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19/12/2023 | FRANCE | N°23BX01766

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 19 décembre 2023, 23BX01766


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé le séjour.



Par un jugement n° 2205071 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 26 juin 2023, le préfet de la Gironde demande à la cour :



) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 mai 2023 ;



2°) de rejeter les demandes présentées par M. C....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé le séjour.

Par un jugement n° 2205071 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juin 2023, le préfet de la Gironde demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 mai 2023 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. C... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- la présence en France de l'intéressé constitue une menace pour un intérêt fondamental de la société ;

- l'arrêté annulé n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant.

Par un mémoire enregistré le 25 août 2023, M. C..., représenté par Me Lassort, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais exposés pour l'instance.

Il soutient que les moyens invoqués par le préfet ne sont pas fondés et entend reprendre les moyens qu'il a précédemment invoqués devant le tribunal administratif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le décret n° 2020-1417 du 19 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B....

- et les observations de Me Lassort, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant britannique né le 1er septembre 1988, est entré en France en 2018 selon ses déclarations. Le 23 décembre 2020, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement du décret du 19 novembre 2020 concernant l'entrée, le séjour et l'activité professionnelle et les droits sociaux des ressortissants étrangers bénéficiaires de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique. Par un arrêté du 4 août 2022, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande. Le préfet de la Gironde relève appel du jugement du 26 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.

2. D'une part, aux termes de l'article 28 du décret du 19 novembre 2020 susvisé concernant l'entrée, le séjour, l'activité professionnelle et les droits sociaux des ressortissants étrangers bénéficiaires de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique : " L'entrée sur le territoire français et la délivrance des titres de séjour et documents de circulation prévus par le présent décret peuvent être refusées si la présence du demandeur constitue une menace pour l'ordre public. / Si le comportement à l'origine de cette menace s'est produit avant le 1er janvier 2021, l'entrée et la délivrance du titre de séjour ou du document de circulation peuvent être refusées à la condition que ce comportement représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ". Il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

3. D'autre part, en vertu des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. Le préfet de la Gironde fait valoir que M. C... a fait l'objet de seize condamnations par les juridictions britanniques entre 2015 et 2020 pour des faits de conduite en état d'ébriété, d'agression, de port de couteau, de détention de stupéfiants, de vandalisme et de non-respect des conditions de mise en liberté sous caution. Le 19 mars 2020, il a en outre été condamné par le tribunal judiciaire de Bordeaux, confirmé sur ce point par un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 6 janvier 2022, à une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans pour des faits de violence en état d'ivresse ayant entraîné une incapacité d'un jour à l'encontre de sa compagne et en présence de leur enfant mineur.

5. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C..., entré en France au mois de novembre 2018 en sa qualité de ressortissant européen, est père d'un enfant de nationalité française né le 13 avril 2019. Par un jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 7 septembre 2021, le juge aux affaires familiales a maintenu son autorité parentale conjointe sur cet enfant, a pris acte de ce qu'il avait déjà reçu son fils à plusieurs reprises du vendredi soir au lundi matin, lui a accordé un droit de visite et d'hébergement un week-end sur deux du vendredi soir au lundi matin ainsi que la moitié des vacances scolaires, et a mis à sa charge le paiement d'une pension alimentaire d'un montant mensuel de 200 euros. L'intéressé, qui a spontanément versé une pension d'un montant mensuel de 130 euros de mai à octobre 2021, s'est ensuite régulièrement acquitté de ses obligations financières. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier des copies des sms échangés entre l'intéressé et la mère de son fils, que M. C... exerce son droit de visite et qu'en dépit des agissements à raison desquels il a été condamné, les relations entre les parents apparaissent cordiales et fondées sur l'entraide de sorte que, dans son arrêt du 6 janvier 2022, la cour d'appel de Bordeaux a indiqué que l'intéressé ne présente plus une menace pour la mère de son enfant. M. C... contribue ainsi significativement à l'entretien et à l'éducation de son fils de nationalité française. Enfin l'intéressé, titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, travaille à temps plein depuis son entrée en France et dispose d'un logement stable dans lequel il accueille son fils.

6. Dans ces conditions, nonobstant le caractère répété des infractions commises par M. C... en Grande-Bretagne puis sa condamnation en France, l'arrêté refusant le séjour à M. C... a porté atteinte à l'intérêt supérieur de son fils et a méconnu, ce faisant, les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

7. Il résulte de ce qui précède que la requête doit être rejetée. En outre, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application des dispositions de l'article et L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros à verser à M. C... au titre de ses frais d'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Gironde est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié M. A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2023.

Le rapporteur,

Manuel B...

Le président,

Laurent PougetLa greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX01766 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01766
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : LASSORT

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;23bx01766 ?
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