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19/12/2023 | FRANCE | N°21BX03394

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 19 décembre 2023, 21BX03394


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'administration à lui verser la somme de 26 000 euros correspondant au préjudice subi du fait de l'absence de versement d'un régime indemnitaire équivalent à celui versé aux agents affectés en administration centrale sur la période comprise entre l'année 2014 et le premier semestre de l'année 2019.



Par un jugement n° 1901991 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Poitiers

a condamné l'Etat à verser à M. B..., d'une part, une indemnité représentant la différence entre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'administration à lui verser la somme de 26 000 euros correspondant au préjudice subi du fait de l'absence de versement d'un régime indemnitaire équivalent à celui versé aux agents affectés en administration centrale sur la période comprise entre l'année 2014 et le premier semestre de l'année 2019.

Par un jugement n° 1901991 du 15 juin 2021, le tribunal administratif de Poitiers a condamné l'Etat à verser à M. B..., d'une part, une indemnité représentant la différence entre l'indemnitaire forfaitaire pour travaux supplémentaires telle que versée aux chargés d'études documentaires affectés en administration centrale au regard du barème qui leur est applicable et le montant qu'il a effectivement perçu au titre de cette indemnité sur la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 30 juin 2017 et, d'autre part, une indemnité correspondant à la prime de rendement à laquelle il aurait pu prétendre sur cette même période.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 août 2021, complétée de deux mémoires le 9 novembre 2023, la ministre de la culture demande à la cour :

1°) d'annuler de jugement du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant ce tribunal.

Elle soutient que :

- le jugement notifié au ministre n'est pas signé et il est donc irrégulier ;

- le tribunal n'a pas communiqué le 2ème mémoire en défense de l'administration et n'a même pas visé son 3ème mémoire transmis avant la clôture, or ces mémoires apportaient de nouveaux éléments de droit et de fait concernant la situation indemnitaire de M. B... ;

- il est faux que M. B... ait été affecté au sein de la direction des Archives de France à compter du 1er janvier 2009 puisqu'il est affecté aux archives de départementales de la Vienne depuis le 1er mai 1998, lesquelles ne peuvent être assimilées à une administration centrale ;

- le service à compétence nationale des archives de France constitue un service distinct de la direction des Archives de France, devenu le service interministériel des archives de France ; M. B... n'était pas préalablement affecté au service à compétence national des Archives nationales avant sa mise à disposition du service des archives départementale de la Vienne ; en tout état de cause, ce service ne saurait être assimilé au service des archives départementales, pas plus qu'il ne relève du service interministériel des Archives de France ; il s'agit en effet d'un service placé sous l'autorité du président du conseil départemental et subsidiairement des services déconcentrés de l'Etat placés sous l'autorité du département ; le motif retenu par le tribunal pour faire droit à la demande indemnitaire de M. B... doit donc être invalidé ;

- le fonctionnaire mis à disposition conserve son niveau de rémunération attaché au dernier emploi occupé ; M. B... ne fournit aucun élément au soutien de son moyen tiré d'une erreur de droit dans l'application des textes par l'administration, notamment en ce qui concerne la détermination de l'indemnité de fonction et de travaux supplémentaires (IFTS) et de l'indemnité de fonction, de sujétion et d'expertise (IFSE) ; il était déjà affecté aux archives départementales de la Vienne avant d'y être mis à disposition et le régime indemnitaire qui lui était applicable jusqu'au 1er juillet 2017 était donc celui servi aux agents affectés au sein d'un service déconcentré ; en lui appliquant ce régime l'administration n'a donc pas méconnu le principe d'égalité de traitement des agents ;

- depuis le 1er juillet 2017 les planchers et socles de l'IFSE sont les mêmes pour les agents appartenant à un même corps et grade quelle que soit leur affectation, en administration centrale ou en services déconcentrés ;

- au regard des sujétions particulières et de l'engagement de l'agent, il n'apparaît pas que l'administration n'aurait pas justement déterminé les montants de primes versées à M. B..., qui n'apporte aucun élément de critique à ce sujet ;

- le principe d'égalité de traitement ne s'appliquant qu'entre agents du même corps et le régime indemnitaire étant une donnée individuelle résultant de plusieurs variables, M. B... ne peut s'appuyer valablement sur une comparaison avec un seul autre agent, dont on ne connaît pas tous les éléments de situation administrative et individuelle pour en tirer que ce principe a été méconnu ; le service des archives départementales ne peut en l'espèce être considéré comme assimilable à un service d'administration centrale ; en outre le requérant peut prétendre à des compléments de rémunération sur le fondement de sa convention de mise à disposition ;

