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15/12/2023 | FRANCE | N°22PA04771

France | France, Cour administrative d'appel, 9ème chambre, 15 décembre 2023, 22PA04771


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2021 par lequel la maire de Paris l'a radiée des cadres pour abandon de poste à l'issue de sa période de disponibilité.



Par un jugement n° 2128436 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme A....





Procédure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés

respectivement les 8 novembre 2022 et 19 septembre 2023, Mme A..., représentée par Me Velasco, demande à la Cour :



1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2021 par lequel la maire de Paris l'a radiée des cadres pour abandon de poste à l'issue de sa période de disponibilité.

Par un jugement n° 2128436 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 8 novembre 2022 et 19 septembre 2023, Mme A..., représentée par Me Velasco, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2128436 du 30 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2021 par lequel la maire de Paris l'a radiée des cadres pour abandon de poste à l'issue de sa période de disponibilité ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à la ville de Paris de la réintégrer à ses fonctions, et de procéder au réexamen de sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de la ville de Paris le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il fait référence à une loi inexistante ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'appréciation, et d'une omission à répondre à un moyen ;

- les premiers juges ont omis de faire office de leur pouvoir d'instruction afin de solliciter la communication de son entier dossier personnel pour disposer de l'ensemble des éléments permettant de statuer sur sa situation ;

- les différentes mises en disponibilité autorisées sont entachées d'une erreur de droit en ce qu'elles excèdent le délai de trois années prévues par les dispositions de l'article 24 du décret

n° 86-68 du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, de disponibilité, congé parental des fonctionnaires ;

- la ville de Paris n'a pas pris en compte sa volonté de réintégrer depuis 2013 le service et ne lui a jamais proposé de poste ; elle l'a maintenue en position de mise en disponibilité contre sa volonté sans lui offrir aucune perspective de carrière ;

- la période de disponibilité telle qu'elle a été accordée par la ville de Paris pour élever son enfant est assimilée à des services effectifs dans le corps ou le cadre d'emplois ; la procédure de radiation des cadres pour abandon de poste ne lui est donc pas applicable ;

- l'arrêté attaqué est entaché de détournement de pouvoir et de procédure.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 28 août et 29 septembre 2023, la ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... a obtenu l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 9 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n°86-68 du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration ;

- le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 portant dispositions statutaires relatives aux personnels des administrations parisiennes ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boizot ;

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gorse, substituant Me Falala, pour la ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A... a été recrutée par la ville de Paris le 8 novembre 1990 en qualité d'agent de 2ème classe de surveillance spécialisée des musées de Paris. Elle a été placée en congé parental du 2 août 1995 au 12 juin 2000, puis en disponibilité pour donner des soins à un enfant à charge atteint d'un handicap jusqu'au 12 juin 2010. Placée en disponibilité pour convenances personnelles du 13 juin 2010 au 12 avril 2013, elle a de nouveau été placée en disponibilité pour donner des soins à un enfant à charge atteint d'un handicap du 13 avril 2013 au 12 avril 2021. Par un jugement n° 2128436 du 30 juin 2022 dont elle interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2021 par lequel la ville de Paris l'a radiée des cadres pour abandon de poste à l'issue de sa dernière période de disponibilité.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, le jugement attaqué, qui reproduit le texte de l'article 12 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ne saurait être regardé comme étant entaché d'une irrégularité ou comme ayant fait l'application d'un texte inexistant, pour avoir indiqué, à la suite d'une simple erreur de plume, qu'il s'agissait de l'article 12 bis de la loi n° 83-634 du 13 janvier 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

3. En deuxième lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme A... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreurs de droit et d'appréciation.

4. En troisième lieu, si Mme A... soutient que les premiers juges n'ont pas suffisamment répondu au moyen soulevé, tiré de ce que la durée de sa mise en disponibilité avait excédé le délai de trois ans, il ressort du point 5 du jugement attaqué que les premiers juges ont relevé, pour écarter le moyen tiré de ce que les mises en disponibilité successives lui ont été imposées, que ce moyen ne pouvait être utilement soulevé à l'encontre de la décision de radiation en litige, et qu'en tout état de cause, il ressortait des pièces du dossier que la requérante avait régulièrement sollicité le renouvellement de ses périodes de disponibilité. Ce faisant, les premiers juges ont suffisamment répondu au moyen soulevé, alors au demeurant qu'il ne ressort pas des écritures de première instance de la requérante que l'argument mentionné ait été réellement soulevé.

