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19/12/2023 | FRANCE | N°23MA00161

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 19 décembre 2023, 23MA00161


Vu la procédure suivante :



Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 janvier 2023, le 24 juillet 2023 et le 15 septembre 2023 à 11 h 59 et non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, la société par action simplifiée (SAS) Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :



1°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel le maire de la commune d'Antibes a accordé à la société en nom collectif (SNC) Lidl un perm

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 janvier 2023, le 24 juillet 2023 et le 15 septembre 2023 à 11 h 59 et non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, la société par action simplifiée (SAS) Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel le maire de la commune d'Antibes a accordé à la société en nom collectif (SNC) Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la construction d'une surface commerciale de deux niveaux de sous-sol en stationnement, d'une surface de vente de 1 940,10 m², en tant que ce permis tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Antibes la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir contre cette autorisation d'exploitation commerciale, en tant qu'exploitante de trois supermarchés situés dans la zone de chalandise du projet ;

- l'autorisation en litige a été prise au terme d'une procédure irrégulière, faute d'établir que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) ont reçu communication des dossiers et de l'ensemble des pièces exigées par l'article R. 752-35 du code de commerce, ni que les avis des ministres intéressés ont été signés par des autorités compétentes, et alors que tous les membres de la commission n'ont pas été convoqués ;

- le dossier de demande est affecté d'insuffisances au regard de l'article R. 752-6 du code de commerce, en ce qui concerne d'une part les informations relatives aux flux de véhicules, l'étude de circulation présentant de nombreuses carences, d'autre part les garanties de financement et de réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial des aménagements nécessaires à la desserte du projet, le dossier ne contenant pas la convention de projet urbain partenarial, et enfin les informations relatives à la qualité environnementale du projet, l'imperméabilisation ayant été sciemment minorée et cette minoration confinant à la fraude, ayant à tout le moins influé sur l'appréciation de la demande ;

- le permis a été délivré en méconnaissance des prescriptions de l'article L. 752-6 du code de commerce, dès lors que :

* le projet est de nature à renforcer le déséquilibre du tissu commercial local, en prélevant une partie des clientèles des commerces de centre-ville, en privant une zone résidentielle de son seul commerce de proximité et en créant une nouvelle friche commerciale sur l'emplacement de l'actuel magasin de cette enseigne, alors que le poids commercial des zones périphériques est appelé à s'accroître ;

* le projet n'est pas desservi par des voies présentant une capacité suffisante ;

* le projet induit une imperméabilisation excessive de son tènement et génère des émissions de gaz à effet de serre et d'importants déchets.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 juin et 8 septembre 2023, la SNC Lidl, représentée par Me Robbes, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les moyens qui y sont présentés ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 juillet et 13 septembre 2023, la commune d'Antibes, représentée par Me Mouakil, de la Selarl DL Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SAS Distribution Casino France la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 752-35 et R. 752-36 du code du commerce sont inopérants et que ces moyens comme les autres de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 août 2023 à 12 heures, puis a été reportée, par ordonnance du 10 août 2023, au 15 septembre 2023 à 12 heures, et par ordonnance du 11 septembre 2023, au 19 septembre 2023, 12 heures, et enfin par ordonnance du 15 septembre 2023, au 26 septembre 2023, 12 heures.

Un mémoire enregistré le 26 septembre 2023, à 12h09, a été produit par la société distribution casino France, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Par une lettre du 3 novembre 2023, la Cour a demandé à C..., sur le fondement des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire tous les éléments matériels permettant d'attester aussi bien la réception des convocations du 14 septembre 2022 par les membres de la Commission à la séance de celle-ci du 29 septembre 2022, que la date de mise en ligne des documents que listent ces convocations et que celles-ci disent disponibles sur une plateforme de téléchargement au moins cinq jours avant la séance.

