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15/12/2023 | FRANCE | N°23PA00308

France | France, Cour administrative d'appel, 9ème chambre, 15 décembre 2023, 23PA00308


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision n° 00174 du 7 février 2022 aux termes de laquelle le ministre de l'intérieur l'a exclu temporairement de ses fonctions pour une durée de trois mois dont deux mois avec sursis.



Par un jugement n° 2200138 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté la demande M. B....





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Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 21 janvier et 29 octobre 2023 M. B..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision n° 00174 du 7 février 2022 aux termes de laquelle le ministre de l'intérieur l'a exclu temporairement de ses fonctions pour une durée de trois mois dont deux mois avec sursis.

Par un jugement n° 2200138 du 22 novembre 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté la demande M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 21 janvier et 29 octobre 2023 M. B..., représenté par Me Millet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200138 du 22 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision n° 00174 du 7 février 2022 du ministre de l'intérieur prononçant à son encontre une exclusion temporairement de fonctions pour une durée de trois mois dont deux mois avec sursis ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 250 000 francs des collectivités françaises du Pacifique au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au motif que l'administration a fondé sa sanction sur une croyance erronée selon laquelle il aurait établi lui-même les procurations en litige ;

- les premiers juges n'ont répondu que partiellement au moyen tiré de la partialité du conseil de discipline en raison de l'implication fautive du directeur de la sécurité publique (DSP), membre du conseil de discipline ;

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation ;

- le DSP a manqué à son devoir d'impartialité, auquel il est tenu en vertu de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 : il ne pouvait, compte tenu de l'irrégularité de ses directives pour fixer la procédure d'établissement des procurations au sein de la DSP et alors que celles-ci méconnaissaient les articles R. 72 et R. 73 du code électoral, mener l'enquête sur des faits commis par ses subordonnés et liés à l'établissement de ces procurations ; la note DSP n° 47 a depuis été modifiée ;

- le rapport d'enquête tente de dissimuler les irrégularités systématiques commises par les agents sur directives du directeur de la sécurité publique ;

- son audition lors de l'enquête est irrégulière : elle rapporte des propos qu'il n'a pas tenus ; il n'a pas été convoqué préalablement par un courrier, adressé dans un délai raisonnable, mentionnant sommairement les faits reprochés et la possibilité d'être assisté ; lors de cette audition, il a bien indiqué que les procurations lui avaient été remises par une amie de sa femme, engagée dans la campagne électorale pour un candidat ;

- le conseil de discipline n'était pas impartial dès lors que le directeur de la direction de la sécurité publique y siégeait ;

- il n'a pas eu accès à l'intégralité du dossier : les tableaux " Excel " des procurations enregistrées par la DSP ne lui ont pas été communiqués, aucun exemplaire des procurations scannées ne lui a été remis ; le PV n° 2020/0789/DSP/02 du 15 juillet 2020 vise quatre tableaux de procurations alors que ces procurations sont scannées pour être envoyées aux mairies et qu'aucune pièce du dossier ne permet d'en faire un décompte exact ;

- la sanction prononcée est injustifiée ; il n'a pas reçu de formation et s'est vu confier pour la première fois la charge de participer à l'authentification des procurations ; il n'a pas commis de faute grave en raison du dysfonctionnement du service : n'ayant pas la qualité d'officier de police judiciaire (OPJ), il s'est borné à transmettre les procurations reçues à un OPJ ayant seul qualité pour attester leur validité, sans lui donner la moindre directive ; la procédure interne pour le second tour des élections municipales mise en place par la DSP était illégale ; suite à des irrégularités commises par un responsable des procurations, qui n'a fait l'objet que d'un blâme, le DSP aurait dû diligenter une vérification interne sur les procédures suivies par les agents ; l'enquête réalisée n'a pas révélé l'existence d'une fraude en ce que la procuration ne reflèterait pas la volonté du mandant, son indisponibilité ou aurait altéré le vote ; le parquet a classé sans suite la plainte déposée pour fraude électorale ;

- les faits litigieux se sont produits dans le contexte de la crise covid-19 peu après la fin du confinement général et alors qu'il était préconisé de limiter autant que possible les déplacements ;

- les manquements ne sont pas caractérisés et aucune faute grave n'est de nature à justifier la mesure ;

- la sanction est disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2023 le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code électoral ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;

- le décret n° 97-464 du 9 mai 1997 relatif à la création et à l'organisation des services à compétence nationale ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement ;

- le décret n° 2013-728 du 12 août 2013 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et du ministère des outre-mer ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boizot ;