5. En dernier lieu, l'administration a communiqué devant le tribunal administratif un grand nombre de pièces tenant à la situation administrative de Mme A.... Dans ces conditions, les premiers juges disposaient de suffisamment d'informations pour statuer sur la demande de Mme A..., sans qu'ils aient eu besoin, par mesure d'instruction, de demander à la ville de Paris de produire d'autres pièces. Par suite, le moyen d'irrégularité tiré de ce que les premiers juges n'ont pas demandé la communication de pièces supplémentaires doit être écarté, Mme A... ne précisant au demeurant pas de quelles pièces il s'agirait.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. Aux termes de l'article 12 bis de la loi du 13 juillet 1983 applicable aux faits de l'espèce : " I.- Le fonctionnaire est placé dans une des positions suivantes : 1° Activité ; (...) / 3° Disponibilité ; ". L'article 24 du décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 précité dispose : " La mise en disponibilité est accordée de droit au fonctionnaire, sur sa demande : (...) 1° bis Pour donner des soins à un enfant à charge, au conjoint, au partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, à un ascendant à la suite d'un accident ou d'une maladie grave ou atteint d'un handicap nécessitant la présence d'une tierce personne ; / (...) La mise en disponibilité prononcée en application des dispositions ci-dessus ne peut excéder trois années. Elle peut être renouvelée si les conditions requises pour l'obtenir sont réunies. (...) ". Selon l'article 26 du même décret : " Sauf dans le cas où la période de mise en disponibilité n'excède pas trois mois, le fonctionnaire mis en disponibilité sur sa demande fait connaître à son administration d'origine sa décision de solliciter le renouvellement de la disponibilité ou de réintégrer son cadre d'emplois d'origine trois mois au moins avant l'expiration de la disponibilité. (...) ". L'article 24 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit que la non-réintégration à l'issue d'une période de disponibilité entraîne la radiation des cadres.

7. Une mesure de radiation de cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation de cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est ni présenté ni n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été placée à sa demande, comme en attestent les différents courriers et certificats médicaux qu'elle a adressés à la ville de Paris, en disponibilité pour donner des soins à un enfant atteint d'un handicap nécessitant la présence d'une tierce personne pour la période comprise entre le 13 avril 2013 au 12 avril 2021. Il est constant que, dans les trois mois qui ont précédé cette date, l'intéressée n'a ni sollicité le renouvellement de sa mise en disponibilité ni sa réintégration dans les effectifs de la ville de Paris en méconnaissance des dispositions de l'article 26 du décret n° 86-68 précitées. En conséquence, l'administration l'a mise en demeure par lettre recommandée en date du 26 août 2021 de lui faire connaître son intention de réintégrer son administration, de solliciter une nouvelle disponibilité ou de démissionner au terme de la disponibilité pour convenance personnelle intervenu le 12 avril 2021 et lui impartissait un délai de huit jours pour faire connaître sa position. Elle a également été informée que le non-respect de cette injonction entraînerait l'engagement d'une procédure de radiation des cadres de la ville de Paris. La requérante n'ayant fait part d'aucun changement d'adresse, le pli a été présenté à sa seule adresse connue de l'administration à Paris le 31 août 2021 et a été retourné à la ville de Paris avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Si, dans le délai fixé par la mise en demeure, l'agent ne justifie pas son absence, ou n'informe l'administration d'aucune intention de renouvellement de sa disponibilité et ne se présente pas à elle, sans justifier, par des raisons d'ordre médical ou matériel, son refus de reprendre son poste, et si, par ailleurs, aucune circonstance particulière ne peut expliquer son abstention, l'autorité compétente est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressée. Au vu de ce qui précède, Mme A..., qui n'avait plus effectivement occupé de poste depuis plus de vingt-cinq ans à la date de la décision attaquée, n'ayant justifié d'aucune raison d'ordre médical ou matériel faisant obstacle à une reprise de poste, l'administration n'a, en l'espèce, pas commis d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation en estimant que le lien avec le service, qui avait persisté nonobstant le placement en position de disponibilité, avait été rompu du fait de l'intéressée et que la situation d'abandon de poste était caractérisée. De même, au regard notamment de ce qui a été dit précédemment, la décision prononçant la radiation des cadres de Mme A... n'est entachée ni d'un détournement de procédure ni d'un détournement de pouvoir afin d'éviter qu'elle puisse bénéficier de certaines garanties ou formalités.

9. Par ailleurs, si Mme A... soutient que la ville de Paris n'a jamais tenu compte de sa volonté de reprendre son service et que ses mises en disponibilité successives lui ont été imposées, ces griefs sont inopérants contre la décision portant radiation des cadres en litige. En tout état de cause, comme il a été indiqué au point 8 du présent arrêt, les renouvellements successifs des périodes de disponibilité ont été sollicités par la requérante qui a transmis à la fin de chaque période à l'administration un certificat médical accompagné d'un courrier où elle sollicitait expressément la prolongation de sa mise en disponibilité, nonobstant la circonstance qu'elle ait adressé le 10 juillet 2013 un courrier pour solliciter une reprise d'activité. Enfin, la circonstance que les décisions de mise en disponibilité successives l'auraient empêchée de bénéficier de perspectives de carrières au sein de la ville de Paris est sans influence sur la légalité de la décision attaquée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction, ainsi que les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de la justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 15 décembre 2023.

La rapporteure,

S. BOIZOTLe président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22PA04771

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N° 22PA04771


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04771
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : VELASCO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;22pa04771 ?
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