant de 203 781 euros de droits, 8 759 euros d'intérêts de retard et 39 102 euros de majorations pour manquement délibéré, et en application de l'amende prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts, pour un montant de 8 690 euros. Le courrier de réponse aux observations du contribuable, émis le 19 septembre 2018, a maintenu les rehaussements arrêtés par la proposition de rectification, et ces rappels et pénalités ont été maintenus également par l'interlocuteur départemental le 26 novembre 2018. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et pénalités correspondantes, ainsi que l'amende infligée sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts, ont été mis en recouvrement le 31 décembre 2018. La réclamation préalable de l'EURL Car Park Service a été rejetée par décision du 18 septembre 2019. La société requérante relève appel du jugement n° 1922318 du 8 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions à fins de décharge de ces rappels de TVA, des pénalités correspondantes et de l'amende infligée.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. La société requérante soutient que le jugement attaqué aurait omis de statuer sur le moyen avancé en première instance selon lequel la demande de souscription de déclaration de TVA qui lui a été adressée en décembre 2017 ne serait pas valable s'agissant d'un " simple courrier sur formulaire ", ne comportant pas l'indication du " service [auquel] les déclarations doivent être adressées " et envoyé sans accusé réception contrairement à ce qu'" exige votre doctrine ". Toutefois, il ressort expressément du paragraphe n°3 du jugement que celui-ci a répondu à ce moyen et l'a écarté en l'estimant inopérant après avoir relevé que la procédure de taxation d'office était applicable, sans que le service ne soit tenu d'adresser de mise en demeure préalable à la société requérante, ce qu'il a néanmoins fait, et sans que la société ne puisse utilement se prévaloir d'une éventuelle incompréhension de ce courrier. Le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'une omission à statuer doit ainsi être écarté comme manquant en fait.

Sur le bien-fondé de la demande de la société :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) /3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ". Aux termes de l'article 289 du code général des impôts : " 1. Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration. / 2. Les redevables soumis au régime réel normal d'imposition déposent mensuellement la déclaration visée au 1 indiquant, d'une part, le montant total des opérations réalisées, d'autre part, le détail des opérations taxables. La taxe exigible est acquittée tous les mois ".

5. Il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté par la société requérante que, pour chacune des périodes vérifiées entre le 1er janvier 2015 et le 30 septembre 2017, l'EURL Car Park Service a dégagé un chiffre d'affaires excédant le seuil prévu à l'article 302 septies A du code général des impôts. Relevant en conséquence du régime réel normal d'imposition, elle était tenue, en vertu du 2 de l'article 287 du même code, de remettre au service des impôts dont elle dépend les déclarations mensuelles de TVA. En l'absence de remise de ces déclarations pour les périodes en cause, le service a fait application de la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66-3 du livre des procédures fiscales.

6. D'une part, l'EURL Car Park Service soutient que le courrier de demande de souscription des déclarations de TVA qui lui a été adressé en décembre 2017 était irrégulier. Cependant, il résulte de l'instruction et n'est d'ailleurs pas contesté que la société, qui exerce une activité de prestataire de services, dépassait significativement le seuil de chiffre d'affaires fixé par les dispositions précitées, de sorte qu'elle ne pouvait se prévaloir du régime simplifié de déclaration dès 2015 et était soumise à une obligation de déclaration mensuelle de la taxe sur la valeur ajoutée sur la période vérifiée, ce qu'elle ne conteste pas ne pas avoir effectué. Dans ces conditions, l'administration fiscale n'était tenue à aucune obligation de lui adresser une mise en demeure de souscrire ces déclarations, dès lors que la société se trouvait en situation de taxation d'office. Le moyen tiré de l'irrégularité du courrier de mise en demeure qui lui a été, malgré tout, adressé par le service, alors que ne pesait sur lui aucune obligation en ce sens, ne peut dès lors qu'être écarté comme inopérant.