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 6 décembre 1974, exerce ses fonctions en qualité de brigadier de police à la direction de la sécurité publique de Papeete. Il a fait l'objet, ainsi que d'autres collègues, d'une enquête pour établissement irrégulier de procurations dans la perspective du second tour des élections municipales de Papeete du 28 juin 2020. Au terme de cette enquête, il a été retenu à son encontre le fait d'avoir pris en compte une cinquantaine de procurations de vote pré-rédigées, hors la présence du mandant, remises par une amie de sa compagne, engagée dans la campagne de l'un des candidats à la mairie de Papeete. Par arrêté n° 00174 du 7 février 2022, le directeur des ressources et des compétences de la police nationale a décidé de lui infliger la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de trois mois dont deux avec sursis. Par un jugement n° 2200138 du 22 novembre 2022 dont il interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 février 2022 aux termes de laquelle le ministre de l'intérieur l'a exclu temporairement de ses fonctions pour une durée de trois mois dont deux avec sursis.

Sur la régularité du jugement :

2. Tout d'abord, il ressort de la lecture des points 4 et 9 du jugement attaqué que les juges de première instance, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par le requérant, ont énoncé de manière suffisamment précise les éléments de faits pertinents au soutien de leur raisonnement et les motifs par lesquels ils ont écarté le moyen tiré de la partialité du directeur de la sécurité publique au cours de l'enquête administrative puis de la séance du conseil de discipline. Le jugement contesté répond à cet égard à l'obligation de motivation posée à l'article L. 9 du code de justice administrative.

3. Par ailleurs, le requérant soutient que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au motif que l'administration a fondé sa sanction sur une croyance erronée selon laquelle il aurait établi lui-même les procurations en litige. Toutefois, en indiquant au point 12 du jugement, que " l'autorité hiérarchique s'est fondée sur la prise en compte par M. B... d'une cinquantaine de procurations établies au bénéfice d'une amie de son épouse, qui faisait campagne pour l'un des candidats aux élections municipales de Papeete, alors que celles-ci étaient complétées et signées par les mandants sans qu'ils se soient présentés au commissariat " et indiqué qu'il " lui est également reproché d'avoir remis ces procurations à l'officier de police judiciaire de permanence au traitement des procurations afin qu'il les contresigne ", les premiers juges ont écarté l'argument que l'administration aurait fondé sa sanction sur le fait que M. B... aurait lui-même établi des procurations. De même, au point 15 du jugement, en indiquant " qu'interrogé sur les conditions dans lesquelles il avait récupéré ces procurations, il a indiqué se les être fait remettre directement, en trois fois, par une amie de sa femme, proche de X, et précisé qu'il présumait qu'elle faisait campagne pour celui-ci ", les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments développés au soutien du moyen tiré de la contestation de la gravité des manquements commis en cause, ont suffisamment répondu à l'argument mentionné soulevé. Le jugement attaqué n'est donc pas entaché d'omission à statuer sur ce point.

4. Enfin, si M. B... soutient par ailleurs que le jugement serait entaché d'erreur d'appréciation, cette critique est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité dudit jugement et ne peut être utilement soulevée que pour en contester le bien-fondé.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. En premier lieu, les conditions dans lesquelles une enquête administrative est diligentée au sujet de faits susceptibles de donner ultérieurement lieu à l'engagement d'une procédure disciplinaire sont, par elles-mêmes, sans incidence sur la régularité de cette procédure. Il ressort des pièces du dossier que la décision d'engager une procédure disciplinaire à l'encontre de M. B..., qui a conduit au prononcé de la sanction d'une exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de trois mois dont deux mois avec sursis, a été prise au vu d'un rapport du directeur de la sécurité publique. Le requérant ne saurait utilement soutenir que la méconnaissance du principe d'impartialité par l'auteur du rapport d'enquête administrative, dont la mission ne constitue pas une phase de la procédure disciplinaire, affecterait la régularité de cette procédure et entacherait d'illégalité la sanction attaquée. En tout état de cause, le rapport précité, produit par l'administration et soumis au débat contradictoire, constitue une pièce du dossier au vu duquel le conseil de discipline et l'autorité investie du pouvoir disciplinaire se sont prononcés et dont il appartenait à ces derniers, au vu de ce débat, d'apprécier la valeur probante. Par ailleurs, la circonstance que le directeur de la sécurité publique, qui a mené personnellement l'enquête concernant les soupçons de fraudes électorales mettant en cause M. B..., est l'autorité qui a arrêté la procédure d'authentification des procurations, dans des conditions estimées contraires au code électoral dans la mesure où elle ne prévoit pas la présence du mandant devant l'officier de police judiciaire au cours de l'authentification, mais seulement le fonctionnaire de police chargé de l'accueil des intéressés, n'est pas à elle seule de nature à entacher cette enquête de partialité.