- aucune faute n'est donc imputable à l'administration ;

- M. B... n'apporte pas d'éléments de nature à permettre d'apprécier la réalité de son préjudice financier ; en l'espèce, il a perçu jusqu'au premier semestre 2017 une IFTS supérieure au montant moyen attribué aux agents de son grade exerçant dans les administrations déconcentrées et aux agents exerçant en administration centrale ; l'IFSE perçue est également supérieure au plancher réglementaire ; en outre, à compter de juillet 2017, il a perçu de façon rétroactive un montant supérieur au socle indemnitaire annuel de l'IFSE, avec une revalorisation et un complément à compter du 1er janvier 2019 ;

Par un mémoire enregistré le 29 décembre 2022, le syndicat des Archives de France CGT (SAF-CGT), représenté par Me Ogier, qui intervient volontairement en la cause au soutien de M. B..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que c'est à juste titre que le tribunal a condamné l'Etat à indemniser M. B... du préjudice qu'il a subi.

Par des mémoires enregistrés le 10 mai 2023, le 26 juillet 2023 et le 17 novembre 2023, ce dernier non communiqué, M. A... B..., représenté par Me Crusoé, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 3 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 novembre 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 11 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 45-1753 du 6 août 1945 ;

- le décret n° 50-196 du 6 février 1950 ;

- le décret n° 97-464 du 9 mai 1997 ;

- le décret n° 98-188 du 19 mars 1998 ;

- le décret n° 2002-62 du 14 janvier 2002 ;

- le décret n° 2002-63 du 14 janvier 2002 ;

- le décret n°2009-1127 du 17 septembre 2009 ;

- le décret n° 2009-1393 du 11 novembre 2009 ;

- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;

- le décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 ;

- l'arrêté du 4 mars 2003 portant application aux personnels de l'administration centrale du ministère de la culture et de la communication des dispositions du 6 février 1950 relatif à certaines indemnités dans les administrations centrales ;

- l'arrêté du 24 décembre 2006 érigeant le service Archives nationales en service à compétence nationale ;

- l'arrêté du 12 mai 2014 fixant les montants moyens annuels de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des administrations centrales ;

- l'arrêté du 12 mai 2014 fixant les montants moyens annuels de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des services déconcentrés ;

- l'arrêté du 25 mars 2015 autorisant certains fonctionnaires du ministère de la culture et de la communication à percevoir l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des administrations centrales ;

- l'arrêté du 25 mars 2015 autorisant certains fonctionnaires du ministère de la culture et de la communication à percevoir l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des services déconcentrés ;

- l'arrêté du 28 décembre 2018 pris pour l'application aux corps de chargés d'études documentaires des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat ;

- l'arrêté du 31 décembre 2020 relatif aux missions et à l'organisation de la direction générale des patrimoines et de l'architecture

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Laurent Pouget,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Crusoé, représentant M. B... et le syndicat des archives de France CGT.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., chargé d'études documentaires du ministère de la culture, titularisé le 1er janvier 2009 et affecté aux archives départementales de la Vienne, a été mis à disposition de ce même service à compter du 1er juillet 2013 pour y occuper l'emploi d'archiviste expert. Par une lettre du 16 août 2019, il a saisi la ministre de la culture d'une réclamation tendant au versement d'une somme correspondant à l'application, au titre de la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2019, du régime indemnitaire applicable aux agents de même grade et exerçant des fonctions équivalentes en administration centrale, qu'il aurait dû selon lui percevoir. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé sur cette demande. M. B... a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 26 000 euros en principal en réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi. Par un jugement du 15 juin 2021, le tribunal a condamné l'Etat à verser à M. B..., d'une part, une indemnité représentant la différence entre l'indemnitaire forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) telle que versée aux chargés d'études documentaires affectés en administration centrale au regard du barème qui leur est applicable et le montant que l'agent a effectivement perçu au titre de cette indemnité sur la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 30 juin 2017 et, d'autre part, une indemnité correspondant à la prime de rendement à laquelle il aurait pu prétendre sur cette même période. La ministre de la culture relève appel de ce jugement.

