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15/12/2023 | FRANCE | N°22VE02060

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 15 décembre 2023, 22VE02060


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Nickel a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2016 au 28 février 2019, pour un montant total de 364 279 euros.



Par un jugement n° 2004893 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Versailles a déchargé la SARL Nickel des impositions contestées.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 août 2022, 4 octobre 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Nickel a demandé au tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2016 au 28 février 2019, pour un montant total de 364 279 euros.

Par un jugement n° 2004893 du 10 mai 2022, le tribunal administratif de Versailles a déchargé la SARL Nickel des impositions contestées.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 août 2022, 4 octobre 2022, 16 juin 2023 et 17 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de remettre à la charge de la SARL Nickel, devenue société par actions simplifiée (SAS), les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont elle a été déchargée par le tribunal.

Le ministre soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a déchargé la société Nickel des impositions en litige au motif que les prestations de service de ménage et repassage à domicile réalisées en mode "mandataire" bénéficient du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à 10 % ; les premiers juges ont méconnu les dispositions du i de l'article 279 du code général des impôts et de l'article 86 de l'annexe III à ce code en leur donnant une interprétation non conforme à la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- les autres moyens soulevés par la SAS Nickel ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 février 2023 et 19 octobre 2023, la SAS Nickel, représentée par Me Tournès, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 8 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête du ministre n'est pas recevable dès lors que la requête sommaire présentée dans le délai d'appel ne comportait aucun moyen ;

- elle fournit des prestations d'entretien de la maison et travaux ménagers au sens du II de l'article 86 de l'annexe III au code général des impôts ; elle est déclarée à ce titre auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (direccte), en application de l'article L. 7232-1-1 du code du travail ; elle n'exerce pas une activité de coordination, qui concerne seulement l'intermédiation entre un particulier à la recherche d'un prestataire en vue de la délivrance d'un service à la personne à son domicile et un organisme de services à la personne agréé ou déclaré ; les prestations d'entretien de la maison et travaux ménagers en mode mandataire entrent dans le champ d'application de l'article 279 du code général des impôts, dès lors que le taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable dépend de la nature de l'activité et non des modalités d'exercice de cette activité ; ses salariés interviennent au domicile de ses clients pour déterminer leurs besoins, contrôler la qualité des prestations et pallier les absences des salariés employés par ses clients ;

- à titre subsidiaire, si l'interprétation de l'article 86 de l'annexe III au code général des impôts soutenue par l'administration fiscale devait être retenue, elle est fondée à se prévaloir de l'exception d'illégalité du décret du 17 juin 2013 fixant la liste des activités de services à la personne éligibles aux taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée, dont cet article est issu, dès lors que le législateur a entendu lier le bénéfice de la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit et la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 sexdecies du code général des impôts et que le i de l'article 279, modifié par la loi du 23 juillet 2010, renvoie au décret pour la fixation de la liste " des associations, des entreprises ou des organismes déclarés en application de l'article L. 7232-1-1 " et non pour réduire la liste des prestations éligibles au taux réduit ;

- elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la prise de position formelle exprimée par l'administration fiscale dans la proposition de rectification du 25 avril 2018 adressée à la société Shiva Groupe, maison-mère du groupe Shiva, dont elle est filiale à 95 %, qui appartient au même groupe d'intégration fiscale et qui, outre ses fonctions de franchiseur et de société holding, maison-mère et tête de groupe, exerce la même activité de services d'entretien de la maison et de ménage que ses franchisés, dans les mêmes conditions opérationnelles et juridiques ; elle est également fondée à se prévaloir de la position exprimée dans le " récépissé portant modification de déclaration d'un organisme de services à la personne " qui lui a été délivré le 22 novembre 2016 par la préfecture des Yvelines.

Par une ordonnance du 20 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, au 20 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dorion,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,

- et les observations de Me Tournès pour la SAS Nickel.