Par une lettre du 10 novembre 2023, la Cour a demandé à la société Lidl, sur le fondement des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire l'intégralité des annexes au dossier de demande comportant notamment les études complémentaires et démarche de gestion des déchets de chantiers et mesures de réduction des gaz à effet de serre.

Des pièces ont été produites par C... le 13 novembre 2023 et communiquées aux autres parties.

Des pièces ont été produites par la société Lidl le 17 novembre 2023 et communiquées aux autres parties.

Par un mémoire enregistré le 27 novembre 2023, la société Distribution Casino France indique, en réponse à la communication de pièces par C... sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, que ces pièces ne permettent toujours pas de connaître la date à laquelle ces convocations ont été réceptionnées de manière effective par ses membres, ni d'appréhender la nature des documents déposés sur la plateforme dématérialisée, ni de s'assurer que les membres de C... ont été informés du dépôt des documents sur cette plateforme et qu'ils y ont eu librement accès.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de commerce ;

- la décision QPC n° 2019-830 du 12 mars 2020 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ducros, substituant Me Bolleau, représentant la SAS Distribution Casino France, de Me Mouakil, représentant la commune d'Antibes et Me Marjary, substituant Me Robbes, représentant la SNC Lidl.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Lidl, qui exploite à Antibes un supermarché de 456 m², a déposé le 12 octobre 2021 une demande de permis de construire valant à la fois permis de démolir et autorisation d'exploitation commerciale, pour le transfert de son commerce sur un autre site, impliquant la démolition d'un édifice de 3 776 m², et la réalisation d'une surface de vente de 4 226 m². Par un arrêté du 22 novembre 2022, pris après avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial du 9 mai 2022, le maire de la commune d'Antibes a délivré ce permis de construire. La SAS Distribution Casino France demande à la Cour l'annulation de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la légalité du permis de construire du 22 novembre 2022 en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale :

En ce qui concerne la légalité externe de l'autorisation attaquée :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 732-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le secrétariat de C... a établi le 14 septembre 2022 une lettre de convocation de ses membres à la séance du 29 septembre 2022, indiquant que les documents énumérés à l'article R. 732-35 du code de commerce seraient disponibles cinq jours au moins avant cette séance, et qu'une convocation dématérialisée, suivant l'application e-convocation, a été générée le 14 septembre 2022 à 12h08, ce dont il est attesté par un document intitulé " attestation d'envoi de réunion ". En complément de ces pièces, C... a produit au dossier d'instance non seulement un accusé de réception, émanant du service de partage de fichiers du ministère de l'économie et des finances, intitulé " Transmission des dossiers CNAC 545 du 29 septembre 2022 après-midi ", indiquant le partage ce même jour, jusqu'au 6 octobre 2022, " des dossiers complets prévus à C... le 29 septembre 2022

après-midi ", et mentionnant comme liste des documents partagés " CNAC 545 du 29 septembre 2022.MP. zip ", mais encore une capture d'écran de la plateforme d'échange de fichiers " SOFIE ", faisant apparaître, au titre de l'historique des partages, la date de ces derniers, le 22 septembre 2022, les fichiers concernés et les adresses électroniques des membres de C... qui en étaient destinataires, ainsi qu'une attestation de la secrétaire de la Commission, selon laquelle l'ensemble de ses membres ont bien reçu une convocation à la séance n°545 du 29 septembre 2022, par l'application de " e-convocation " " Dematis " et que l'ensemble des documents énumérés à l'article R. 752-35 du code de commerce ont été mis à leur disposition le 22 septembre 2022 par la plateforme d'échange de fichiers " SOFIE ", dont ils ont pris connaissance. D'une part, contrairement à ce que prétend la requérante, l'ensemble de ces documents permettent de justifier suffisamment que les membres de C..., dont il est constant qu'aucun ne s'est plaint d'avoir reçu, via la plateforme de partage de fichiers, les éléments de dossiers pour une séance de la commission le 29 septembre 2022, sans y avoir été convié, ont été effectivement convoqués à cette séance, au moins cinq jours avant celle-ci, conformément à l'article R. 732-35 du code de commerce. Dans la mesure, en outre, où aucune disposition du code de commerce, non plus qu'aucun principe, n'impose à C... de convoquer, en même temps que ses membres titulaires, ses membres suppléants, la circonstance que l'une des membres suppléants n'aurait pas été convoquée à la séance du 29 septembre 2022, alors que les membres titulaires étaient invités, en cas d'empêchement, à informer leurs suppléants de cette réunion, est sans incidence sur le respect des dispositions de

