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19/12/2023 | FRANCE | N°23PA01524

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 19 décembre 2023, 23PA01524


Vu la procédure suivante :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 10 octobre 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a retiré la décision implicite de rejet née du silence qu'il avait gardé sur la demande d'autorisation de licenciement présentée le 10 juillet 2019 par la société Alphaguard Sécurité Privée et accordé à cette société l'autorisation de licencier ce salarié protégé.



Par un jugement n° 1911169 du 17 février 2023, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision

de l'inspecteur du travail du 10 octobre 2019.



Procédure devant la Cour :



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Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 10 octobre 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a retiré la décision implicite de rejet née du silence qu'il avait gardé sur la demande d'autorisation de licenciement présentée le 10 juillet 2019 par la société Alphaguard Sécurité Privée et accordé à cette société l'autorisation de licencier ce salarié protégé.

Par un jugement n° 1911169 du 17 février 2023, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 10 octobre 2019.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 avril et 10 octobre 2023, la société Alphaguard Sécurité Privée, représenté par Me Bertrand, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1911169 du 17 février 2023 du tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande d'annulation de la décision du 10 octobre 2019 présentée par M. B... ;

3°) de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de M. C... B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Alphaguard Sécurité Privée soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la procédure contradictoire n'a pas été méconnue dès lors que M. B... n'a jamais demandé que lui soient communiquées les pièces produites par son employeur à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement alors qu'il a été en mesure de le faire pendant l'enquête contradictoire menée par l'inspecteur du travail ;

- le fait qu'une première décision de refus d'autorisation de licenciement est intervenue le 28 juin 2019 à raison de la motivation insuffisante de la première demande d'autorisation quant au motif personnel ou économique du licenciement n'est pas de nature à vicier la procédure administrative d'autorisation de licenciement qui n'avait pas à être reprise ab initio ;

- la décision d'autorisation de licenciement n'est pas entachée d'erreur de fait car à la suite à la suppression du poste d'agent de service de sécurité incendie et d'assistance à personne (SSIAP 1) occupé par M. B... du fait de la fermeture par la société Safran du site de Malakoff où était affecté l'intéressé, ce dernier n'a pas répondu dans le délai de trente jours qui lui était imparti à la lettre du 29 mars 2009 comportant des propositions de réaffectations mais a sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail ;

- le refus opposé par M. B... aux trois propositions de réaffectation sur ses postes d'agents SSIAP 1 répondant parfaitement à la qualification professionnelle de l'intéressé est bien fautif dans la mesure où ces réaffectations n'impliquaient aucune modification de son contrat de travail et se trouvaient dans le même secteur géographique de l'Ile-de-France que son ancien poste ; de plus M. B... n'oppose aucun motif légitime à l'appui de son refus des postes proposés ;

- la demande de licenciement n'a pas de lien avec le mandat syndical de M. B....

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 septembre et 31 octobre 2023, M. C... B..., représenté par Me Tigrine, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire de la société Alphaguard Sécurité Privée et de l'inspection du travail de Seine-et-Marne sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués par la société Alphaguard Sécurité Privée ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les observations de Me Bertrand, représentant la société Alphaguard Sécurité Privée,

- et les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., membre suppléant du comité social et économique, était employé par la société Alphaguard Sécurité Privée, aussi dénommée " Protec Sécurité ", sous un contrat de travail à durée indéterminée et occupait un poste d'agent de service de sécurité incendie et d'assistance à personnes (SSIAP 1). En raison de la fermeture, le 3 avril 2019, du site de la société Safran à Malakoff (Hauts-de-Seine) où il travaillait depuis 2014, son employeur lui a proposé trois réaffectations sur des postes de SSIAP 1 dans des établissements situés en Ile-de-France. En raison de l'absence de réponse favorable de M. B... à ces trois propositions, la société Alphaguard Sécurité Privée a saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement de M. B... pour motif personnel. A la suite d'un premier refus d'autorisation du 28 juin 2019, la société Alphaguard a présenté dès le 10 juillet 2019 une nouvelle demande d'autorisation de licenciement fondée sur le même motif. Par une décision du 10 octobre 2019, l'inspecteur du travail a, d'une part, retiré la décision implicite de rejet née du silence qu'il avait gardé pendant plus de deux mois sur la demande du 10 juillet 2019 et, d'autre part, autorisé la société Alphaguard Sécurité Privée à licencier M. B.... Par un jugement du 17 février 2023 dont la société Alphaguard Sécurité Privée relève appel, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision d'autorisation de licenciement du 10 octobre 2019.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. (...) ".

3. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 2421-4 du code du travail préalablement à une autorisation de licenciement d'un salarié protégé impose à l'autorité administrative d'informer le salarié concerné, de façon suffisamment circonstanciée, des agissements qui lui sont reprochés. Il implique, en outre, que le salarié protégé puisse être mis à même de prendre connaissance en temps utile de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, notamment des témoignages et attestations, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. Enfin, il impose à l'inspecteur du travail de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris les témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation.

4. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement pour motif personnel de M. B... datée du 10 juillet 2019 et reçue le lendemain par l'inspecteur du travail était accompagnée de dix-huit pièces, dont notamment le procès-verbal de son élection en qualité de membre suppléant du comité social et économique, son contrat de travail, des correspondances et mails échangés entre M. B... et la société Alphaguard Sécurité Privée au sujet de la réaffectation du salarié sur un poste de SSIAP 1 après la fermeture du site de la société Safran et de son éventuel départ de la société en cas d'accord sur une rupture conventionnelle de son contrat, et des documents (convocation, ordre du jour et procès-verbal) relatifs à la réunion du comité social et économique du 29 mai 2019. M. B... a été entendu le 3 septembre 2019 dans le cadre de l'enquête contradictoire menée par l'inspecteur du travail. Il soutient qu'il n'a pas été mis à même, avant l'édiction de la décision contestée, de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par son employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement ainsi que des éléments déterminants qui ont pu être, le cas échéant, recueillis par l'inspecteur du travail lors de son enquête. L'administration du ministère du travail n'apporte pas d'élément permettant de contester utilement cette allégation. Dans ces conditions, comme l'ont à bon droit retenu les premiers juges, M. B... ne peut qu'être regardé comme ayant été effectivement privé de la garantie que constitue l'accès à l'ensemble des éléments mentionnés au point 3 dans des conditions et délais permettant de présenter utilement sa défense, quand bien même ces pièces aient été préalablement connues de lui, et il est par suite fondé à soutenir que la décision litigieuse est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière. Il s'ensuit que la requête de la société Alphaguard Sécurité Privée doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Alphaguard Sécurité Privée demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Alphaguard Sécurité Privée la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Alphaguard Sécurité Privée est rejetée.

Article 2 : La société Alphaguard Sécurité Privée versera M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Alphaguard Sécurité Privée, à M. C... B... et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.

Le président-rapporteur,

I. A...L'assesseure la plus ancienne,

M-I. LABETOULLE

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'insertion et du plein emploi en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01524


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01524
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : TIGRINE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;23pa01524 ?
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