7. D'autre part, la société requérante soutient que le retard dans la remise de ses déclarations de TVA serait imputable à un renseignement erroné qui lui aurait été donné par la vérificatrice. Cependant une telle circonstance, qui n'est au demeurant corroborée par aucune des pièces du dossier, est en tout état de cause sans influence sur la procédure d'imposition dès lors que cette obligation de souscription mensuelle des déclarations de TVA s'imposait à elle en vertu de l'article 287 du code général des impôts, sans que l'administration ne soit tenue de lui communiquer des renseignements ou informations à cet égard.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. / Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

9. L'administration fait valoir qu'elle a exercé son droit à communication seulement pour obtenir le " carton signature " de la société auprès de l'établissement bancaire CRCAM de Paris et d'Ile-de-France. Or la société requérante, qui en a été informée par les mentions portées à la page 3 de la proposition de rectification du 13 juin 2018, n'a pas demandé la communication de ce document. Par ailleurs, si l'administration a eu connaissance, à l'occasion d'autres contrôles, d'un formulaire d'enregistrement d'accord de partenariat signé entre la société UBER et certaines entreprises de transport, la société requérante a été informée de l'utilisation de ce document au plus tard lors de l'entretien mené avec l'interlocuteur départemental le 26 novembre 2018, ainsi qu'en atteste le compte rendu de cet entretien daté du 7 décembre 2018. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit dès lors être écarté comme manquant en fait.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

10. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. -Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". L'article 266 du même code dispose : " 1. La base d'imposition est constituée : a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers (...) ".

11. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige sont fondés sur l'absence de collecte par l'EURL Car Park Service, à partir de l'année 2015, de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux prestations de transport qu'elle a réalisées grâce à l'application informatique Uber. Il résulte de l'instruction que, pour procéder à ces rappels, l'administration fiscale a estimé que pour exercer son activité de transport, la société Car Park Service utilise l'application commercialisée par la société Uber BV, société de droit néerlandaise, qui met à disposition une " Application chauffeur " qui lui permet de rechercher et recevoir les demandes de transport de clients situés à proximité. Le service a estimé que la société Uber BV établit les factures des clients de l'EURL Car Park Service et récolte leur paiement pour le compte de l'EURL, ce paiement étant ensuite reversé à l'EURL Car Park Service, déduction faite du montant des frais de service et autres charges diverses qui lui sont dus en contrepartie de l'utilisation de l'application électronique mise à sa disposition.

12. La société requérante soutient que cette analyse du circuit économique, relevée par le service dans la proposition de rectification, serait fondé à tort sur l'exploitation d'un contrat-type, dont elle produit la version actualisée au 1er février 2016, liant la société néerlandaise Uber BV et les transporteurs recourant à son application. Elle affirme ainsi qu'elle serait en réalité liée non pas à la société Uber BV par ce contrat, mais à la société Uber France en vertu d'un contrat du 2 mars 2012 qui serait toujours en vigueur, dont l'économie générale serait différente de celle du contrat-type sur lequel s'est fondé le vérificateur, et dont il résulterait qu'elle devrait être imposée non pas en qualité d'entreprise de transport de voyageurs mais en qualité de prestataire de services rendus à la société Uber France de sorte que la base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à son activité exercée grâce à l'usage de l'application Uber serait constituée seulement sur les sommes effectivement perçues par elle, après déduction des sommes prélevées par la société Uber, et non sur la totalité du montant des courses accomplies au moyen de l'application.

