Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 3 juin 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2210203 du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté en tant qu'il prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 4 avril 2023 sous le n° 23PA01356, Mme C... A... épouse B..., représentée par Me Boudjelti, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 8 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 juin 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer le titre sollicité, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
II. Par une requête, enregistrée le 4 avril 2023 sous le n° 23PA01357, Mme C... A... épouse B..., représentée par Me Boudjelti, demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 2210203 du 8 mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil.
Elle soutient que les conditions fixées par les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont satisfaites.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bruston, rapporteure,
- et les observations de Me Boudjelti, représentant Mme C... A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A... épouse B..., ressortissante algérienne, née le 1er juin 1983, est entrée en France le 17 août 2013 selon ses déclarations. Le 21 juillet 2021, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 3 juin 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par la requête n° 23PA01356, Mme A... épouse B... demande l'annulation du jugement du 8 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté en tant seulement qu'il prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et a rejeté le surplus de ses conclusions et, par la requête enregistrée sous le n° 23PA01357, elle demande à la Cour d'en prononcer le sursis à exécution.
2. Les deux requêtes présentées par Mme A... épouse B... sont formées contre un même jugement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur la requête n° 23PA01356 :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...)". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Et aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... épouse B... réside en France depuis l'année 2013, soit depuis neuf ans à la date de la décision attaquée, et que, le 5 octobre 2019, elle a épousé un compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2026. L'intéressée, pour justifier de la vie commune avec son époux, produit, pour la première fois en appel, l'acte de naissance des enfants nés les 17 novembre 2019 et 27 octobre 2020 sur lesquels apparaissent leur adresse commune à Sevran, des avis d'imposition sur les revenus communs pour les années 2019, 2020 et 2021 à cette même adresse, ainsi que divers bulletins de paie à cette même adresse entre janvier et octobre 2022, de sorte que la vie commune peut être tenue pour établie depuis 2019. En outre, l'intéressée justifie occuper des emplois à temps plein depuis le mois de mai 2016, sous couvert d'un contrat à durée indéterminée, d'abord avec la société " Eco-Conseil ", puis au sein de la société " Sarl Etudes et Conseils ", ces emplois lui procurant des revenus supérieurs au SMIC. Ainsi, la requérante justifie d'une insertion professionnelle suffisamment stable et ancienne sur le territoire. En outre, il n'est pas contesté que la requérante dispose d'attaches familiales en France, ses frères et sœurs résidant sur le territoire national soit sous couvert de titres de séjour, soit à raison de leur nationalité française. Enfin, la mesure d'éloignement prise à son encontre aurait pour effet de séparer les enfants de l'un de leur parent, le père, titulaire d'une carte de résident, ayant vocation à demeurer en France. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, compte tenu de la durée de séjour de Mme A... épouse B..., des liens familiaux qu'elle entretient en France et de son intégration, la requérante est fondée à soutenir que le refus de séjour et la mesure d'éloignement contestés portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Le refus de titre de séjour opposé et l'obligation de quitter le territoire français opposés à Mme A... épouse B... étant ainsi entaché d'illégalité, la décision lui refusant un délai de départ volontaire et celle fixant le pays de destination doivent, par voie de conséquence, également être annulées.
6. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... épouse B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine Saint Denis du 3 juin 2022. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué ainsi que cet arrêté dans son ensemble.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de changement dans les circonstances de droit ou de fait, que le préfet délivre un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " à Mme A... épouse B.... Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un tel titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur la requête n° 23PA01357 :
8. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2210203 du 8 mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil, les conclusions de la requête n° 23PA01357 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... épouse B... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 23PA001357 de Mme A... épouse B....
Article 2 : Le jugement n° 2210203 du tribunal administratif de Montreuil du 8 mars 2023 est annulé.
Article 3 : L'arrêté du 3 juin 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis est annulé.
Article 4 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme A... épouse B... un certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à Mme A... épouse B... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Bruston, présidente assesseure,
- Mme Saint-Macary, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.
La rapporteure,
S. BRUSTON
La présidente,
M. HEERS
La greffière,
O. BADOUX-GRARELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA01356, 23PA01357 2