l'article R. 732-35. D'autre part, contrairement aux affirmations de la requérante, ces mêmes documents, rapprochés les uns des autres, sont de nature à établir que les membres de la Commission ont été réellement destinataires de l'ensemble des pièces prévues par l'article

R. 732-35 du même code. Ainsi la société Distribution Casino France n'est pas non plus fondée à soutenir que la procédure de mise à la disposition des membres de C... des dossiers inscrits à l'ordre du jour de la séance du 29 septembre 2022 n'aurait pas été régulière.

4. En deuxième lieu, l'avis du ministre chargé du commerce a été signé pour le ministre par Mme A... B..., cheffe du service tourisme, commerce artisanat et des services depuis le 1er octobre 2019, pour une durée de trois ans, en vertu d'un arrêté 30 septembre 2019, qui avait en cette qualité délégation du ministre pour agir dans le domaine du commerce, en application de de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement. L'avis émis le 28 septembre 2022 sur le projet en litige par le ministre chargé de l'urbanisme, a quant à lui été signé par M. D... E..., nommé sous-directeur de la qualité du cadre de vie par un arrêté du 27 février 2020, et bénéficiaire en cette qualité d'une délégation de signature de la part de ce ministre, en vertu de ce même article 1er du décret du 27 juillet 2005, lui permettant de signer valablement cet avis. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que l'avis de C... aurait été rendu au vu d'avis émis par les ministres chargés du commerce et de l'urbanisme dans des conditions irrégulières.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : " I.- La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments mentionnés ci-après ainsi que, en annexe, l'analyse d'impact définie au III de l'article L. 752-6. (...) 3° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : (...) b) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; (...) f) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial pour les aménagements pris en charge au moins pour partie par les collectivités territoriales, la mention des principales caractéristiques de ces aménagements, une estimation des coûts indirects liés aux transports supportés par les collectivités comprenant la desserte en transports en commun, ainsi qu'une présentation des avantages, économiques et autres, que ces aménagements procureront aux collectivités ; 4° Effets du projet en matière de développement durable. Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de développement durable, incluant les éléments suivants : (...) c) Le cas échéant, dans les limites fixées aux articles L. 229-25 et R. 229-47 du code de l'environnement, description des émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre que le projet est susceptible de générer et les mesures envisagées pour les limiter ; d) Description des mesures propres à limiter l'imperméabilisation des sols ; e) Description des mesures propres à limiter les pollutions associées à l'activité, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de traitement des déchets ; (...) ".

