Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de l'Essonne a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision d'inscrire le terme " Laïcité " à la suite de la devise républicaine au fronton des écoles de la commune d'Etampes et d'enjoindre au maire de la commune d'Etampes de retirer cette inscription des bâtiments scolaires de la commune.
Par un jugement n° 2008880 du 29 juillet 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision non formalisée par laquelle le maire de la commune d'Etampes a décidé d'inscrire le terme " Laïcité " à la suite des trois mots de la devise de la République sur le fronton des écoles communales, et a enjoint à la commune d'Etampes de retirer cet affichage et d'inscrire la devise de la République " Liberté, Egalité, Fraternité " telle que définie à l'article 2 de la Constitution sur le portail des écoles communales, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 septembre 2021, la commune d'Etampes, représentée par Me Margaroli, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ou de réformer ce jugement ;
2°) de rejeter la demande du préfet ;
3°) et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros à verser à la commune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune soutient que :
- le déféré du préfet de l'Essonne est irrecevable car la décision en litige constitue une mesure d'ordre intérieur non décisoire insusceptible de faire l'objet d'un déféré préfectoral ;
- la devise de la République a bien été apposée au fronton des écoles de la commune, conformément aux dispositions de l'article L. 111-1 du code de l'éducation ;
- aucune règle n'interdit l'apposition d'un terme supplémentaire sur le fronton des bâtiments publics, dès lors que ce terme ne symbolise aucune revendication d'opinion politique, religieuse ou philosophique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2022, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 17 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 6 novembre 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution du 4 octobre 1958 ;
- le code de l'éducation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Cozic,
- les conclusions de M. Frémont, rapporteur public,
- et les observations de Me Margaroli, avocate, représentant la commune d'Etampes.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de l'Essonne a, par un courrier du 12 novembre 2020, demandé au maire de la commune d'Etampes de retirer de la façade et des accès des écoles de la commune le terme " Laïcité ", ajouté à la devise de la République " Liberté, Egalité, Fraternité ". Par un courrier du 30 novembre 2020, le maire de la commune d'Etampes a refusé de faire procéder à la modification de ces mentions portées en fronton des écoles communales. La commune d'Etampes fait appel du jugement n° 2008880 du 29 juillet 2021, par lequel le tribunal administratif de Versailles, a annulé, sur déféré du préfet de l'Essonne, la décision non formalisée par laquelle le maire de la commune d'Etampes a fait inscrire le terme " Laïcité " à la suite des trois mots de la devise de la République sur le fronton des écoles communales.
Sur la légalité de la décision contestée :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1 de la Constitution du 4 octobre 1958 : " La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. (...) " Aux termes du quatrième alinéa de l'article 2 de la Constitution : " La devise de la République est " Liberté, Egalité, Fraternité ". " Aux termes de l'article L. 111-1-1 du code de l'éducation : " La devise de la République, le drapeau tricolore et le drapeau européen sont apposés sur la façade des écoles et des établissements d'enseignement du second degré publics et privés sous contrat. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 est affichée de manière visible dans les locaux des mêmes écoles et établissements. (...) ".
3. En premier lieu, alors que le législateur a par la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 inséré les dispositions précitées dans le code de l'éducation, encadrant en particulier les modalités de pavoisement des écoles publiques, et alors qu'une telle mesure revêt par nature une portée symbolique particulièrement forte, la commune d'Etampes ne saurait sérieusement soutenir que la décision d'ajouter le mot " Laïcité " dans la devise de la République apposée sur la façade des écoles de la commune serait constitutive d'une simple mesure d'ordre intérieur. Le préfet de l'Essonne était ainsi recevable à déférer cette décision devant le tribunal administratif de Versailles.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune d'Etampes a fait installer sur divers bâtiments publics, à compter du mois de novembre 2020 des panneaux en forme de blason, portant les couleurs du drapeau français, ainsi que les mots " Liberté ", " Egalité ", " Fraternité ", " Laïcité ". Il ressort en particulier des photographies versées au dossier que ces quatre mots sont inscrits les uns à la suite des autres sur quatre lignes successives d'un blason, avec la même calligraphie, composant ainsi un tétraptyque homogène.
5. Ce faisant, le maire de la commune d'Etampes ne s'est pas simplement borné à apposer le mot " Laïcité " sur les portails des écoles et de plusieurs autres bâtiments publics, mais a ainsi altéré la formulation de la devise de la République, telle qu'énoncée par les dispositions de l'article 2 de la Constitution française, qui n'intègre pas ce terme. La décision contestée du maire a ainsi méconnu la Constitution et les dispositions de l'article L. 111-1-1 du code de l'éducation et doit en conséquence être annulée.
6. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Etampes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision par laquelle le maire de la commune d'Etampes a fait ajouter le terme " Laïcité " à la suite des trois mots de la devise de la République sur le fronton des écoles communales.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune requérante demande à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par la commune d'Etampes est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Etampes et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Aventino, première conseillère,
M. Cozic, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2023.
Le rapporteur,
H. COZICLe président,
B. EVEN
La greffière,
I. SZYMANSKI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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N° 21VE02760