Sur l'intervention du syndicat SAF-CGT :

2. Eu égard à son objet statutaire, le syndicat SAF-CGT justifie d'un intérêt suffisant au rejet de la requête d'appel de la ministre de la culture et au maintien du jugement attaqué du tribunal administratif de Poitiers du 15 juin 2021. Ainsi, son intervention au soutien de la défense présentée par M. B... est recevable.

Sur l'existence d'une illégalité fautive :

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :

3. D'une part, aux termes de l'article 3 de l'arrêté susvisé du 31 décembre 2020 : " I. - Le service interministériel des Archives de France définit, coordonne et évalue l'action de l'Etat en matière de collecte, de conservation, de communication et de mise en valeur des archives publiques (...) Il coordonne et évalue l'action des services déconcentrés, des services à compétence nationale et des services décentralisés dans le domaine des archives (...) ". Selon l'article R. 212-2 du code du patrimoine : " Le service interministériel des archives de France de la direction générale des patrimoines et de l'architecture assure le contrôle scientifique et technique sur les archives des services et établissements publics de l'Etat ainsi que des autres personnes morales de droit public (...). / Il assure également le contrôle scientifique et technique de l'Etat sur les archives appartenant aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics et à leurs groupements (...) ". L'article R. 212-4 du même code dispose que : " Le contrôle scientifique et technique mentionné à l'article R. 212-3 est exercé sur pièces ou sur place par : (...) / 4° Les directeurs des services départementaux d'archives et agents de l'Etat mis à disposition des collectivités territoriales dans la limite de leurs circonscriptions géographiques (...) ". Aux termes de l'article R. 212-50 de ce code : " Le contrôle scientifique et technique sur les archives des collectivités territoriales est exercé au nom de l'Etat par les services et agents mentionnés aux 1°, 2° et 4° de l'article R. 212-4. (...) ".

4. Selon l'article 1er du décret susvisé du 18 mars 1998 : " Deux corps de chargés d'études documentaires sont constitués : - le corps des chargés d'études documentaires des ministères chargés de la culture et de l'éducation nationale, dont la gestion est confiée au ministre chargé de la culture (...) ". L'article 2 de ce décret dispose : " Les chargés d'études documentaires exercent leur activité dans les départements ministériels et les services déconcentrés ainsi que dans les établissements publics administratifs en relevant et, pour les chargés d'études documentaires du ministère chargé de la culture, également dans les services départementaux d'archives ".

5. Et aux termes de l'article 65 de la loi susvisée du 22 juillet 1983 : " L'Etat exerce un contrôle technique sur l'activité du personnel scientifique et technique des communes, départements et régions chargé de procéder à l'étude, à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine ". L'article 68 de cette loi dispose que : " A compter de la date d'effet du décret prévu à l'article 4 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 précitée, les agents qui sont affectés à un service d'archives communal, départemental ou régional sont placés sous l'autorité, respectivement du maire, du président du conseil général ou du président du conseil régional. A cet effet, ceux d'entre eux qui n'ont pas, selon les cas, la qualité d'agent de la commune, du département ou de la région sont mis à la disposition de la collectivité concernée ". Aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 17 septembre 2009 : " La mise à disposition des agents mentionnés à l'article 1er et des autres fonctionnaires de l'Etat appartenant aux corps scientifiques et de documentation de la culture et mis à disposition du département pour exercer leurs fonctions au sein des services départementaux d'archives est prononcée dans les conditions prévues à l'article 1er du décret du 16 septembre 1985 susvisé et après avis du préfet. / La convention de mise à disposition prévue à l'article 2 du décret du 16 septembre 1985 susvisé prévoit, le cas échéant, que ces agents exercent, au nom de l'Etat, le contrôle scientifique et technique de l'Etat sur les archives publiques conservées dans le département (...) ". L'article 1er du décret susvisé du 16 septembre 1985 dispose que : " La mise à disposition est prononcée par arrêté du ministre dont relève le fonctionnaire, après accord de l'intéressé et du ou des organismes d'accueil, dans les conditions définies par la convention de mise à disposition prévue à l'article 2. (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, alors applicable : " La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui exerce des fonctions hors du service où il a vocation à servir. / Elle ne peut avoir lieu qu'avec l'accord du fonctionnaire et doit être prévue par une convention conclue entre l'administration d'origine et l'organisme d'accueil. (...) ". Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. (...) ".