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale présenté par la société Lidl que le projet a été l'objet d'une étude de trafic, réalisée le 20 septembre 2021 par un cabinet d'études spécialisées à partir de comptages des flux automobiles opérés en 2018, dont l'obsolescence ne résulte pas de leur comparaison avec les données, dont se prévaut la requérante, issues d'une application informatique, et qui a été complétée le 28 janvier 2022 par une étude d'impact circulatoire pour valider les hypothèses initialement formulées. Cette même étude retient des projections de trafic routier aux horizons 2023 et 2025, qui tiennent compte, à la fois, des effets propres du projet et de ceux attachés au projet d'extension du centre commercial à l'enseigne Carrefour à raison de 8 000 m² supplémentaires dans la même zone d'activités, qui a du reste été suspendu au jour de la délivrance du permis en litige. Contrairement à ce que soutient la requérante, qui ne livre à ce titre aucun élément ni aucune pièce, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment ni de l'évaluation théorique de la capacité d'accueil du projet en fonction de sa surface, ni des hypothèses de fréquentation de l'ordre de 2000 clients par jour, que l'évaluation par cette étude d'une fréquentation du site, aux heures de pointes, par quelque 220 personnes, dont 185 véhiculées, serait minorée. Il n'est pas davantage établi que le taux de captation du trafic routier par le projet, évalué par la pétitionnaire à 65 % et appliqué par celle-ci comme facteur de minoration de la création nette de trafic supplémentaire sur le réseau viaire public, serait pour sa part excessif, dès lors que n'est pas remise en cause par l'intéressée la conjonction de motifs retenue par la pétitionnaire pour retenir un tel taux, et correspondant aux fonctions des axes entourant le site, à la visibilité du magasin projeté et aux trafics élevés y prévalant. En se bornant à rapprocher la surface de vente supplémentaire du projet d'extension du centre commercial Carrefour, de 8 000 m², du nombre supplémentaire de clients susceptibles de fréquenter cet ensemble, évalué par la société pétitionnaire à 469, alors que celle-ci livre dans sa demande les motifs et la méthodologie pour parvenir à cette estimation, la requérante, qui ne discute pas ces motifs et méthodologie, ne justifie pas non plus de la minoration sur ce point des données de l'étude de trafic, ni partant de la méconnaissance des dispositions du b) du 3° du I de l'article R. 752-6 du code de commerce.

7. D'autre part, s'il résulte du dossier de demande que pour l'appréciation des flux routiers et de la desserte du projet, l'étude de trafic envisage l'ensemble des aménagements de voirie susceptibles d'être mis en œuvre, savoir non seulement le réaménagement des rues du bon air et de la voie Lyan, mais encore l'aménagement des giratoires Couteler et Provence, le déplacement du giratoire Super-Antibes et la création d'une ligne de bus à haut niveau de service, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis, reproduit par l'arrêté en litige et émis par la direction voirie et grands projets de la communauté d'agglomération de Sophia-Antipolis, compétente pour la gestion de la zone d'activités d'insertion du projet, que seuls sont nécessaires à la desserte de celui-ci le réaménagement des rues du bon air et de la voie Lyan. Si le dossier soumis à la commission départementale d'aménagement commercial se bornait à annoncer la conclusion d'une convention de projet partenarial urbain destiné à prévoir la réalisation de ces aménagements et leur financement, une telle convention, signée le 3 mai 2022 par la pétitionnaire, la communauté d'agglomération et la commune d'Antibes, a été soumise à C... avant que celle-ci ne se prononce sur le projet. Cette convention, qui comporte d'une part les engagements financiers de la pétitionnaire pour la somme de deux millions d'euros et d'autre part les engagements de la communauté d'agglomération à réaliser ces travaux suivant un programme détaillé, permet de garantir le financement et la réalisation effective de ces travaux à la date d'ouverture de l'équipement commercial. Il suit de là que, la requérante ne contestant pas que le projet n'engendrera aucun coût indirect lié aux transports supportés par les collectivités, et alors que les délibérations de la commune d'Antibes et de la communauté d'agglomération de Sophia-Antipolis figurent en annexe de la convention de projet partenarial urbain, son moyen tiré de la composition irrégulière du dossier de demande au regard des dispositions du f) du 3° du I de l'article R. 752-6 du code de commerce ne peut qu'être écarté.