6. En deuxième lieu, M. B... ne peut utilement soulever le moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête administrative, tirée de l'absence de convocation en bonne et due forme et d'assistance par un conseil, et de déformation des propos qu'il a tenus, pour soutenir que la décision contestée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière. En tout état de cause, il n'est pas établi que le directeur de la sécurité publique aurait essayé d'intimider le requérant ou des témoins, ou de lui faire subir les conséquences de ses propres erreurs.

7. En troisième lieu, à supposer établie la circonstance que le rapport du directeur de la sécurité publique ne se prononce pas sur certains faits susceptibles d'amoindrir la responsabilité de M. B..., ce dernier, qui n'assortit d'aucune précision l'affirmation selon laquelle il n'aurait pu avoir accès à certaines informations propres à relativiser sa responsabilité, a pu, tout au long de la procédure disciplinaire, faire valoir les éléments de nature à atténuer les fautes susceptibles de lui être reprochées. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les omissions du rapport de l'enquête administrative auraient porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense doit, en tout état de cause, être écarté.

8. En quatrième lieu, si M. A..., qui, en tant que supérieur hiérarchique de M. B... en sa qualité de directeur de la sécurité publique de Papeete était compétent pour l'engagement de poursuites disciplinaires à son encontre en application des dispositions de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce qu'il pût régulièrement être membre de cette instance en application des articles 3 et 6 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires et elle ne saurait caractériser un manquement à l'obligation d'impartialité, faute pour cette autorité d'avoir manifesté une animosité personnelle à l'égard du fonctionnaire ou fait preuve de partialité au cours de la procédure disciplinaire. De même, la circonstance que le directeur de la sécurité publique, représentant de l'administration ait, antérieurement à la séance, exposé publiquement sa position sur l'affaire dans le cadre d'une réunion syndicale, cette circonstance, à la supposer vérifiée, ne suffit pas à établir que l'intéressé aurait manifesté à son encontre une animosité personnelle notoire et fait preuve d'une partialité de nature à vicier l'avis émis par le conseil de discipline. Enfin, il ressort du procès-verbal du conseil de discipline que le directeur de la sécurité publique n'a ni pris la parole, ni posé de question au requérant et que la nature de la sanction proposée et son quantum ont été décidés à l'unanimité par les membres du conseil de discipline, composé de deux représentants de l'administration et de deux représentants du personnel. Par suite le moyen tiré de la partialité du conseil de discipline en raison de la présence du directeur de la sécurité publique parmi ces membres doit être écarté.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ".

10. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal de consultation du 9 novembre 2020 que M. B... a consulté le même jour à 14h00 son dossier individuel dans les locaux du service et qu'à sa demande une copie de ses notations 2019 et 2020, de plusieurs lettres de félicitations et témoignages de satisfaction ainsi que de l'enquête administrative n° 2020/0789/DSP pages 1 à 79 lui ont été remises. Par ailleurs, si le requérant soutient qu'il n'a eu accès ni aux tableaux " Excel " des procurations établies ni aux " scans " des procurations lors de la consultation et qu'en conséquence son dossier administratif était incomplet, il n'établit pas en avoir fait la demande et ne conteste ainsi pas que les services du secrétariat général pour l'administration de la police en Polynésie française lui avaient précédemment donné accès à l'ensemble des pièces qui étaient en leur possession. L'autorité administrative a ainsi respecté son droit à obtenir communication. Au demeurant, s'il est constant que les procurations scannées ne figuraient pas au dossier, il est constant qu'il n'est pas reproché au requérant d'avoir falsifié des procurations mais de les avoir réceptionnées hors de la présence des mandants en méconnaissance des dispositions du code électoral applicable en la matière, le nombre des procurations authentifiées par M. B... figurant dans le tableau joint à l'enquête administrative. Ainsi, et dans la mesure où son dossier lui permettait de connaître le nombre des procurations litigieuses, l'incomplétude qu'il dénonce n'a pas été susceptible, en l'espèce de la priver d'une garantie ou d'exercer une influence sur le sens de la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité résultant du caractère incomplet de son dossier administratif doit être écarté.

11. En sixième lieu, d'une part, aux termes de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. ". Aux termes de l'article 29 de la même loi, dans sa rédaction alors applicable : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ".