7. Enfin, selon l'article 1er du décret du 14 janvier 2002 relatif à l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des administrations centrales : " Les fonctionnaires appartenant à des corps d'administration centrale de l'Etat et affectés en administration centrale peuvent percevoir une indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires dans les conditions et suivant les modalités fixées par le présent décret. (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Les montants moyens annuels de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des administrations centrales sont fixés en fonction du grade ou de l'emploi de l'agent par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de la fonction publique. (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " Le montant de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires varie suivant le supplément de travail fourni et l'importance des sujétions auxquels le bénéficiaire est appelé à faire face dans l'exercice effectif de ses fonctions ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 25 mars 2015 autorisant certains fonctionnaires du ministère de la culture et de la communication à percevoir l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des administrations centrales : " Les fonctionnaires du ministère de la culture et de la communication, exerçant leurs fonctions en administration centrale et énumérés ci-dessous, peuvent percevoir l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des administrations centrales prévue par le décret du 14 janvier 2002 susvisé, selon le tableau d'assimilation (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 14 janvier 2002 relatif à l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des services déconcentrés : " Les fonctionnaires affectés dans les services déconcentrés de l'Etat et dans les établissements publics de l'Etat à caractère administratif peuvent percevoir une indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires dans les conditions fixées par le présent décret. (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Les agents mentionnés à l'article 1er du présent décret sont classés en quatre catégories. / Les montants moyens annuels de l'indemnité pour travaux supplémentaires des services déconcentrés sont fixés pour chaque catégorie par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de la fonction publique. (...) ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " Le montant de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires varie suivant le supplément de travail fourni et l'importance des sujétions auxquels le bénéficiaire est appelé à faire face dans l'exercice effectif de ses fonctions ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 25 mars 2015 autorisant certains fonctionnaires du ministère de la culture et de la communication à percevoir l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des services déconcentrés : " Les fonctionnaires du ministère de la culture et de la communication exerçant leurs fonctions dans des services déconcentrés et dans les établissements publics à caractère administratif et énumérés ci-dessous peuvent percevoir l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des services déconcentrés prévue par le décret du 14 janvier 2002 susvisé, selon le tableau d'assimilation (...) ".

8. Et aux termes de l'article 1er du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat : " Les fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée peuvent bénéficier, d'une part, d'une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et, d'autre part, d'un complément indemnitaire annuel lié à l'engagement professionnel et à la manière de servir, dans les conditions fixées par le présent décret. (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 28 décembre 2018 pris pour l'application au corps des chargés d'étude documentaire des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat : " Le corps des chargés d'études documentaires régis par le décret [...] susvisé bénéficient des dispositions du décret du 20 mai 2014 susvisé ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " Les dispositions du présent arrêté entrent en vigueur le 1er juillet 2017 ".

9. Il résulte des termes mêmes du décret du 14 janvier 2002 relatif à l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des administrations centrales et de l'arrêté du 25 mars 2015 autorisant certains fonctionnaires du ministère de la culture et de la communication à percevoir cette indemnité, que le bénéfice de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des administrations centrales était réservé jusqu'au 1er juillet 2017 aux seuls fonctionnaires du ministère de la culture et de la communication exerçant leurs fonctions en administration centrale. De même, par application des dispositions combinées du décret n° 50-196 du 6 février 1950 et de l'arrêté du 4 mars 2003, les chargés d'études documentaires occupant des emplois permanents à l'administration centrale du ministère de la culture et de la communication pouvaient seuls prétendre au versement d'une prime de rendement variable et personnelle. Toutefois, conformément aux dispositions combinées de l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984 et de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983, les agents du ministère de la culture mis à la disposition d'un service autre qu'un service d'administration centrale, dès lors qu'ils sont réputés occuper leur emploi et continuer à percevoir la rémunération correspondante, peuvent prétendre au versement des indemnités considérées dans le cas où ils occupaient, au moment de leur mise à disposition, un emploi dans un service d'administration centrale ouvrant droit à ces indemnités.

