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19/12/2023 | FRANCE | N°23NC02786

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 19 décembre 2023, 23NC02786


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux années.



Par un jugement n° 2101964 du 8 juin 20

21, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 28 janvier 2021 de la préfète du Bas-Rhin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux années.

Par un jugement n° 2101964 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 28 janvier 2021 de la préfète du Bas-Rhin.

Par une lettre, enregistrée le 23 septembre 2022, M. A... a demandé au tribunal, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de prendre les mesures qu'implique l'exécution du jugement n° 2101964 du 8 juin 2021 par lequel le tribunal a annulé l'arrêté du 28 janvier 2021 de la préfète du Bas-Rhin.

Par une ordonnance du 30 janvier 2023, le président du tribunal a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle.

Par un jugement n° 2300642 du 28 juillet 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé à l'encontre de la préfète du Bas-Rhin, si elle ne justifie pas de l'exécution du jugement du 8 juin 2021 une astreinte, fixée à 100 euros par jour, à l'expiration du délai de deux mois suivant la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 30 août 2023 sous le n° 23NC02786, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de surseoir à l'exécution du jugement n° 2300642 du 28 juillet 2023 du tribunal administratif de Strasbourg.

La préfète du Bas-Rhin soutient que :

- concernant les documents d'identité de M. A..., le jugement est entaché de plusieurs erreurs de fait ;

- en l'absence de certitude sur la véritable identité de M. A..., il n'est pas possible de lui délivrer un titre de séjour ; cette incertitude sur l'identité de M. A... résulte uniquement de son fait.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Perez, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à Me Perez, avocat de M. A..., de la somme de 1 500 euros HT au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas entaché d'erreurs de faits dans la mesure où son identité est suffisamment établie ;

- la préfète ne justifie pas de conséquences difficilement réparables ou de moyens qui paraissent sérieux en l'état de l'instruction.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2023.

II. Par une requête enregistrée le 30 août 2023 sous le n° 23NC02787, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2300642 du 28 juillet 2023 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg.

La préfète du Bas-Rhin soutient que :

- concernant les documents d'identité de M. A..., le jugement est entaché de plusieurs erreurs de fait ;

- en l'absence de certitude sur la véritable identité de M. A..., il n'est pas possible de lui délivrer un titre de séjour ; cette incertitude sur l'identité de M. A... résulte uniquement de son fait.

Par un mémoire, enregistré le 13 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Perez, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à Me Perez, avocat de M. A..., de la somme de 1 500 euros HT au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas entaché d'erreurs de faits dans la mesure où son identité est suffisamment établie ;

- la préfète ne justifie d'aucun moyen d'illégalité de nature à contester le bien-fondé du jugement du tribunal administratif dont l'exécution est justifiée.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 octobre 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, qui déclare être né le 10 octobre 2000, est arrivé en France, le 13 décembre 2016. Par une ordonnance du 27 décembre 2016, M. A... a fait l'objet d'un placement provisoire auprès du service de protection de l'enfance du département du Bas-Rhin. Par une ordonnance du 17 août 2017, le juge des tutelles du tribunal de grande instance de Strasbourg l'a confié à la tutelle du conseil départemental du département du Bas-Rhin. Par un arrêté du 3 mai 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé. Par un jugement du 16 octobre 2019 le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2019. Par un arrêt du 6 avril 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par M. A... à l'encontre de ce jugement. Parallèlement, le 15 mai 2020, M. A... a formulé une nouvelle demande d'admission au séjour, en qualité d'étudiant, sur le fondement des articles L. 313-7 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 janvier 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français durant deux ans. Par un jugement du 8 juin 2021, devenu définitif, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté. Dans ses motifs, le tribunal administratif de Strasbourg a également enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à M. A... un titre de séjour l'autorisant à travailler dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Si une autorisation provisoire de séjour a été délivrée à l'intéressé le 26 juillet 2021, aucun titre de séjour ne lui a été remis. En conséquence, M. A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de prendre les mesures qu'implique l'exécution du jugement du 8 juin 2021. Par un jugement du 28 juillet 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé à l'encontre de la préfète du Bas-Rhin, si elle ne justifie pas de l'exécution du jugement du 8 juin 2021 une astreinte, fixée à 100 euros par jour, à l'expiration du délai de deux mois suivant la notification du jugement. Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre, la préfète du Bas-Rhin demande l'annulation et le sursis à exécution du jugement du 28 juillet 2023 du tribunal administratif de Strasbourg.

Sur l'exécution du jugement du 8 juin 2021 du tribunal administratif de Strasbourg :

2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Si le jugement dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai et prononcer une astreinte ".

3. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité (...) ".

4. Alors qu'il est constant que malgré l'injonction du tribunal, aucun titre de séjour n'a été délivré à M. A..., la préfète du Bas-Rhin soutient qu'elle est dans l'impossibilité d'exécuter le jugement du 8 juin 2021 au motif que M. A... n'aurait pas justifié de son identité. Il résulte toutefois de l'instruction qu'une autorisation provisoire de séjour portant la mention " vie privée et familiale " a été délivrée le 26 juillet 2021 et dont la date de validité expirait le 25 janvier 2022, sans qu'il ne soit fait mention d'un problème particulier d'identité de M. A.... En outre, pour établir son identité, M. A... a produit un passeport délivré par les autorités guinéennes en mai 2020 ainsi qu'un jugement supplétif n° 5031/2021 du 23 février 2021 et un extrait du registre de l'état civil du 8 mars 2021. Ces deux derniers documents ont fait l'objet d'une légalisation par les autorités consulaires guinéennes en France. Si, à la suite du jugement dont elle relève appel, la préfète du Bas-Rhin a produit un rapport d'analyse documentaire rédigé en août 2023, ce dernier ne révèle pas des anomalies telles que le passeport produit par M. A... et le jugement supplétif du 23 février 2021 ne seraient pas de nature à justifier de l'état civil et de la nationalité de l'intéressé. Par suite, la préfète du Bas-Rhin ne saurait être regardée comme justifiant être dans l'impossibilité de délivrer une carte de séjour temporaire à M. A... sur la base des derniers documents produits par l'intéressé.

5. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé à son encontre une astreinte de cent euros par jour de retard, si elle ne justifiait pas de l'exécution du jugement n° 2101964 du 8 juin 2021 à l'expiration du délai de deux mois suivant la notification du jugement n° 2300642 du 28 juillet 2023.

Sur les frais liés aux instances :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Perez, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Perez de la somme totale de 1 000 euros.

Sur la demande de sursis à exécution :

7. Le présent arrêt statue sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 2300642 du tribunal administratif de Strasbourg du 28 juillet 2023. Il n'y a, par suite, plus lieu de statuer sur les conclusions de la préfète du Bas-Rhin tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête enregistrée sous le n° 23NC02786 aux fins de sursis à exécution présentées par la préfète du Bas-Rhin.

Article 2 : La requête enregistrée sous le n° 23NC02787 présentée par la préfète du Bas-Rhin est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à Me Perez une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Perez renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... A..., à Me Perez et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin et au tribunal administratif de Strasbourg.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Ghisu-Deparis, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : V. Ghisu-Deparis

La greffière,

Signé : M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. B...

2

Nos 23NC02786, 23NC02787


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC02786
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GHISU-DEPARIS
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : PEREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;23nc02786 ?
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