13. Toutefois, il résulte de l'instruction que la société requérante, qui en application des dispositions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales supporte la charge de prouver l'exagération de l'imposition en litige dès lors qu'elle a été régulièrement imposée selon la procédure de taxation d'office, a produit pour la première fois le contrat de mars 2012 devant le tribunal administratif, s'étant contentée lors de la procédure de vérification dont elle a fait l'objet de faire allusion à un contrat conclu en 2012 avec la société Uber BV sans pouvoir le produire. À cet égard, elle ne verse aux débats aucun élément susceptible d'établir que les factures émises auprès des clients transportés, ou les relevés de paiement adressés à la société Uber, le seraient en application du contrat de 2012 dont elle se prévaut. Si la société requérante fait état d'un jugement du tribunal de commerce du 12 avril 2022 qui, saisi d'un litige l'opposant à la société Uber France, a estimé avant de statuer au fond que le contrat de mars 2012 est toujours en vigueur, ce jugement, qui renvoie pour les questions de fond à une audience ultérieure du 23 mai 2022, se borne à débouter l'exception d'incompétence et la fin de non-recevoir opposées par Uber France à l'action intentée par Car Park service. Il ne permet ainsi pas davantage d'établir que les prestations de transport à l'origine du chiffre d'affaires taxé dans le cadre de la présente procédure d'imposition auraient été accomplies en exécution du contrat de 2012 signé avec la société Uber France, et non en exécution du contrat type conclu entre la société néerlandaise Uber BV, alors que la société requérante ne conteste ni avoir utilisé, au cours de la période en cause, l'application mobile dénommée " application chauffeur " proposée par la société Uber BV, ni avoir remis elle-même au service vérificateur la version mise à jour au 1er février 2016 de ce contrat. Dans ces conditions, l'EURL Car Park Service n'est pas fondée à soutenir que l'assiette de la TVA collectée ne devait trouver à s'appliquer que sur les montants correspondant à une fraction du montant payé par l'usager de ces véhicules, déduction faite des sommes prélevées par Uber sur le prix de la course.

En ce qui concerne la majoration pour manquement délibéré :

14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

15. Pour justifier du caractère délibéré des manquements de l'EURL Car Park Services, l'administration fiscale, sur laquelle pèse la charge de la preuve de ce caractère délibéré en vertu des dispositions de l'article 195 A du livre des procédures fiscales, fait valoir que la société avait déclaré la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux prestations de transport qu'elle a effectuées au cours des années antérieures, et qu'elle ne peut pas être regardée comme justifiant de motifs sérieux à avoir cessé de souscrire des déclarations mensuelles, ainsi qu'elle y était tenue compte tenu du montant de son chiffre d'affaires, en se bornant à soutenir qu'elle aurait suivi une formation au cours de laquelle lui aurait été communiquée, par un formateur que la société n'a pas souhaité identifier, une information erronée quant à l'absence d'obligation de déclaration de la TVA. L'administration soutient encore que les montants de TVA collectée sont pourtant indiqués à titre informatif sur les relevés émis par la société Uber, circonstance que ne conteste pas la société requérante et qui aurait dû la conduire à continuer de procéder à ses déclarations. Dans ces conditions, alors en outre que la société exerce une activité de transport sur le territoire national et ne pouvait ignorer être redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, la preuve du caractère délibéré du manquement ainsi commis est rapportée. La société n'est ainsi pas fondée à demander la décharge de cette pénalité.

En ce qui concerne les intérêts de retard :

16. Aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : " I. Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code (...) / IV- 1. L'intérêt de retard est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l'impôt devait être acquitté jusqu'au dernier jour du mois du paiement (...)/ 4 Lorsqu'il est fait application de l'article 1729, le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification ou, en cas d'échelonnement des impositions supplémentaires, du mois au cours duquel le rôle doit être mis en recouvrement ". Les dispositions du 4 du IV de cet article qui prévoient, en cas d'application des majorations mentionnées à l'article 1729 du code général des impôts, que le décompte de l'intérêt de retard court jusqu'au dernier jour du mois de la proposition de rectification, n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de faire obstacle à ce que ce décompte soit arrêté au dernier jour du mois du paiement, conformément au 1 du IV de ce même article, lorsque le contribuable a procédé à ce paiement avant la notification de cette proposition.

17. D'une part, il résulte de l'instruction que le service vérificateur a pris en compte, pour le calcul des intérêts de retard dus par la société requérante, le crédit de TVA de 69 426 euros dont elle disposait. Celle-ci n'est donc pas fondée à soutenir que le montant des intérêts de retard qu'elle doit devrait être réduit pour tenir compte de ce crédit de TVA.

18. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'EURL Car Park Service a procédé dès le 27 décembre 2017, soit avant la date de la proposition de rectification, au paiement de la somme de 100 000 euros qui a été encaissée le 29 décembre 2017. Dans ces conditions, et en l'absence de toute argumentation contraire de l'administration, elle est fondée à soutenir que la base de calcul de l'intérêt de retard dû en application des dispositions précitées doit être réduite de la somme de 100 000 euros à compter du 1er janvier 2018, et à demander la décharge des intérêts de retard dans cette mesure.

En ce qui concerne l'amende pour défaut d'autoliquidation :

19. Aux termes de l'article 259-0 du code général des impôts : " Pour l'application des règles relatives au lieu des prestations de services prévues aux articles 259 à 259 D, est considéré comme assujetti : / 1° Pour tous les services qui lui sont fournis, un assujetti, même s'il exerce également des activités ou réalise des opérations qui ne sont pas considérées comme des livraisons de biens ou des prestations de services imposables (...) ". Aux termes de l'article 259 du même code : " Le lieu des prestations de services est situé en France : / 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : / a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis (...) ". Aux termes de l'article 283 de ce code : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée doit être acquittée par les personnes qui réalisent les opérations imposables, sous réserve des cas visés aux articles 275 à 277 A où le versement de la taxe peut être suspendu. / Toutefois, lorsqu'une livraison de biens ou une prestation de services mentionnée à l'article 259 A est effectuée par un assujetti établi hors de France, la taxe est acquittée par l'acquéreur, le destinataire ou le preneur qui agit en tant qu'assujetti et qui dispose d'un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée en France. Le montant dû est identifié sur la déclaration mentionnée à l'article 287. / 2. Lorsque les prestations mentionnées au 1° de l'article 259 sont fournies par un assujetti qui n'est pas établi en France, la taxe doit être acquittée par le preneur ". Le 4 de l'article 1788 A du même code dispose : " Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne l'application d'une amende égale à 5 % de la somme déductible ".

20. En application des dispositions précitées, il appartenait à la société requérante, en tant que preneur de la prestation de service fournie par la société Uber BV au travers de son " application chauffeur ", de procéder à l'autoliquidation de la TVA grevant cette prestation. La société requérante n'est pas fondée à se prévaloir de la circonstance, à la supposer établie, selon laquelle elle ne disposerait pas des factures correspondant à la prestation de service fournie par Uber, dès lors qu'elle n'établit pas ni même n'allègue avoir accompli les diligences nécessaires pour obtenir ces factures, ainsi qu'il lui appartenait de procéder. Par ailleurs, la société requérante ne saurait utilement soutenir que le défaut d'autoliquidation aurait été sans conséquence financière pour le Trésor en ce que la taxe ainsi collectée est déductible pour le preneur, dès lors que l'amende prévue par les dispositions précitées du 4 de l'article 1788 A a essentiellement pour objet d'inciter les redevables de la taxe sur la valeur ajoutée à s'acquitter avec exactitude de leurs obligations déclaratives, afin de permettre le bon fonctionnement des procédures d'échanges d'informations entre administrations fiscales des Etats membres de la Communauté européenne, prévues par le système communautaire de taxe sur la valeur ajoutée. La société n'est ainsi pas fondée à demander la décharge de cette amende.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans l'instance, la somme demandée par l'EURL Car Park Service au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La base de calcul des intérêts de retard dus par l'EURL Car Park Service est réduite de 100 000 euros à compter du 1er janvier 2018.

Article 2 : L'EURL Car Park Service est déchargée des intérêts de retard correspondant à la réduction prononcée à l'article 1er.

Article 3 : Le jugement n° 1922318 du 8 décembre 2021 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2.

Article 4 : Le surplus de la requête de l'EURL Car Park Service est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à l'EURL Car Park Service.

Copie en sera adressée à la Direction régionale des Finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.

Délibéré après l'audience du 7 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre ;

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure ;

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2023.

Le rapporteur,

J. DUBOISLa présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA00460 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00460
Date de la décision : 20/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Jacques DUBOIS
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : CABINET BBO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-20;22pa00460 ?
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