8. Enfin, le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale fait état, au titre des mesures propres à limiter l'imperméabilisation des sols, des surfaces de stationnement et de voirie destinées à être imperméabilisées, après réalisation du projet, représentant moins des trois quarts de la surface du bâtiment à réaliser, et d'une surface totale imperméabilisée de 7 546 m², soit quelque 70 % du tènement de l'opération. S'il est constant que ce même dossier indique également par erreur que la surface à imperméabiliser ne sera que de 2 155m², et que l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial est affecté de la même erreur et si le rapport d'instruction de la demande indique que la surface imperméabilisée sera réduite, après réalisation du projet, à 2 155 m², C..., dont l'avis se substitue entièrement à celui de la commission départementale et qui disposait, à partir du dossier dont elle était saisie et des avis des ministres chargés du commerce et de l'urbanisme, de données exactes, contrairement à ce qu'affirme la requérante, a pu se prononcer en toute connaissance de cause sur la réalité de l'imperméabilisation résultant de l'opération. L'intéressée n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'à cet égard l'avis de C... aurait été obtenu au terme de manœuvres frauduleuses de la pétitionnaire, ou à tout le moins rendu au prix d'une erreur sur la réalité des surfaces à imperméabiliser. Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirme la requérante, le dossier de demande, pris dans ses différentes rubriques consacrées à la description des émissions de gaz à effet de serre susceptibles d'être générées par le projet, ne se limite pas à l'exposé de considérations générales, relatives à la politique nationale de la société pétitionnaire en la matière, mais détaille dans ses annexes les mesures prises, dont il prévoit un bilan et les résultats obtenus, cependant que pour tenir compte de la lourdeur des travaux de démolition du site actuellement en friche, il est prévu une valorisation des déchets de chantier dans le cadre d'une démarche technique dont les références sont précisées et dont la pertinence n'est pas utilement critiquée par la requérante. Le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande au regard des dispositions du 4° du I de l'article R. 752-6 du code de commerce doit donc être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de l'autorisation attaquée :

9. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : (...) c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; (...) 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; (...) c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche.(...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi.

Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

10. D'abord, il ressort des pièces du dossier que le projet en cause consiste à transférer l'exploitation du supermarché sous l'enseigne Lidl, de 456 m² de surface de vente et implanté dans une zone résidentielle d'Antibes, vers la zone d'activités des Terriers, de près de 29 880m² de surface de vente, et générant chaque année un chiffre d'affaires de 700 millions d'euros, sur une friche commerciale résultant de la fermeture en 2020 d'une grande surface d'ameublements et d'électroménagers. Contrairement à ce qu'affirme la requérante, le projet en litige, malgré la diversité des produits qui y seront commercialisés, ne nuit pas à l'animation de la vie urbaine ni à la préservation du tissu commercial de la commune d'Antibes, dont le taux de vacance commerciale est de l'ordre de 6 %, ni à celui des communes voisines, dont la commune de Vallauris, en dépit de son taux de vacance commerciale de 16 % et de son inscription au programme " Action cœur de ville ", dès lors qu'il s'implante respectivement à 4,5 km et 6 km de leurs centres-villes, et que la zone résidentielle du précédent site du magasin Lidl demeure dotée de trois équipements de commerce de détail. Si le projet d'aménagement et de développement durable du plan local d'urbanisme de la commune d'Antibes comporte pour orientation celle de localiser les commerces de proximité dans les secteurs résidentiels

" péri-centraux ", le projet, qui a vocation à s'implanter dans une zone d'habitat et qui se traduit par la résorption d'une friche commerciale, s'inscrit dans une autre orientation de ce plan, qui est de requalifier les secteurs économiques situés en périphérie du centre-ville. Il ressort en outre des pièces du dossier de demande, et il n'est pas sérieusement contesté, que le projet ne contribuera pas à l'apparition d'une friche commerciale sur l'ancien site du supermarché, qui a vocation à être repris en totalité, suivant un bail de sous-location, par une activité de pharmacie. Par suite la société distribution Casino France n'est pas fondée à prétendre que le permis en litige aurait été pris en méconnaissance des dispositions du c) et du e) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce qui, contrairement à ce qu'elle affirme, ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes qu'elles mentionnent, et alors que par son avis du 9 mai 2022, C..., qui n'y était pas tenue, n'a pas pris explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de l'objectif de préservation de l'animation de la vie urbaine.