12. D'autre part, aux termes de l'article R. 434-5 du code de la sécurité intérieure : " I. - Le policier ou le gendarme exécute loyalement et fidèlement les instructions et obéit de même aux ordres qu'il reçoit de l'autorité investie du pouvoir hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. / S'il pense être confronté à un tel ordre, il fait part de ses objections à l'autorité qui le lui a donné, ou, à défaut, à la première autorité qu'il a la possibilité de joindre, en mentionnant expressément le caractère d'illégalité manifeste qu'il lui attribue. Si, malgré ses objections, l'ordre est maintenu, il peut en demander la confirmation écrite lorsque les circonstances le permettent. Il a droit à ce qu'il soit pris acte de son opposition. Même si le policier ou le gendarme reçoit la confirmation écrite demandée et s'il exécute l'ordre, l'ordre écrit ne l'exonère pas de sa responsabilité. / L'invocation à tort d'un motif d'illégalité manifeste pour ne pas exécuter un ordre régulièrement donné expose le subordonné à ce que sa responsabilité soit engagée. / Dans l'exécution d'un ordre, la responsabilité du subordonné n'exonère pas l'auteur de l'ordre de sa propre responsabilité. / II. - Le policier ou le gendarme rend compte à l'autorité investie du pouvoir hiérarchique de l'exécution des ordres reçus ou, le cas échéant, des raisons de leur inexécution. Dans les actes qu'il rédige, les faits ou événements sont relatés avec fidélité et précision. ". Aux termes de l'article R. 434-10 du même code : " Le policier ou le gendarme fait, dans l'exercice de ses fonctions, preuve de discernement. / Il tient compte en toutes circonstances de la nature des risques et menaces de chaque situation à laquelle il est confronté et des délais qu'il a pour agir, pour choisir la meilleure réponse légale à lui apporter ".

13. Enfin, aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa version en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) / Troisième groupe : (...) / - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans (...) ".

14. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

15. Il est reproché à M. B... d'avoir pris en compte une cinquantaine de procurations de vote pré-rédigées, hors la présence des mandants, que lui avaient remises une amie de sa compagne qui faisait campagne pour un candidat inscrit sur les listes électorales, alors qu'il n'était pas de permanence, ainsi que d'avoir sollicité un officier de police judiciaire de permanence au traitement des procurations afin de lui faire contresigner les documents litigieux. Si M. B... soutient, en l'absence de qualité d'officier de police judiciaire (OPJ), s'être borné à transmettre, après effectué les vérifications de forme nécessaires, les procurations reçues à un OPJ compétent pour les valider, il ressort des pièces du dossier que M. B... a reconnu, lors de son audition le 28 juillet 2020 dans le cadre de l'enquête administrative, avoir pris en charge lui-même les procurations remises par une amie de sa compagne, proche de X, et dont il présumait qu'elle faisait campagne pour la tête de la liste que ce dernier soutenait, sans s'être informé des procédures applicables en la matière au regard des dispositions du code électoral. Eu égard aux faits reprochés à M. B... et aux manquements commis aux obligations lui incombant en sa qualité de policier, notamment au devoir de discernement, dans le contexte d'organisation d'élections locales, alors qu'il ne pouvait ignorer, au regard de son expérience professionnelle, qu'il se trouvait dans une situation de conflit d'intérêt en acceptant de prendre en charge les procurations d'une amie de sa compagne, l'autorité disciplinaire n'a pas, en l'espèce, malgré les bonnes appréciations portées sur sa manière de servir, pris une sanction disproportionnée en décidant de l'exclure temporairement de ses fonctions pour une durée de trois mois dont deux avec sursis nonobstant la circonstance que le procureur de la République ait classé sans suite la plainte pour fraude électorale déposée par le maire de Papeete au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée. En outre, la circonstance que d'autres agents ayant commis des faits aussi graves n'auraient pas été sanctionnés avec la même sévérité est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Par ailleurs, ni le contexte lié à l'organisation de la campagne de procurations par la direction de la sécurité publique de Papeete ou à la pandémie de Covid-19, alors au demeurant que la note d'organisation de la campagne de procurations réservait le cas des personnes placées dans l'incapacité de se déplacer au commissariat, ni l'absence de formation spécifique de M. B... à l'authentification des procurations, ni l'absence alléguée d'altération de la volonté des mandants ou des conditions matérielles ou de fond de présentation des procurations, ne peuvent être regardés, en l'espèce, comme ayant eu une incidence sur la gravité des faits reprochés à M. B..., qui, tels qu'analysés précédemment, et eu égard à sa qualité de représentant de la loi, ont contribué à une organisation susceptible d'influer sur la sincérité du scrutin, et revêtent dès lors un caractère fautif de nature à justifier une sanction disciplinaire.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur

et des outre-mer.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 15 décembre 2023.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00308 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00308
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELARL MILLET VARROD AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;23pa00308 ?
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