Une note en délibéré a été présentée le 30 novembre 2023 pour la SAS Nickel.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Nickel, devenue société par actions simplifiée (SAS), exploite une agence franchisée du réseau " Shiva ", spécialisé dans le service à la personne, notamment les prestations de services de ménage et de repassage à domicile. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2016 au 28 février 2019, à l'issue de laquelle le service vérificateur a remis en cause le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 10 % appliqué par la société. Des rappels de taxe lui ont été notifiés, pour un montant total de 364 279 euros, par une proposition de rectification du 28 mai 2019. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement du 10 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Versailles a déchargé la SARL Nickel de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

3. Dans sa requête sommaire, enregistrée dans le délai de recours contentieux, le ministre a soulevé un moyen tiré de ce que " le jugement attaqué encourt l'annulation en ce que, comme il sera démontré dans un mémoire ultérieur, c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles, qui a méconnu les dispositions du i de l'article 279 du code général des impôts et de l'article 86 de l'annexe III au même code en leur donnant une interprétation non conforme à la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA, a jugé que les prestations de service de ménage et repassage à domicile réalisées en mode "mandataire" par la société Nickel pouvaient bénéficier d'un taux de TVA de 10 % ". Cette requête sommaire expose un moyen et est de ce fait suffisamment motivée. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la SAS Nickel doit être écartée.

Sur le motif de décharge retenu par le tribunal :

4. De première part, aux termes de l'article 98 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, modifiée par la directive 2009/47/CE du 5 mai 2009 : " 1. Les États membres peuvent appliquer soit un, soit deux taux réduits. / 2. Les taux réduits s'appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant à l'annexe III. / (...) ". Parmi les livraisons de biens et prestations de services mentionnées à l'annexe III figurent : " 20) les services de soins à domicile, tels que l'aide à domicile et les soins destinés aux enfants, aux personnes âgées, aux personnes malades ou aux personnes handicapées ". Les services de soins à domicile visés par ces dispositions sont les services de nature non médicale rendus à domicile qui ont pour objet la satisfaction de besoins de la vie courante étroitement liés à la santé et au bien-être des personnes, ainsi que les services qui visent à répondre à des besoins spécifiques des personnes dépendantes ou fragiles.

5. De deuxième part, aux termes de l'article L. 7232-1 du code du travail : " Les services à la personne portent sur les activités suivantes : / (...) / 3° Les services aux personnes à leur domicile relatifs aux tâches ménagères ou familiales. " Aux termes de l'article L. 7232-1-1 du même code : " A condition qu'elle exerce son activité à titre exclusif, toute personne morale ou entreprise individuelle qui souhaite bénéficier des 1° et 2° de l'article L. 7233-2 et de l'article L. 7233-3 déclare son activité auprès de l'autorité compétente dans des conditions et selon des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat. " L'article L. 7232-6 de ce code prévoit que : " Les personnes morales ou les entreprises individuelles mentionnées aux articles L. 7232-1, L. 7232-1-1 et L. 7232-1-2 peuvent assurer leur activité selon les modalités suivantes : / 1° Le placement de travailleurs auprès de personnes physiques employeurs ainsi que, pour le compte de ces dernières, l'accomplissement des formalités administratives et des déclarations sociales et fiscales liées à l'emploi de ces travailleurs (...) ". Au chapitre des dispositions financières, l'article L. 7233-1 dispose que : " La personne morale ou l'entreprise individuelle qui assure le placement de travailleurs auprès de personnes physiques employeurs ou qui, pour le compte de ces dernières, accomplit des formalités administratives et des déclarations sociales et fiscales liées à l'emploi de ces travailleurs peut demander aux employeurs une contribution représentative de ses frais de gestion. " et l'article L. 7233-2 prévoit que " La personne morale ou l'entreprise individuelle déclarée qui exerce, à titre exclusif, une activité de services à la personne rendus aux personnes physiques bénéficie : / 1° Du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée sous les conditions prévues au i de l'article 279 du code général des impôts (...) ".