En ce qui concerne la situation de M. B... :

10. En l'espèce, il résulte de l'instruction que M. B... a été affecté à sa demande à compter du 1er janvier 2009 aux archives départementales de la Vienne par un arrêté ministériel du 25 mars 2010. Il a par la suite été mis à disposition de ce même service à compter du 1er juillet 2013, pour des périodes successives de trois ans, dans les conditions prévues par les dispositions du décret du 16 septembre 1985 citées au point 5. Ainsi, il était déjà affecté aux archives départementales de la Vienne avant sa mise à disposition de ce service en 2013, l'arrêté de titularisation du 25 mars 2010 ne pouvant être regardé comme ayant prononcé son affectation en administration centrale tout en le mettant simultanément à disposition des archives départementales de la Vienne, alors d'une part que le statut des chargés d'études documentaires prévoit qu'ils peuvent être affectés dans des services déconcentrés ainsi que dans les services départementaux d'archives et que, d'autre part, il est constant que M. B... n'a pas, avant 2013, donné son accord préalable à une mise à disposition ni signé une convention avec l'organisme d'accueil. Par ailleurs, les services des archives départementales sont des services des départements placés sous l'autorité du président du conseil général puis départemental depuis le 1er janvier 1986, en application des dispositions de la loi du 22 juillet 1983, mais aussi, subsidiairement, des services déconcentrés de l'Etat placés sous l'autorité du préfet de département et du ministre de la culture, le contrôle scientifique et technique sur les archives constituant une mission régalienne exercée au nom du préfet de département en vertu des articles 15 et 16 du décret susvisé du 29 avril 2004. A cet égard, la convention de mise à disposition versée au dossier mentionne expressément que M. B..., mis à disposition du département de la Vienne et exerçant ses fonctions au sein des archives départementales, participe notamment au contrôle scientifique et technique de l'Etat sous l'autorité du préfet et peut recevoir délégation de signature du préfet pour les missions qu'il exerce en son nom. Dans ces conditions, la ministre de la culture est fondée à soutenir que M. B... n'établit pas avoir été affecté avant le 1er juillet 2013 sur un emploi en administration centrale ni qu'il occupait, au moment de sa mise à disposition, un emploi dans une administration centrale ouvrant droit à cette indemnité.

11. Par suite, bien qu'il ait été mis à disposition, à compter du 1er juillet 2013, du service des archives du département de la Vienne, M. B..., qui a d'abord perçu, sur la période en litige, l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) puis a bénéficié, à partir de juillet 2017, du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), lequel inclut une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) et un complément indemnitaire annuel lié à l'engagement professionnel et à la manière de servir (CIA), n'est pas fondé à solliciter le bénéfice d'un montant d'IFTS déterminé sur le fondement du décret du 14 janvier 2002 relatif à l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des administrations centrales et de l'arrêté du 26 mai 2003 fixant les montants moyens annuels de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des administrations centrales. La ministre de la culture fait ainsi valoir, à bon droit, que le régime indemnitaire du requérant relevait, pour la période en litige et jusqu'au 1er juillet 2017, du décret du 14 janvier 2002 relatif à l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des services déconcentrés et de l'arrêté du 2 mai 2014 fixant les montants moyens annuels de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des services déconcentrés. Pour les mêmes motifs, le requérant ne pouvait davantage prétendre au bénéfice de la prime de rendement. Il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a estimé que la ministre de la culture a commis une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984 en refusant d'accorder à M. B... le bénéfice du même niveau de régime indemnitaire que celui accordé aux agents d'administration centrale pour la période du 1er janvier 2014 au 30 juin 2017, et qu'il en résulterait une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

12. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Poitiers et devant la cour.

13. En premier lieu, s'agissant de la période postérieure au 30 juin 2017, M. B... ne peut utilement se prévaloir d'un régime indemnitaire propre aux agents affectés en administration centrale, dès lors que les primes perçues par les chargés d'études documentaires ont été intégrées, à compter de cette date, au RIFSEEP, lequel a supprimé la distinction existant entre les services centraux et les services déconcentrés, l'IFSE et le CIA étant déterminés par groupes de fonctions quel que soit le lieu d'affectation des agents.

14. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des stipulations des conventions de mise à disposition, que M. B..., affecté comme archiviste expert au sein de la direction des archives du département de la Vienne participe, d'une part, au contrôle scientifique et technique de l'Etat sous l'autorité du préfet, d'autre part, à l'ensemble des missions assurées par le directeur des archives départementales sous l'autorité du président du conseil départemental et du directeur général des services du département. La mission régalienne de contrôle scientifique et technique de l'Etat, réalisée sous l'autorité du préfet dans le cadre d'un service déconcentré, ne saurait être assimilée à une mission exercée en administration centrale. Par suite, et quand bien même l'intéressé souligne le caractère selon lui atypique de ses fonctions de chargé de la coordination informatique, de la numérisation et de la mise en ligne des archives, il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait accompli des missions de contrôles relevant de l'administration centrale. Il s'ensuit qu'il n'est dès lors pas fondé à invoquer une rupture d'égalité dans l'attribution de la prime de rendement et de l'IFTS avant le 1er juillet 2017, ou de l'IFSE à partir du cette date, compte-tenu d'un mode de calcul de cette indemnité fondé sur l'IFTS de l'année précédente, dès lors que M. B... n'était pas, jusqu'au 1er juillet 2017, dans la même situation que les fonctionnaires affectés en administration centrale.

15. En troisième et dernier lieu, M. B... soutient que le choix de l'administration quant à son niveau de régime indemnitaire est entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Il ne saurait cependant à cet égard se prévaloir utilement, eu à égard à ce qui a été dit précédemment, d'un tableau comparatif des régimes indemnitaires moyens servis aux agents exerçant leurs fonctions en administration centrale et en services déconcentrés. En l'occurrence, il résulte des dispositions de l'article 2 du décret n° 2002-62 du 14 janvier 2002 et de l'article 2 du décret n° 2002-63 du 14 janvier 2002 relatifs respectivement à l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires des services déconcentrés et des administrations centrales, ainsi que des articles 1er et 2 des arrêtés du 12 mai 2014 fixant les montants moyens annuels de l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires de ces deux catégories de services déconcentrés, que le montant moyen annuel de l'IFTS attribué à un agent ayant le grade de chargé d'études documentaires exerçant ses fonctions dans les services déconcentrés de l'Etat était fixé, pour les années 2015 à 2017, à 1 078,73 euros sans que l'attribution individuelle de cette IFTS ne puisse excéder 8 629,84 euros, et que le montant moyen annuel de l'IFTS attribué à un agent du même grade exerçant ses fonctions en administration centrale était fixé à 2 403,01 euros sans que l'attribution individuelle de cette IFTS ne puisse excéder 7 209,03 euros. Or, la ministre de la culture fait valoir sans être contredite que M. B... a perçu pour les années 2015, 2016 et les six premiers mois de l'année 2017, une IFTS supérieure à quatre fois le montant moyen attribué aux agents de son grade exerçant dans les administrations déconcentrées et deux fois supérieure au montant moyen attribué aux agents de son grade exerçant en administration centrale. Elle ajoute que les fonctions occupées par le requérant relevant du groupe 3 du RIFSEEP, l'IFSE qui lui a été servie est également plus de deux fois supérieure au plancher réglementaire prévu. En outre, Monsieur B... a perçu à compter du 1er juillet 2017, de façon rétroactive, un montant supérieur au socle indemnitaire annuel de l'IFSE de ce groupe de fonctions, fixé à 4 000 euros, soit 4 580 euros par an assorti d'une revalorisation pour absence de mobilité de 500 euros annuels, soit un montant total annuel de 5 080 euros. A compter du 1er janvier 2019, il a perçu un montant de 6 000 euros par an suite à la revalorisation des socles indemnitaires, ainsi qu'un complément " archives " intégré à l'IFSE d'un montant de 500,04 euros par an. Enfin, M. B... n'établit pas que l'administration n'aurait pas pris en considération son ancienneté et son expérience dans ses fonctions pour fixer le niveau de cette indemnité. Par suite, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation de l'administration dans la mise en œuvre de son régime indemnitaire ne peut qu'être écarté et aucune illégalité fautive ne saurait davantage être retenue à ce titre.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement du 15 juin 2021, que la ministre de la culture est fondée à en demander l'annulation, ainsi que le rejet de la demande présentée devant ce tribunal par M. B....

Sur les frais d'instance :

17. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : L'intervention du syndicat SAF-CGT est admise.

Article 2 : Le jugement du 15 juin 2021 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée, de même que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la culture, à M. A... B... et au syndicat des Archives de France-CGT.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2023.

La présidente-assesseure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président-rapporteur,

Laurent Pouget La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne à la ministre de la culture, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX03394


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03394
Date de la décision : 19/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : CRUSOE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-19;21bx03394 ?
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