Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par une ordonnance n° 2203248/12 du 29 mars 2022, le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme tardive.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 octobre 2022, M. B... A..., représenté par Me Angliviel, demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa demande présentée devant le tribunal administratif de Paris était recevable, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;
- il a été destinataire d'informations contradictoires s'agissant des mentions relatives aux délais de recours contentieux ;
La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision du 21 septembre 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Paris a admis M. B... A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bruston, rapporteure a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant ivoirien né le 1er janvier 1997, est entré en France en 2017 selon ses déclarations. Le 25 janvier 2022, il a fait l'objet d'une interpellation sur la voie publique et a été placé en rétention administrative. Par un arrêté du 26 janvier 2022, le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans. M. A... relève appel de l'ordonnance du 29 mars 2022 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a rejeté pour tardiveté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...). / Les (...) autres magistrats ayant le grade de président désignés à cet effet par le président de la cour peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...) les requêtes dirigées contre des ordonnances prises en application des 1° à 5° du présent article (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 614-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions et délais prévus au présent chapitre, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision relative au délai de départ volontaire et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) ". Aux termes de l'article L. 614-6 de ce code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " I. (...) Conformément aux dispositions de l'article L. 614-5 du même code, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 du même code, fait courir un délai de quinze jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément. Cette notification fait courir ce même délai pour demander la suspension de l'exécution de la décision d'éloignement dans les conditions prévues à l'article L. 752-5 du même code. (...) II. - Conformément aux dispositions de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. (...) ". Aux termes de l'article R. 776-5 du même code : " (...) II. - Les délais de quarante-huit heures mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-4 et les délais de quinze jours mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-3 ne sont susceptibles d'aucune prorogation. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 26 janvier 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a obligé M. A... à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans, a été notifié à l'intéressé par voie administrative le 26 janvier 2022 par les services de gendarmerie. Le procès-verbal de notification et l'arrêté en litige comportaient des mentions de voies et délais de recours contradictoires, en indiquant un délai de quinze jours pour saisir le tribunal administratif s'agissant du procès-verbal de notification, et de quarante-huit heures s'agissant de la décision elle-même, de sorte que le requérant a été induit en erreur s'agissant des délais dans lesquels il était tenu de présenter son recours contentieux. Par suite, le délai de quarante-huit heures, qui est le moins favorable à l'intéressé, prévu par les dispositions précitées de l'article R. 776-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne pouvait pas être opposé au requérant et c'est à tort que le premier juge a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi, laquelle a été déposée le 9 février 2022, soit avant l'expiration du délai plus favorable de quinze jours à compter de la notification de l'arrêté attaqué, seul délai opposable à l'intéressé. Il s'ensuit que l'ordonnance du 29 mars 2022 du tribunal administratif de Paris doit être annulée.
5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme tardive et donc irrecevable, et à demander l'annulation de cette ordonnance.
6. Enfin, en l'absence de conclusions sur le fond présentées par les parties, l'affaire ne peut qu'être renvoyée devant le tribunal administratif de Paris pour qu'il soit à nouveau statué sur la demande de M. A....
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme demandée par le conseil de M. A... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2203248/12 en date du 29 mars 2022 du président du tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... devant la Cour sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Bruston, présidente assesseure,
- Mme Saint-Macary, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.
La rapporteure,
S. BRUSTON
La présidente,
M. HEERS
La greffière,
O. BADOUX-GRARELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA04485 2