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15/12/2023 | FRANCE | N°22NT03365

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 15 décembre 2023, 22NT03365


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 9 février 2021 par lequel le préfet de l'Eure lui a retiré son titre de séjour.



Par un jugement n° 2100521 du 15 juin 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 octobre 2022 et 24 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Abdou-Saleye

, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 15 juin 2022 ;



2°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 9 février 2021 par lequel le préfet de l'Eure lui a retiré son titre de séjour.

Par un jugement n° 2100521 du 15 juin 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 octobre 2022 et 24 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Abdou-Saleye, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 15 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 février 2021 du préfet de l'Eure lui retirant son titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure ou à tout autre préfet compétent de lui délivrer une carte de résident, dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet de l'Eure a méconnu la procédure contradictoire de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il a méconnu le 10° de l'article R. 311-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a méconnu le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 décembre 2022, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens du requérant ne sont pas fondés.

Par une décision du 27 septembre 2022, le président du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant congolais né le 9 mai 1993 à Brazzaville, est entré en France en 2005. Une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale ", valable jusqu'au 6 février 2022, lui a été délivré le 7 février 2020. Par un arrêté du 9 février 2021, le préfet de l'Eure a retiré ce titre de séjour. Il relève appel du jugement du 15 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".

3. M. A... ne peut utilement soutenir que le courrier du 25 novembre 2020 par lequel le préfet de l'Eure l'a informé qu'il envisageait le retrait de son titre de séjour et lui a laissé un mois pour présenter des observations ne précise pas qu'il pouvait se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix dès lors que les dispositions précitées de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, qu'il invoque, n'imposent aucune formalité d'information par l'administration sur ce point.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusée ou retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". Aux termes de l'article R. 311-15 du même code, alors en vigueur : " I. Le titre de séjour peut être retiré : (...) / 10° Si l'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné, le 1er février 2012, à 4 mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans pour des faits d'outrage à personne dépositaire de l'autorité publique, rébellion, refus par le conducteur d'un véhicule de se soumettre à des tests alcooliques ou de stupéfiants, destruction d'un bien appartenant à autrui, et violence avec usage et menace d'une arme sans incapacité, commis le 20 novembre 2011, le 7 février 2012 à 3 mois d'emprisonnement avec sursis assorti de l'obligation d'accomplir des travaux d'intérêt général de 105 heures pour des faits de recel de bien provenant d'un vol et refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, commis respectivement le 5 janvier 2012 et dans la nuit du 31 décembre 2011 au 1er janvier 2012, le 29 juin 2012 à 2 mois d'emprisonnement pour des faits de conduite d'un véhicule à moteur malgré l'annulation judiciaire de son permis de conduire, commis le 13 mai 2012, le 16 octobre 2012 à 1 an d'emprisonnement dont 4 mois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant 2 ans pour des faits d'outrage à personne dépositaire de l'autorité publique, dégradation ou détérioration de bien destiné à l'utilité ou la décoration publique et d'un bien appartenant à autrui et de violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité, commis le 9 septembre 2012, le 7 septembre 2015 à 400 euros d'amende pénale pour des faits d'usage illicite de stupéfiants, commis le 28 juillet 2015, le 19 mai 2016 à 4 mois d'emprisonnement pour des faits de conduite d'un véhicule sous l'emprise de stupéfiants et de l'alcool, usage illicite de stupéfiants et refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, commis du 1er janvier 2016 au 2 février 2016, le 10 février 2017 à 8 mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant 2 ans pour des faits de conduite d'un véhicule en état d'ivresse manifeste, refus par conducteur de véhicule de se soumettre à des analyses ou examens d'usage de stupéfiants, refus par conducteur de se soumettre à vérification d'un état alcoolique, usage illicite de stupéfiants, commis le 22 janvier 2017, le 21 février 2018 à 500 euros d'amende pour conduite sans assurance, le 3 juillet 2019, à 8 mois d'emprisonnement pour usage de stupéfiants et le 13 novembre 2019 à 90 jours amende à 5 euros pour outrage et violence sans incapacité en récidive sur une personne dépositaire de l'autorité publique. Compte tenu de la nature des faits commis et de leur persistance sur une durée aussi longue, le préfet de l'Eure n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la présence en France de M. A... constituait une menace pour l'ordre public, quand bien même il a fait preuve d'efforts pour s'insérer depuis sa dernière incarcération. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Eure a méconnu le 10° de l'article R. 311-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. A... fait valoir ses efforts de réinsertion et d'intégration par le travail depuis plusieurs années et qu'il est le père de deux filles de nationalité française, nées en 2012 et 2020. Toutefois, il ressorts des pièces du dossier qu'il n'entretient pas de relation suivie avec sa fille née en 2012 et qu'il ne contribue pas à son entretien ou à son éducation. En outre, s'il ressort notamment du jugement du 26 avril 2022 du juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Caen qu'il a fait des efforts certains pour se rapprocher de sa fille en 2020, il ne justifie aucunement avoir contribué effectivement à son entretien alors que son impécuniosité n'est pas établie sur l'ensemble des périodes en cause et qu'il a notamment été condamné à verser une pension alimentaire à ce titre. Dans ces conditions, eu égard au caractère très récent de l'insertion de M. A... et à la menace qu'il représente pour l'ordre le public, le préfet de l'Eure n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doivent être écartés.

8. En quatrième et dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. Eu égard à ce qui a été dit au point 7, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant l'arrêté contesté, qui d'ailleurs n'emporte pas éloignement de M. A... et donc sa séparation avec ses enfants, le préfet de l'Eure aurait méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Eure du 9 février 2021 lui retirant son titre de séjour.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions du requérant aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande le requérant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03365


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03365
Date de la décision : 15/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINÉ
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: Mme ROSEMBERG
Avocat(s) : ABDOU-SALEYE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-15;22nt03365 ?
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