11. Ensuite, il ressort des éléments de l'étude de trafic et de l'étude d'impact circulatoire jointes au dossier de demande, dont les données chiffrées ne sont pas sérieusement mises en doute par la requérante, ainsi que des prévisions d'aménagements routiers nécessaires à la bonne desserte du projet, qui présentent un caractère à la fois suffisant et certain, ainsi qu'il a été dit au point 7, que les effets sur les flux de transport de l'opération de transfert du supermarché dans la zone d'activités des Terriers, sur un tènement qui supportait jusqu'en 2020 une surface commerciale d'ameublement, seront limités. Le projet litigieux ne peut donc être regardé, à cet égard, comme compromettant l'objectif d'aménagement du territoire posé par les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce.

12. Enfin, l'opération en litige, en ce qu'elle prévoit la réalisation d'un parc de stationnement automobiles sur trois niveaux, dont deux souterrains, et porte la surface consacrée aux espaces verts à 2 987 m², correspond à une imperméabilisation des sols de 70 % de son tènement, contre près de la totalité de celui-ci sous l'effet de la précédente surface commerciale, et contribue de la sorte à réduire cette imperméabilisation. En se bornant à comparer d'une part la capacité d'accueil théorique de l'ensemble projeté, supérieure à 2 000 personnes, et d'autre part l'évaluation par le porteur du projet, des flux de personnes en heures de pointe, à 220 personnes, la société requérante ne justifie pas du caractère disproportionné de la surface de vente autorisée par le permis en litige. Ainsi qu'il a été dit au point 8, la société pétitionnaire justifie d'une démarche de valorisation des déchets devant être produits par l'opération de démolition-reconstruction du bâtiment commercial existant, ainsi que du type de matériaux choisis pour les travaux de reconstruction, relevant d'une démarche de haute qualité environnementale, que la société requérante ne critique pas sérieusement. Par ailleurs, celle-ci ne peut se borner, pour soutenir l'effet négatif du projet sur les émissions de gaz à effet de serre, à s'appuyer sur l'avis de la direction des territoires et de la mer qui décrit les mesures prévues à ce titre par la pétitionnaire comme trop générales, dès lors que cet avis a été émis avant l'établissement d'une étude complémentaire sur ce point. Si, dans le cadre de cette étude réalisée à l'initiative de la pétitionnaire en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre liées à son projet, et notamment aux équipements et produits de construction, les résultats obtenus au jour de la décision en litige n'atteignent pas un niveau de notation satisfaisant, cette même étude, que la requérante ne discute pas dans cette mesure, précise qu'un meilleur résultat est susceptible d'être obtenu en cours de réalisation des travaux. En tout état de cause, cette circonstance ne justifie pas, à elle seule, le refus de l'autorisation sollicitée. Ainsi la société Distribution Casino France, qui n'apporte aucun élément de nature à démontrer que, comme elle le soutient, une réhabilitation du bâtiment commercial actuel aurait été techniquement possible et plus vertueuse en matière de développement durable, n'est pas fondée à soutenir que l'autorisation d'exploitation commerciale en litige a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Distribution Casino France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel le maire de la commune d'Antibes a délivré à la SNC Lidl un permis de construire en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les frais d'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d'Antibes et de la société Lidl qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, au titre des frais exposés par la société Distribution Casino France et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société la somme de 2 500 euros à verser à la commune d'Antibes et la même somme à la société Lidl sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : La société Distribution Casino France versera la somme de 2 500 euros à la commune d'Antibes et la somme de 2 500 euros à la société Lidl au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par action simplifiée Distribution Casino France, à la société en nom collectif Lidl, à la Commission nationale d'aménagement commercial et à la commune d'Antibes.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.

N° 23MA001612


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00161
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-043 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SELARL ALTIUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;23ma00161 ?
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