6. De troisième part, aux termes de l'article 278 du code général des impôts : " Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 20 % ". Selon l'article 279 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 10 % en ce qui concerne : (...) i Les prestations de services fournies (...), par des associations, des entreprises ou des organismes déclarés en application de l'article L. 7232-1-1 du même code, et dont la liste est fixée par décret (...) ". Aux termes du II de l'article 86 de l'annexe III à ce code, pris pour l'application du i de l'article 279 : " Les activités de services à la personne soumises au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l'article 279 du code précité en application des dispositions du i du même article sont les suivantes : / 1° Entretien de la maison et travaux ménagers (...) ".

7. Enfin, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / (...) V. - 1° L'assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de bien ou une prestation de services, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien, ou reçu et fourni les services considérés (...) ". En vertu de l'article 266 du même code : " 1. La base d'imposition est constituée : / (...) b. Pour les opérations ci-après, par le montant total de la transaction : / Opérations réalisées par un intermédiaire mentionné au V de l'article 256 (...) ".

8. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les prestations de services d'entretien de la maison et travaux ménagers réalisées au domicile des particuliers par les entreprises de services à la personne déclarées en application de l'article L. 7232-1-1 du code du travail bénéficient du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée prévu à l'article 279 du code général des impôts lorsque ces entreprises agissent en leur nom propre pour le compte d'autrui, à l'exclusion des prestations d'entremise assurées en qualité d'intermédiaire agissant au nom et pour le compte d'autrui.

9. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si les recettes réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans celui du taux normal de cette taxe, eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ses opérations.

10. Il résulte de l'instruction que la société Nickel, qui est déclarée en application de l'article L 7232-1-1 du code du travail, exerce une activité de placement de travailleurs auprès de personnes physiques employeurs et accomplit, pour le compte de ses clients, des formalités administratives et des déclarations sociales et fiscales liées à l'emploi de ces travailleurs, au sens du 1° de l'article L. 7232-6 du code du travail. Il est en effet constant qu'en vertu du " mandat de réalisation de formalités administratives et de paiement " conclu entre la société requérante et les employeurs particuliers qui font appel à ses services, les prestations de la société Nickel portent sur des missions de présélection et présentation des intervenants à domicile, d'immatriculation du client en tant qu'employeur, de déclaration et paiement des cotisations dues à l'URSSAF, et de remise de la rémunération, des bulletins de paie et des attestations d'emploi au salarié du client particulier. La société est ainsi mandatée par son client particulier, bénéficiaire de la prestation de travaux ménagers, pour la recherche et la réalisation des tâches administratives liées à l'emploi du salarié employé de maison, ce salarié donnant également mandat à la société pour percevoir sa rémunération pour son compte. Dans cette configuration " en mode mandataire ", le client de la société franchisée Shiva est l'employeur du salarié qui effectue les travaux ménagers à son domicile et le rémunère, tandis que le service facturé par la société déclarée porte exclusivement sur la rémunération de ses prestations de gestion administrative. La prestation consistant à placer des travailleurs auprès de personnes physiques employeurs ainsi que, pour le compte de ces dernières, à accomplir des formalités administratives et des déclarations sociales et fiscales liées à l'emploi de ces travailleurs, ne figure pas parmi les prestations de services d'aide à la personne bénéficiant du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions combinées du i de l'article 279 du code général des impôts et du II de l'article 86 de l'annexe III à ce code. Par suite, la taxe qui porte sur cette prestation d'entremise au nom et pour le compte d'autrui relève du taux normal de taxe sur la valeur ajoutée.

11. Si la société Nickel soutient qu'elle effectue au domicile de ses clients des interventions régulières, notamment des visites qualité et des travaux ménagers, elle n'en justifie pas en se bornant à produire une facture de formation de personnel à l'" entretien du cadre de vie et du linge " et à soutenir que des équipements siglés " Shiva " seraient remis au personnel de maison. Ces prestations à domicile ne sont d'ailleurs pas prévues par le mandat de réalisation de formalités administratives et de paiement qui lie la société requérante à ses clients, mandat qui mentionne expressément le caractère limitatif et exhaustif des prestations assurées par le franchisé. Alors que le ministre soutient que la société n'emploie que du personnel administratif, tel que des chargés de clientèle et des responsables d'agence, et ne dispose pas de salariés en mesure de réaliser des prestations d'entretien de la maison, ni même de contrôle de la qualité de ces travaux ménagers, la société n'apporte aucun élément quant à la réalité des prestations qu'elle dit réaliser au domicile de ses clients. C'est par suite à tort que les premiers juges ont accordé la décharge des rappels de taxe en litige au motif que la SARL Nickel devait être regardée comme effectuant, pour le compte de ses clients, des prestations de service d'entretien de la maison et travaux ménagers soumises au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée.

12. Il y a lieu par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens présentés par la SAS Nickel devant le tribunal administratif et devant la cour.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité du décret du 17 juin 2013 fixant la liste des activités de services à la personne éligibles aux taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée :

13. L'article 279 du code général des impôts, dans sa rédaction issue du 3° du III de l'article 31 de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, réserve le bénéfice du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée aux prestations de services fournies par des associations, des entreprises ou des organismes déclarés en application de l'article L. 7232-1-1 du code du travail, et dont la liste est fixée par décret. Ces dispositions ont ainsi expressément prévu que, parmi les activités de services à la personne fournies par des entreprises déclarées en application de l'article L. 7232-1-1 du code du travail, seules celles figurant sur la liste fixée par décret entreraient dans le champ d'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée. La société requérante n'invoque pas utilement l'intention du législateur pour soutenir que la réduction de la liste des prestations éligibles au taux réduit par le décret du 17 juin 2013 serait dépourvue d'habilitation législative. Par ailleurs, il ne résulte d'aucune disposition, non plus que d'aucun principe, que le bénéfice du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée devrait être lié au crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts, alors au demeurant qu'il est constant que cet avantage fiscal bénéficie aux employeurs particuliers clients de la SAS Nickel et non à celle-ci. Il suit de là que le moyen d'exception d'illégalité ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

14. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration " et aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ". Peuvent seuls se prévaloir de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales les contribuables qui se trouvent dans la situation sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée, ainsi que les contribuables qui ont participé à l'acte ou à l'opération qui a donné naissance à cette situation.

15. La SAS Nickel n'invoque pas utilement la prise de position exprimée par l'administration fiscale dans la proposition de rectification adressée à la société Shiva Groupe, dès lors que cette interprétation concerne un autre contribuable et que la société Nickel commercialise et facture ses propres prestations. Sont sans incidence à cet égard les circonstances que la société Shiva Groupe détient 95 % de la société Nickel, que la société Shiva Groupe exerce la même activité de services d'entretien de la maison et de ménage que ses franchisés, dans les mêmes conditions opérationnelles et juridiques, ou encore que cette société se serait constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés du groupe d'intégration fiscale auquel appartient la société Nickel. La société requérante n'est pas davantage fondée à se prévaloir, sur le même fondement, de la mention " ces activités ouvrent droit au bénéfice des dispositions des articles L. 7233-2 du code du travail " figurant sur le récépissé qui lui a été délivré, le 22 novembre 2016, pour le préfet des Yvelines par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France, dès lors que cette autorité n'est pas compétente en matière d'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a déchargé la société Nickel des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2016 au 28 février 2019 pour un montant total de 364 279 euros.

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SAS Nickel demande en application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société Nickel au titre de la période du 1er janvier 2016 au 28 février 2019, pour un montant total de 364 279 euros, sont remis à sa charge.

Article 2 : Le jugement n° 2004893 du 10 mai 2022 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 3 : Les conclusions de la SAS Nickel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SAS Nickel.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Versol, présidente de chambre,

Mme Dorion, présidente-assesseure,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 décembre 2023.

La rapporteure,

O. DORION La présidente,

F. VERSOL

La greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 22VE02060


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02060
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-09-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Calcul de la taxe. - Taux.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERSOL
Rapporteur ?: Mme Odile DORION
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;22ve02060 ?
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